Lucie Brasseur

 
 
 
 



Interview de Lucie Brasseur
 

Lucie Brasseur, qui êtes-vous ?
    Née dans les Yvelines en 1983, j'ai grandi dans une famille de nomades et d'artistes. Ma mère brésilienne m'a transmis le goût des voyages, mon père, artiste peintre, celui de l'art. Mon enfance a été mouvementée mais chacun à sa façon, ils m'ont transmis le goût de la liberté.

Après quatre ans au collège de Marciac immergée dans la musique et la culture afro-américaine, j'ai repris des études plus classiques : un bac littéraire et une maîtrise de littérature brésilienne (ma deuxième patrie). J'ai voyagé, vécu à l'étranger, multiplié les stages puis les piges dans les rédactions avant de créer ma première entreprise à 22 ans. Boulimique de lecture, d'aventures, d'histoires et un rien hyperactive, mon leitmotiv reste "si on n'essaie pas, on ne sait pas." Partir à la découverte de contrées lointaines ou à la rencontre de l'autre dans toutes ses dimensions sont mes grandes passions, auxquelles je m'adonne en écrivant et en voyageant.

Mais j'ai aussi été une serial entrepreneur. Après l'ouverture d'une première société à 22 ans - pas une grande réussite mais un tremplin pour la suite - en 2008, à 25 ans, c’est à Orléans que j'ai posé mes bagages pour y créer Twideco TV, ma deuxième entreprise. Les secteurs différaient (formation puis média) mais le même objectif demeurait : « transmettre ».

Enfin, après deux accidents de voiture, j'ai décidé de me consacrer pleinement à ma passion : l’écriture. Biographe d’entrepreneurs, j'ai publié deux ouvrages en 2012 chez Plume d’Eléphant dont Michel Garcia, Du Cheval à l’Eléphant (Michel Garcia est le PDG d’Everial et a créé en 1973 Jet Services).

Les Larmes Rouges du Citron Vert, chez Bookly Editions, est mon premier roman.


Amy, le personnage de votre roman est une jeune femme pétillante. Y a-t-il une part de vous en elle ?

    On me pose souvent la question et elle est légitime. Il y a souvent beaucoup de l’auteur dans un premier roman. Sans doute me posera-t-on moins la question pour mon prochain roman puisque le personnage principal est un homme âgé de cinquante ans. Je ne peux pas nier qu’en ce qui concerne Amy beaucoup d'éléments sont proches de ma réalité et les personnages ressemblent parfois à mon entourage. Mon héroïne a presque le même âge que moi et vit à Paris, comme ça a longtemps été mon cas. Elle travaille dans une startup, et j’en ai créé trois. Il y a des points communs c’est certain mais aucun auteur n’est complètement absent de ses personnages. Enfin, quand on le lit, j’espère que l’on constate que ce projet reste plus proche de la fiction que de l’autobiographie. L’exemple le plus flagrant à mon sens, c’est qu’elle est plus observatrice qu’actrice de sa vie… Ce n’est vraiment pas mon cas !


Votre roman a été publié grâce au soutien des internautes. Racontez nous cette aventure ?
L'idée de l'édition participative proposée par le site internet http://www.Bookly.fr et co-portée par les Editions Prisma m'a tout de suite séduite simplement car cette solution replace l'auteur et les lecteurs au cœur du processus de diffusion de la culture. Boulimique de lecture, je n'en demeure pas moins technophile. Internet est un outil magique qui démocratise la culture, le savoir, le partage. J’aime profondément cet outil alors, proposer mon premier roman à l’édition via le web, en intéressant financièrement mes futurs lecteurs, cela me semblait évident.

