Mister Hyde contre Frankenstein


La collection 1800 regorge de trésors : Ash, ELLE et l'un de nos coups de cœur, "Mister Hyde contre Frankenstein". Après la très bonne surprise que nous a réservé le tome 1, nous avons voulu en savoir plus.
Comment nait une B.D., comment passe-t-on de l'idée à l'écriture, puis à l'illustration, comment choisit-on les couleurs ...
C'est avec une extrême gentillesse que l'équipe qui a travaillé sur les deux albums a répondu à nos questions
.

Montage réalisé comme parodie des affiches de dons du sang et des affiches de propagande

Tout commence avec ce qui peut nous faire penser à une feuille pleine de gribouillis incompréhensibles, mais qui dans la tête du scénariste est parfaitement claire.
Brouillon intuitif des éléments de base du scénario du T2 avec les informations sur le monstre, Freud, les objectifs des uns et des autres

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Au vu de ce qui suit, on peut facilement penser qu'un scénariste écrit aussi "bien" qu'un médecin ... C'est incompréhensible mais quand tout est terminé qu'est ce que c'est bien.
Brouillon de la page 7 du tome 2 en version prises de notes de descriptifs sans dialogue

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Et voici ce que l'illustrateur va découvrir, à lui de mettre toutes ses idées en images.

Version En pdf la version définitive de la page 7 avec dialogues

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Nous voulions en savoir un peu plus , donc quoi de mieux que de s'adresser directement au scénariste, et pour être certain de nous faire un copain pour la vie on a une super question, histoire de détendre l'atmosphère ...

Si on vous fait le compliment "Cette BD c'est vraiment une Dobbs" Vous répondez quoi ?
Le jeu de mot est immonde, je suis donc très heureux de cette mise en bouche hehehe

Ça c'est fait passons maintenant aux choses un peu plus sérieuses
 Bonjour Dobbs, afin de mieux vous connaitre, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous et sur votre parcours ?
Ancien universitaire spécialisé en sociologie criminelle, j’ai préféré écrire pour le Journal de Mickey et pour quelques jeux de rôle plutôt que de plancher sur ma thèse d’alors. Proposer des projets BD aux éditeurs en tant que scénariste BD, c’était plus fun. Cela m’a pris quelques temps avant d’être publié, j’ai donc entre temps eu plusieurs fonctions : cadre associatif en sanitaire et social, cadre administratif en politique de la ville, chargé de cours à la fac... Je suis actuellement formateur en histoire du cinéma et analyse filmique chez Artfx, une école spécialisée dans les effets spéciaux, en même temps que mon travail de scénariste BD chez Soleil.


Comment avez-vous travaillez votre scénario par rapport aux romans originels ?
Mon postulat de départ a été de changer la fin du livre de Mary Shelley (Frankenstein, ou le Prométhée moderne) pour faire un lien à ma sauce avec le début du livre de Stevenson (L’étrange cas du docteur Jekyll et de Mister Hyde).  Ceux qui connaissent les deux livres auront leur propre vision des choses et les lecteurs « vierges » pourront aussi faire leur chemin et, je l’espère, liront les œuvres originales par la suite. Pour moi, c’est un véritable hommage, le tout sans être un exercice d’adaptation…


 Dans l'écriture de votre scénario, faites-vous déjà le découpage précis des cases ou laissez vous libre expression au dessinateur?
Je découpe totalement les pages avec le nombre de cases, l’organisation, les angles, les cadres et les actions. Par la suite, j’envoie les fichiers au dessinateur qui fait lui-même sa proposition graphique autour de cette composition de page. Après échanges, on tombe souvent sur quelque chose qui correspond au meilleur compromis possible entre nous.


Comment est né ce projet ?
L’idée de départ de Jean-Luc Istin, le directeur de la collection « 1800 » chez Soleil était de faire se rencontrer Hyde et le monstre de Frankenstein. Il a donc fallu ruser à cause de la différence de lieu et d’époque pour mêler ces deux univers, sombres et scientifiques. J’ai adoré me (re) plonger dans ces récits romantiques et gothiques car ce sont mes premières lectures fantastique de jeunesse.


A part celui de Robert Louis Stevenson avez-vous été influencé par d'autres adaptations littéraires ou cinématographiques de Docteur Jekyll et Mister Hyde?
De nombreuses références m’ont aidé pour me mettre dans l’atmosphère de travail sur ce projet : ça va du « Hyde »  réalisé par Rouben Mamoulian en 1931, à l’univers de Tim Burton,  l’adaptation par Stephen Frears de « Mary Reilly » (l’ouvrage de Valerie Martin), La « fiancée de Frankenstein » de James Whale de 1935, ou encore le Frankenstein illustré par Bernie Wrightson…


Quels sont vos projets ?

Pas mal de choses en route pour le moment avec déjà la fin de ce diptyque. En septembre sortira également le tome 1 de l’adaptation du roman de Henry Rider Haggard, Les mines du roi Salomon (toujours dans la collection « 1800 » de Soleil avec DimD au dessin). Quant à l’écriture du moment, je travaille  sur plusieurs séries lancées toujours chez Soleil : de la dark fantasy, de l’épique scandinave et aussi du thriller contemporain. Je planche aussi sur quelques idées pour de futurs projets concernant le 19eme siècle, parce que je suis un peu devenu accro à l’époque victorienne…


Merci beaucoup, nous vous laissons le mot de la fin.
Guacamole.

