Olivier Norek

 

Code 93 - Olivier Norek



Bonjour Olivier Norek, la première question est un petit rituel de présentation ... Pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?
Bonjour à vous et merci de m’accueillir. Une petite présentation ? Je vous comprends, nous aussi, dans nos auditions, nous aimons savoir à qui on a à faire : nom, prénom, adresse, date de naissance et que faisiez vous jeudi soir dernier ? Alors je me plie à l’exercice avec plaisir.
J’ai 37 ans, je vis sur le 93 depuis une dizaine d’années sans trop d’égratignures, la Seine Saint Denis n’est pas que l’enfer dont on veut bien nous parler.
Je suis Lieutenant de Police à la S.E.R. Section Enquêtes et Recherches de la PJ du 93. Notre groupe est spécialisé dans les agressions sexuelles et les enlèvements avec ou sans demande de rançon. Malheureusement le 93 est un département très actif, dans le mauvais sens policier du terme, et très régulièrement nous devons palier au manque d’effectif des autres groupes. Dans une même semaine, je peux être en renfort sur un plan stup’ le matin à 6h00 ou sur une enquête d’homicide, en planque jusque tard dans la nuit. Les planques, c’est très romanesque, mais je vous assure qu’il n’existe rien de plus ennuyeux !

Lieutenant de police à la section Enquête et Recherche du SDPJ 93 depuis quatorze ans, comment vous êtes-vous décidé à sauter le pas et à écrire un roman ?
Il y a une petite phrase dans code 93 qui résume bien ma réponse. Le quotidien des flics c’est ce que l’homme recèle de pire en lui. Meurtriers, assassins, violeurs, braqueurs, kidnappeurs, escrocs et voleurs… autant d’infractions, d’enquêtes et de traques qui donnent autant d’histoires incroyables… Je considère les flics comme parmi les derniers aventuriers de ce siècle… J’ai eu bien assez de matière pour en écrire un livre, cent même !
Code 93 - Olivier NorekCode 93 est votre premier roman. Conte de fées ou parcours du combattant ?
Je dois vous avouer que chez Lafon, ils sont aux petits soins avec moi ! Bien sûr, le début a été difficile. Il a fallu choisir parmi toutes les histoires qui squattent mon cerveau, sélectionner les meilleures. Code 93 a atteint les 1400 pages pour trois versions différentes. Si vous l’aviez lu il y a 6 mois, c’était un tout autre livre. Mais pour répondre à votre question, je dirais plutôt conte de fées. Mais dites moi, les contes de fées, c’est pas le truc où il y a le plus de sorcières, de dragons, de traîtres et de salauds au mètre carré ?
On se doute que votre travail a influencé votre façon d’écrire mais de quelle manière ?
Pour tenir le coup dans ce métier, il y a une règle à respecter : ne pas rentrer le soir en ramenant tout le malheur du monde dans son appart'. Très mauvaise idée. Il faut toujours se répéter : C’est pas mes proches, c’est pas ma peine. La peine, elle est aux familles, l’effroi, pour les survivants ou les témoins et nous, notre job n’est pas de se faire parasiter par ces sentiments, mais d’arrêter le type qui a généré tout ce merdier. Toujours se souvenir que ce ne sont pas mes proches, ce n’est pas ma peine. Résultat, quand je commence une enquête, mon regard est le même que celui d’une caméra. Extérieur et pourtant, toujours sur le zoom. C’est de cette manière aussi que j’écris, dans un style très cinématographique.

Comment se déroule votre processus d’écriture ? Avez-vous en tête l’intrigue de vos livres dès le début ou évolue-t-elle au fur et à mesure ?
J’ai l’esprit méthodique. J’aime savoir où je vais, l’impro me déstabilise. Il y assez d’incertitudes et d’imprévus dans ma vie pour au moins vouloir contrôler ne serait-ce que mon écriture. Je commence par choisir mes personnages et avant même d’écrire la moindre ligne du roman, je débute par une petite nouvelle sur chacun d’eux. Je sais après exactement comment ils réagissent, la manière dont ils parlent et les choix qu’ils pourraient faire devant une situation particulière. C’est de cette manière qu’ils ont tous un caractère et une personnalité identifiables. Ensuite pour l’histoire, je fais un chapitrage, le mot n’existe pas, pas grave, je vous l’offre. J’ai donc en face de moi toute l’intrigue, ses rebondissements et jusqu’au retournement de situation final. C’est le lecteur que je veux surprendre, pas moi même !

