Franck Hériot

 

 

 

Franck Hériot

 

 

Bonjour Franck Hériot. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous et sur votre parcours ?
C’est à France Inter, où j’ai dirigé le service police-justice pendant plusieurs années, que j’ai découvert le monde du fait divers, un univers d’une richesse humaine que l’on ne soupçonne pas avant d’y avoir été confronté, qu’il s’agisse des victimes, des policiers, des magistrats ou des criminels eux-mêmes. “Il n’est de richesses que d’hommes” a dit il y a très longtemps le philosophe Jean Bodin. Il avait raison. Avant France Inter, j’ai eu le privilège de participer à l’aventure de France-Info dès sa création. Auparavant, j’avais travaillé pour la presse écrite comme reporter. Puis j’ai abandonné la radio pour retrouver la presse écrite où mon gout pour l’écriture y trouvait son compte. Parallèlement, j’ai écrit un certain nombre de livres/enquêtes sur des affaires politico-judiciaires. J’ai également prêté ma plume – et la prête encore – à des célébrités. Ghost Writer, comme l’on dit aujourd’hui. Cela me permet de découvrir d’autres univers auxquels, sinon, je n’aurai probablement jamais eu accès. Aujourd’hui, j’ai rejoint le monde de l’édition comme directeur de collection, notamment aux Editions Jacob-Duvernet où j’ai lancé la revue (magbook ou mook) Crimes et châtiments, consacrée… aux faits divers et d’une manière plus générale au monde judiciaire et policier. Mais désormais mon ambition – y parviendrais-je ? – est de ne plus rien faire d’autre que d’écrire des romans, qu’ils soient noirs ou pas… et d’en vivre. Ce qui n’est pas gagné d’avance!


Le diable d'abord - Franck HériotVotre roman Le diable d’abord est sorti en janvier 2013, pourriez-vous nous le présenter ?
Pour la troisième fois, le commandant Gorin, flic de la mythique Brigade criminelle du Quai des Orfèvres, est à la manœuvre. Gorin est un personnage complexe et l’intrigue qu’il va devoir résoudre cette fois-ci ne va pas éclaircir son côté sombre et torturé puisqu’il se retrouve au centre du puzzle et qu’il en est même une des pièces principales. J’ai décidé de mener deux intrigues de front, l’une et l’autre – bien sûr – finissant par se rejoindre mais de la manière la plus inattendue qui soit – enfin, j’espère… La question étant moins “qui a fait quoi ? ” que “pourquoi l’ont-ils fait ?”… Le plaisir de l’écrivain étant, on s’en doute, d’exploiter les zones d’ombre qu’il y a au fond de chaque être humain. Ces zones grises ou carrément noires qu’il devient parfois impossible de contenir, de juguler. Souvent – toujours ? – la ou les réponses sont à chercher dans le passé de chacun… Sachant, comme le dit une phrase du livre, qu’on n’échappe pas à son passé.


Justement, l'intrigue de votre roman prend sa source dans le passé des personnages, est-ce une volonté de votre part afin de donner un peu plus de « vie » à ces mêmes personnages ?

A quoi devons-nous ce que sommes ? A l’inné ? A l’acquis ? Quelle que soit la part de l’un ou l’autre dans notre construction, dans cette lente maturation qui fera de nous ce que nous sommes, la réponse se situe dans notre passé, des relations que nous avons eu avec nos proches, à commencer par nos parents. Nous commençons à devenir nous-mêmes, à concevoir notre propre existence, à travers les autres et la perception que nous en avons.
Un flic qui enquête sur un meurtre n’a pas d’autre choix, de toute façon, que de remonter dans le temps : la réponse s’y trouve toujours. Et puis, qui a-t-il de plus excitant pour un écrivain que d’examiner les blessures – visibles ou invisibles – laissées par les autres et que le temps n’effacera jamais.  


La folie a, elle aussi, une grande place dans cette histoire et dans la littérature policière en général, qu’est-ce qui vous a poussé à utiliser (avec beaucoup de talent) cette facette pour vos personnages ?
La vengeance, lorsqu’elle macère trop longtemps, vire forcément à une forme de folie. Cela devient une obsession, une nécessité vitale, un but ultime à atteindre et cela offre au romancier une gamme extraordinaire de sentiments extrêmes avec lesquels il peut “jongler”, prolongeant, enrichissant du même coup le suspens. La vengeance et la folie offrent en outre des ressorts tragiques sur lesquels un “roman noir” ne peut que… s’épanouir.