*Celui là on ne l'a pas volé vu la première question ...
Définition :
Le crayonné : Première ébauche proprement dite du dessin. À partir de cette étape, le travail s'effectue généralement sur un support plus grand (format A2) que celui de la planche imprimée (format A4)

L'encrage : L'encrage est, en dessin, la technique qui consiste à surligner une esquisse, généralement effectuée au crayon mine (appelé crayonné), par une couche plus précise noire, généralement à l'encre de Chine.

 Pour "Mister Hyde contre Frankenstein" cette étape est le domaine d'Antonio Marinetti qui a très gentillement accepté de nous raconter cette aventure.

Ma méthode de travail ne diffère guère de celle de beaucoup de collègues : après avoir lu le scénario, je commence à faire des croquis de la séquence, le storyboard de la planche directement. Cette phase est très importante pour moi, je la considère peut-être la plus créative et amusante de tout le parcours qui conduit à une planche complète. La mise en scène et le découpage sont ma véritable passion, et d'ailleurs ce qui me pousse à acheter une BD plutôt qu'une autre. Ensuite, je fais des recherches iconographiques des scénographies et des costumes des personnages. Pour conclure, je précise et peaufine mes crayonnés afin de pouvoir être à l’aise avec mon encrage. J'encre avec des feutres calibrés et des pinceaux 02 et 03.
J'ai été très heureux qu'on me propose Mister Hyde contre Frankenstein parce que la littérature et les films de ces personnages m'ont toujours intéressé. Donner un nouvel élan, voire un visage, au monstre de Frankenstein a été un défi agréable : il fallait s'éloigner de l'iconographie classique bien qu'en rendant le monstre reconnaissable par rapport à celui d'origine.
En ce moment, je travaille sur la série "Julia" chez Bonelli et j'ai démarré une nouvelle série pour Soleil, qui tourne autour d'un autre grand classique de la littérature horrifique : la momie.

Une fois toutes les informations reçues l'illustrateur va devoir les mettre en images, tout en respectant les valeurs décrites.
Image 1 : Crayonné de la page 23 du tome 1 préparant un montage par analogie avec la neige de la boule et la neige tombant réellement en Suisse / on y voit aussi Faustine séparant la page en 2 avec en haut la version fictionnelle d’une rencontre entre deux scientifiques (un célèbre dermatologue français et Jekyll) et en bas l’importance de la technique qui doit prendre le pas sur les anciennes valeurs (avec un débat sur l’électricité et les mathématiques).
Image 2 : Encrage définitif non lettré de cette même page

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Définition :
La mise en couleur : opération qui consiste à choisir et appliquer la couleur aux différentes zones délimitées par les traits encrés (personnages, décors, vêtements), tout en respectant la continuité des couleurs au fil des planches. Le coloriste doit aussi définir les lumières et les ombres du dessin en fonction du scénario.
L’aventure « Mister Hyde contre Frankenstein » vue par Virginie Blancher ? (coloriste)

Pour Mister Hyde contre Frankenstein, quand j'ai  été contacté par Dobbs pour faire un essai, j'ai retenu du brief "19eme siécle", "ambiance gothique", "cinéma".
Comme je travaillais déjà avec un autre dessinateur italien ( Emiliano Zarcone pour Waterloo 1911), l'expérience m'a facilité la tache pour aborder les planches d'Antonio.
Les ombres et les lumières sont déjà là : c'est le genre de planche où il faut se glisser sous le trait et utiliser la couleur pour poser des ambiances plutôt que des effets.

Des teintes désaturées étaient demandés, pour poser un esprit cinéma vintage à la façon des vieux films d'horreur.
Je n'avais pas encore eu l'occasion de réaliser un album avec ce type de gammes très subtiles, j'ai foncé sur l'occasion pour créer des séquences en quasi-monochrome.
Le gros du travail fut de poser des textures, des lumières et des ombres théâtrales.
J'ai travaillé des personnages en cell-shading pour les contraster au maximum.

Niveau organisation, j'avais les 46 pages dés le début à chaque tome.
Dobbs m'a donné des références cinématographiques, j'ai cherché aussi pas mal de documentation pour les ambiances et les effets de lumière.
Je discutais des points importants des séquences avec Dobbs avant la colo d'une planche.
On regardait ensuite les petites corrections à apporter. Puis la couleur était finalisée et montrée à Jean Luc Istin pour validation finale.


Un aperçu du travail réalisé avec une version crayonnée et une version  définitive de la page 7, colorisée par Virginie Blancher et lettrée par l’éditeur

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L'un des éléments le plus important de l'album, puisqu'il est ce que le (futur) lecteur va voir en premier. Cette couverture doit donner assez d'éléments sur l'histoire tout en gardant une grande part de mystère.  
En cliquant sur les images ci-dessous, vous pourrez découvrir un montage qui vous dévoilera les différentes étapes de la compo/couleur/finalisation... réalisée par Gérald Parel
vol.1 - La dernière nuit de Dieu                  vol.2 - La chute de la maison Jekyll
Vous trouverez une analyse très intéressante de la couverture du tome 1 sur le blog : C'est en couverture !

A ce stade, le travail est presque terminé, il reste l'impression et le plus angoissant pour l'équipe, l'avis des lecteurs.

Un grand merci à Dobbs, Antonio Marinetti et Virginie Blancher pour nous avoir permis de réaliser cet article.
Merci également à Bénédicte des éditions Soleil.






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