Quelle a été la réaction de votre entourage, amis et collègues, à la lecture de Code 93 ?
Bienveillance. C’est le mot qui me vient à l’esprit. Ma famille est très fière, c’était le plus important. C’est ma base, mon socle, sans eux je suis à la dérive.
Mes amis n’ont pas trop été surpris de me voir passer à un autre type d’écriture puisque avant j’écrivais des paroles de chansons pour notre groupe. J’ai du malheureusement les abandonner un temps.
Pour les flics, au début, je pense qu’il y a eu une certaine méfiance. Normal, dans les médias, ils sont rarement épargnés, alors un nouveau bouquin sur eux, ce n’était pas gagné de les y faire adhérer. Quand ils ont lu les 50 premières pages, tous leurs doutes se sont envolés. Je ne dis pas que je ne les maltraite pas un peu dans certains chapitres, mais ils ont vu que le boulot était honnête et ils n’en souhaitaient pas plus.

Pouvez-vous nous présenter votre roman ?
C’est l’histoire de deux forces opposées. D’un côté, des flics peu scrupuleux à qui la hiérarchie va demander de planquer des procédures d’homicides. De l’autre, un assassin qui voit d’un très mauvais regard ces policiers masquer son œuvre. Il va alors décider de théâtraliser et de mettre en scène ses prochains crimes de manière à être surmédiatisé. Ainsi, en essayant d’enterrer des meurtres, nos flics ne réussissent qu’à réveiller un monstre. Au milieu de tout ça, il y a le Capitaine Victor Coste et son équipe qui vont devoir enquêter sur deux tableaux : sur ces flics qui ont oublié leur éthique et sur ce criminel qui gagne en renommée, en visibilité et terrorise tout un département. Mais Code 93, c’est tellement plus que cela !

Sans en dire trop sur l'intrigue, d'où vous est venue l'idée de départ ?
Une très bonne question, malheureusement, l’idée de départ, c’est le dénouement de l’enquête, ce serait dommage d’en parler, non ? Sans trop en révéler, j’ai cherché à répondre à ces questions : Comment justifier et rendre crédible une folie meurtrière ? Comment faire perdre son âme à un homme ? Mais surtout, comment amener le lecteur à assez d’empathie envers le « monstre » pour qu’il se demande s’il veut vraiment que les flics bouclent l’enquête… De quel côté serez-vous ?
Comment avez-vous composé « les méchants » ? En quoi vous êtes vous appuyé sur votre expérience ?
Cela a été une des parties les plus agréables de l’écriture, collaborer avec des pros. Par exemple, toutes les scènes d’homicides et d’autopsies ont été vues avec un médecin légiste. Je lui ai lancé des défis, comme réveiller un mort, et ensemble, nous les avons relevés. Pour la construction du monstre j’ai collaboré avec une psychologue criminologue de manière à le dépeindre au plus vrai. J’en avais assez de ce postulat de départ qui moi me frustre énormément : Il est fou. Voilà, il est fou, maintenant on peut lui faire faire ce qu’on veut. Trop facile. Je voulais que le lecteur le comprenne, attention, pas qu’il excuse, mais comprenne ses choix. De cette manière, on assiste à sa construction (déconstruction ?), le découvrant homme lambda et l’accompagnant dans sa dérive criminelle. Même le Capitaine Victor Coste n’arrive pas vraiment à le détester.

