Bonjour Frédéric Mars, pour la première interview sur Plume Libre, vous ne couperez pas au rituel : Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous ?
Je suis la réincarnation de John Lennon, qui lui-même se prenait pour une nouvelle incarnation de Jésus Christ.
Non, plus sérieusement, je suis un ancien journaliste qui était malheureux dans la presse et qui désormais se sent comme chez lui dans son métier d'auteur à temps plein. Je ne vis que de ma plume depuis plus de sept ans, et je m'en félicite chaque matin au réveil. Écrire non stop est autant un bonheur qu'une discipline, et j'aime cette difficulté à affronter chaque jour.
Le reste a peu d'intérêt et d'importance, car toute ma vie se concentre sur cette activité. En dehors, et hormis peut-être le cinéma, j'ai peu de hobbies.
Quel a été l’élément déclencheur qui a vous poussé à l’écriture de romans ?
J'ai toujours inventé des histoires. Depuis tout gamin j'imagine sans cesse des "débuts d'histoire". C'est une sorte de drogue. Il me vient parfois des dizaines de "Et si..." dans une même journée. Un jour sans et je me sens vide, inutile. J'ai besoin de la fiction pour supporter la vie réelle. C'est mon stupéfiant à moi, je n'ai aucune autre addiction (si ce n'est les glaces !) que celle-là.
Avec "Le sang du Christ", vous opérez un virage à 180° par rapport à vos romans précédents, qu'est-ce qui a motivé ce choix ?
Je dirais plutôt "imposé" que motivé. Parfois, certains sujets vous apparaissent si évidents qu'ils ne vous laissent pas le choix. Quant à moi, je n'ai jamais décrété que je ne ferai que des comédies romantiques, ou des thrillers sentimentaux (comme mes deux précédents romans). Je me suis à chaque fois laissé porter par une histoire vers laquelle tout convergeait de manière un peu magique. : mes lectures, l'actualité, mes propres réflexions, ma vie privée, etc... En clair, je n'ai pas de "plan de carrière" romanesque et tous les genres sont susceptibles de m'attirer. Je n'en rejette aucun par principe. Demain ça peut être de la SF ou même de la littérature érotique. C'est justement ce que je trouve fabuleux dans cette activité créatrice-là, c'est l'immense liberté dont jouit l'auteur. Mais j'ai bien conscience qu'en France, pour avoir du succès, il faut être identifié et étiqueté. De ce point de vue, j'aurais sans doute plus ma place dans le paysage éditorial anglo-saxon, ou les "touche à tout" sont mieux admis. Certains pensent qu'ils ne sont pas nés à la bonne époque, moi je pense parfois que je ne suis pas né sous la bonne latitude !
Quelles furent les étapes dans l’élaboration de ce roman ?
Le déclencheur a été la publication, en 2006, de l'évangile apocryphe dit "de Judas" qui présente un Jésus plus mystérieux, vindicatif, et porteur d'un message secret qu'il ne transmet qu'à Judas. Jésus y apparait aussi comme un gnostique, c'est à dire comme un homme dont la spiritualité ne s'embarrasse pas des codes et des textes religieux, mais passe par une relation directe et intime à la divinité. Ces deux aspects m'ont donné alors envie de me replonger dans les Evangiles, d'en faire une lecture "à plat", sans m'attarder sur son message ou sa divinité, mais en cherchant au contraire à dégager le personnage réel - pour ne pas dire historique - des lacunes et des contradictions de ces quatre récits (les quatre Evangiles canoniques reconnus par l'Eglise). M'est alors apparu que ces textes ne couvrent qu'une infime partie de la vie du Christ. Quasiment rien de sa naissance à sa vie publique, c'est à dire près de 30 ans, n'est évoqué par eux. On quitte Jésus bébé, emporté en Egypte par Joseph et Marie, et on le retrouve prêchant en Galilée, quelques mois avant sa crucifixion. Entre les deux : rien ou presque !
Or, il est troublant et assez peu crédible que la vie d'un personnage si important pour son époque - il est décrit dans les Evangiles comme un descendant du roi David, et donc comme un prétendant légitime au trône d'Israël, usurpé par les Hérodes mis en place par Rome - fasse l'objet de si peu de détails. C'est comme si on avait exalté le Jésus "Messie potentiel", en valorisant voire en tordant sa biographie pour qu'elle colle aux prophéties de la bible hébraïque, et cherché à maquiller le Jésus politique et familial. Je me suis donc demandé pourquoi, et j'ai lu à peu près toutes les thèses dites mythistes, c'est à dire qui interrogent l'historicité de Jésus. L'une d'entre elles, L'énigme de Jésus de Daniel massé, a retenu mon attention. Car elle fait un lien direct entre lui et la famille dite "de Gamala", principaux rebelles de cette période à l'occupant romain. Il y a une vraie cohérence historique dans ce rapprochement.