Comment vous est venue l’idée de cette histoire ?
C’est une réponse à laquelle je n’ai pas encore trouvé de réponse… Peut-être faudrait-il que je me plonge dans mon propre passé… Plus sérieusement, j’ai le début d’une histoire et sa fin. Ne reste plus alors qu’à combler les cases vides grâce à des personnages que je connais déjà et à d’autres qui apparaissent au fil de l’écriture. Tous, évidemment, me permettent de progresser vers la fin de mon histoire. Je leur laisse une très grande liberté. Ma connaissance des faits divers et de leurs acteurs m’aide considérablement dans mon travail.


Faust est un personnage très particulier, comment est-il né ?
Difficile de répondre sans dévoiler une partie de l’énigme. Je peux dire qu’il m’a été inspiré par plusieurs faits divers avant de se préciser peu à peu, au fur et à mesure que j’imaginais les évènements ayant jalonné son passé.


La fin est assez ouverte et laisse quelques questions en suspens, aurons-nous un jour le plaisir de voir revenir le commandant Gorin ?
Bien sûr. Il est déjà en route, lui et le lieutenant Pensec qui a l’air de plaire beaucoup ! Cette fois, il ne sera pas question de vengeance…


Spécialisé dans les enquêtes judiciaires et politico-financières, pourquoi avoir choisi d’écrire des romans policiers ?
Par goût. Goût du suspense, goût des histoires à rebondissements, des caractères extrêmes, par curiosité aussi, pour aller plus loin dans un monde parallèle ou souvent l’imagination est en retard sur la réalité. Enfin, pour raconter ce que je n’avais pas pu raconter ailleurs,  sur ce que j’ai pu voir ou entendre et que seule la “fiction” permet de restituer avec une grande liberté.


Travaillez-vous de façon différente quand vous écrivez un roman ?
C’est un autre monde ! J’ai la faiblesse de croire que mon écriture est très différente. En tout cas, je fais tout pour que mon travail soit celui d’un écrivain et non plus celui d’un “journaliste écrivant”. Il s’agit de deux exercices radicalement opposés. L’un doit répondre à des codes très précis, l’autre – je vous laisse deviner lequel – offre au contraire une très grande liberté bien qu’à mon sens il demande beaucoup plus de travail.


Les éditions Pocket viennent de publier votre 1er roman, La femme que j’aimais, un roman qui a reçu plusieurs prix dont le prix Plume de Cristal à Liège en 2010. Pourriez-vous nous en parler ?
Comment vit-on la disparition de son ou ses enfants? Peut-on seulement vivre sans savoir ce qu’il leur est arrive? C’est ce qui arrive à Antoine Jolimai, accusé à tort du meurtre de sa femme. L’histoire commence dans un hôtel où il est descendu avec sa famille. Quand il se réveille, sa femme est morte à ses côtés, étranglée. Ses enfants, qui étaient dans une chambre mitoyenne, ont disparu. Leur chambre est vide comme si elle n’avait jamais été occupée. Il n’a rien vu. Rien entendu. Il est condamné et n’aura de cesse de prouver son innocence et surtout de retrouver ses enfants. Et c’est un certain commandant Gorin – qui apparaît pour la première fois – qui va mener l’enquête …


Quels sont vos projets futurs ? Un nouveau roman est-il en préparation ? De quel genre ? Allez, dites-nous tout....
Comme je vous l’ai dit, j’ai commencé un quatrième roman consacré aux “aventures” du commandant Gorin et du lieutenant Pensec. Les idées – l’imagination –  ne manquent pas. Le principal ennemi est le temps. On en a jamais assez et l’on sait qu’il en sera ainsi jusqu’au bout. Cela en devient une obsession…  


Merci beaucoup Franck Hériot, nous vous laissons le mot de la fin.
Que dire en ces temps où le livre est mal en point, sinon : LISEZ ! Qu’il s’agisse de papier ou d’édition numérique, LISEZ ! Quel paradoxe: c’est au pays de Molière, de Victor Hugo, de Balzac, de Proust, de Céline et de tant d’autres génies de la littérature… qu’on lit le moins!

Du même auteur : Biographie, chronique, interview

Go to top