Tous les personnages qui composent l’équipe sont très emblématiques, on sent un véritable lien entre eux. Comment crée-t-on une telle galerie ?
Il y a beaucoup de moi en Coste, c’est certainement pour cela que c’est le personnage qui a la personnalité la plus secrète, une histoire de pudeur peut-être. Pour le reste de son équipe, ce sont des mélanges de caractères et de physiques. Les 5 flics principaux sont un mix d’une vingtaine de vrais collègues avec qui j’ai travaillé. Ils sont devenus tellement vrais que je me suis surpris à la fin du livre à leur parler, tout seul dans mon salon. C’est grave vous pensez ?

Que diriez-vous aux lecteurs qui n'ont pas encore lu votre livre ?
Oui c’est un polar. Encore. Je sais. Mais cette fois-ci c’est un polar imaginé par un flic. Tout ce que vous lirez est vrai… à 90%... Mais je sens bien qu’il vous en faut plus. Pour savoir si le bouquin était réussi, mais surtout pour savoir si l’intrigue fonctionnait, j’ai composé un lectorat de plusieurs policiers venant de différents horizons : crime, brigade des mineurs, psy police, stups et toute mon équipe de la Section Enquêtes et Recherches. Le but était de les mener par le bout du nez jusqu’à la fin et tous se sont fait avoir !

Quel regard portez-vous sur le cinéma et particulièrement sur les films qui mettent en scène des policiers en action ? Vos favoris ? Ceux que vous détestez?
Je crois que la plupart des flics sont d’accord, « Engrenages » reste la meilleure série. L’œuvre très sombre d’Olivier Marshall est aussi une référence. Pour ma part, j’aime les flics simples, pas alcooliques, pas dépressifs et si possible sans flashs ni fulgurances qui lui font voir l’assassin avant tout le monde. Les flics vont bien, c’est le monde autour qui ne tourne pas rond. J’ai voulu rendre aux lecteurs les flics comme ils sont et je déplore de ne pas en voir plus. J’en ai marre de les voir le nez plein de coke, acoquinés avec une prostituée, avec des relations impossibles avec leur hiérarchie, divorcés et suicidaires. Comme si le job n’était pas assez compliqué comme ça !

Comment percevez-vous le métier de flic à travers la littérature policière ? Trouvez-vous les polars en général réalistes ou plutôt exagérés, voire sortant complètement de la réalité du métier ?
Le métier de policier est fait de spécialisations, comme les docteurs. Il y a les pros des stups, ceux qui ont le flair pour les escrocs, ceux qui sont assez caméléon pour se faire des indics dans le grand banditisme, d’autres qui ont la sensibilité nécessaire pour traiter des procédures de viols et prendre en charge les victimes, et tous ont leurs ficelles, leurs techniques, éprouvées sur le terrain comme en audition. Je trouve tout à fait normal que sans être flic, les polars ne peuvent être qu’approximatifs. D’un autre coté, tous les lecteurs n’ont pas envie de réalisme. Si on ne devait que rester au plus près de la vérité, au revoir les « Racines du Mal » de Dantec, au revoir les Fred Vargas, quand Adamsberg renifle l’assassin 250 pages avant les autres et quelle perte ce serait pour le genre ! Pour Code 93, j’ai mélangé les deux, le réalisme d’un documentaire et la romance d’une pure fiction.

Quels sont vos projets à venir ? Aurons-nous le bonheur de retrouver Victor Coste et son équipe ?
J’ai des fourmis dans les doigts et un orage d’idées qui tonne sans cesse. Mais, cette fois-ci, il faut que je me canalise et que je ne recommence pas des milliers de pages pour n’en garder que 363. J’ai très envie d’en faire un héros récurrent, lui comme les membres de son équipe. Mais l’envie c’est bien, aussi faut-il que je trouve les lecteurs qui vont avec. Ce sont eux qui me donneront l’autorisation d’un second opus.

Merci beaucoup Olivier Norek, nous vous laissons le mot de la fin.
Le livre n’est plus dans mes mains, il est maintenant aux lecteurs. N’hésitez pas à l’encenser ou à le descendre sur mon facebook, toutes les critiques sont bonnes à prendre, surtout pour un premier roman. J’espère vous étonner, peut-être vous faire peur. En espérant que vous prendrez plaisir à décrypter ce Code 93.


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