Pourquoi avoir choisi cette période de l'histoire ?Parce que c'est une période clé, durant laquelle tout l'équilibre de l'Empire romain, mais aussi du Judaïsme et du Moyen-Orient, va basculer de manière durable, et jusqu'à aujourd'hui. Et, à l'intérieur de cette époque, la Pâque de l'an 30 qui a vu la crucifixion de Jésus est sans doute la semaine la plus riche en événements et en tension, si l'on excepte la destruction du Temple de Jérusalem, 40 ans plus tard.
Ensuite, s'est posé la question de situer ou non mon récit dans l'époque. Et j'ai vite opté pour cette solution, pourtant plus complexe à gérer en termes de narration. Je ne voulais pas de l'éternel duo d'enquêteurs du FBI qui recherchent un meurtrier du passé.
Votre roman est une fiction, mais n'avez-vous pas eu peur de "choquer" certaines personnes avec les thèmes abordés ?
Franchement non. C'est un travail de romancier, pas d'historien. J'ai juste utilisé des éléments disponibles pour combler les fameux trous dans le récit des Evangiles, et laissé libre cours à mon imagination à partir de là. Je ne pense pas que cela puisse bousculer un dogme quelconque, ni les convictions des croyants quant au fond du message christique.
Que voudriez-vous dire aux lecteurs qui n’ont pas encore lu, Le Sang du Christ ?
Que ce n'est pas une histoire simple, que c'est un récit complexe mais que, je le pense et l'espère, ils sauront largement récompensés de leurs efforts à la fin !
Je pourrais aussi leur dire, pour les rassurer, qu'ils retrouveront à la fois tous les épisodes et tous les personnages qu'ils connaissent dans les Evangiles... mais sous un éclairage inédit, qui les surprendra. Un peu comme quand on apprend qu'un personnage public, un acteur ou un chanteur, était en fait un espion à la solde d'une puissance étrangère ;-)
Avez-vous d'ores et déjà commencé à écrire la suite ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
La suite se situera principalement entre 64 et 66 de notre Ere, donc une bonne trentaine d'années après les faits relatés dans le Sang du Christ. Et toute la problématique sera, toujours sur fond d'intrigue criminelle, de savoir comment les principaux protagonistes composent avec les événements de l'an 30, soit pour les camoufler soit au contraire pour les utiliser à des fins religieux, politiques ou personnels. L'action se situera toujours à Jérusalem, mais aussi en grande partie à Rome, sous Néron.Vous partez actuellement à la rencontre de vos lecteurs, quelles sont les principales réactions, ne serait-ce que par rapport à la superbe couverture réalisée par David Barckman ?
La couverture rebute ou suscite au contraire une adhésion immédiate, en tout cas elle ne laisse pas indifférent, ce qui pour moi est l'essentiel.Est-ce que le choix de cette couverture s’est fait dans la « joie et la sérénité » ou a-t-elle suscité des débats ?
Pas vraiment, elle a plutôt créé des remous chez mon éditeur. Moi, j'ai cette image en tête depuis le tout début, alors j'ai tenu bon, et j'ai eu la chance que le juge de paix ultime, Michel Lafon en personne, penche en ma faveur. C'est aussi lui qui avait dit oui à mon projet sur un simple pitch d'un quart d'heure. Il a tout de suite compris où je voulais emmener mon sujet, et les lecteurs.
Quels sont vos derniers coups de cœur, musicaux, littéraires et cinématographiques ?
J'ai vécu ces derniers mois en immersion totale Sang du Christ, donc j'ai moins lu, écouté ou regardé que d'ordinaire. Néanmoins, et autant par plaisir que pour des raisons pros, j'ai réécouté l'intégrale remastérisé des Beatles ainsi que le Live de Paul McCartney. Au cinéma, que j'adore pourtant, peu de chocs esthétiques ou émotionnels, hélas.
Côté lecture, j'engloutis actuellement des monceaux de documentation sur John Lennon. Les lectures "plaisir" ont donc été plus rares, mais j'ai notamment été ébranlé par "La route" de Cormac McCarty, que j'ai lu avec un temps de retard.Quels sont vos projets ?
Après Jésus, comme vous l'aurez compris, je m'attaque à un autre mythe, mais cette fois plus proche de nous : John Lennon. Ce n'est pas une bio à proprement parler, ce sera une fiction... je crois assez surprenante !Merci Frédéric Mars, nous vous laissons le mot de la fin.
Eh bien, pour paraphraser et détourner Lennon justement, au début des Beatles : "to the toppermost of the bookermost !". Ce qu'on pourrait traduire approximativement par "Vers le topissime du livrissime !"