Pour revenir au mode de fonctionnement : Les éditions Bookly associées au groupe PRISMA, permettent aux auteurs de présenter leur travail directement aux lecteurs qui investissent sur le projet, un peu comme s'ils prenaient des parts dans une société. Les auteurs proposent un ou plusieurs extraits de leur roman, créent une fiche de présentation et les supporters (ou co-éditeurs) investissent de 10 à 500 euros. Ils participent à l'aventure, votent pour la couverture, reçoivent en avant-première l'ouvrage dédicacé lors de sa sortie... C'est une aventure éditoriale géniale - tous éditeurs ! - et une opportunité incroyable pour les auteurs qui, avant même de voir leur livre en librairie trouvent de véritables ambassadeurs. Mes co-éditeurs ont suivi l’ensemble du lancement, m’accompagnent virtuellement en dédicace partout en France, découvrent les articles de presse, de blogs, encouragent leurs libraires à découvrir le roman… une incroyable aventure humaine collective !

Les Larmes rouges du citron vert est sorti en version numérique en juin 2012 et en librairie en janvier 2014 soutenu par 160 investisseurs. Qu'ils en soient encore ici remerciés.


Les larmes rouges du citron vert - Lucie BrasseurLes larmes rouges du citron vert  est un titre peu banal. Comment est-il né ?
    La clef de l’énigme est dans le titre, je ne peux donc pas en révéler tout son sens. Ce que je peux dire, c’est que le citron vert est le grand secret que mon héroïne va découvrir dans le centre d’accueil Galaxie où elle est bénévole auprès des SDF. Les larmes rouges, c’est pour le côté polar… Au départ, le livre aurait dû s’appeler simplement le Citron Vert, puis au fil de l’écriture, - et des cadavres ! - ce titre plus long m’est apparu comme une évidence. J’aime les titres longs et colorés, je leur trouve plus de poésie qu’aux titres classiques et courts.


Votre livre a pour cœur l’univers des SDF. Comment avez-vous mené vos recherches ?
    Mes parents n’ont jamais vécu dans l’opulence. Loin de là. Il nous est arrivé de compter parmi les nombreuses familles qui remplissent leurs frigo grâce au secours des ONG caritatives, comme les resto du cœur. Là, dans les files d’attente pour recevoir son colis de pâtes et de conserves, j’ai lu la détresse des regards, les tremblements, j’y ai découvert les addictions comme soupapes de sécurité psychologiques, j’ai engrangé beaucoup des sensations et des émotions que je dépeins dans ces pages. J’y reviendrais sans doute dans un prochain roman… différemment.
Les chiffres de la misère s’étalent dans les médias, mais personne n’y est directement confronté. Etrange non ? C’est comme les magazines people qui tirent à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires chaque semaine mais que personne ne lit, ou les chiffres du FN aux scrutins alors que publiquement personne n’avoue voter pour ce parti. Il faut arrêter de se voiler la face. On a tous un copain qui vote FN, une copine qui lit Voici et une famille d’amis qui mange aux resto du cœur.
En traitant ce sujet, c’était aussi une façon de dire, qu’une fois la porte fermée, on ne sait jamais ce qui se passe chez son voisin. C’était une façon, en grossissant le trait, de rappeler que la misère n’est pas honteuse, qu’elle fait partie de nos sociétés et qu’elle résulte souvent d’accidents de la vie. Que vous, vos proches, moi, nous sommes tous potentiellement des SDF, - des SDF en puissance - qu’on ne sait jamais ce que nous réserve la vie, les bonnes et les terribles surprises. Une façon enfin, de dire « ouvrez les yeux » et pour paraphraser Albert Cohen « ils et elles sont nos frères humains. »
Pour les recherches, vous l’aurez compris, j’avais en moi un terreau fertilisé par l’existence. J’ai lu des articles, écouté attentivement les histoires de vie des uns et des autres, j’ai regardé des documentaires… un peu. Mais je voulais que ce soit avant tout une fiction, pas un reportage journalistique.


Quel est votre retour sur l’expérience d’entrepreneur ?
    Jusqu’en 2012 je créais des entreprises (la première j’avais 22 ans…), j’avais des salariés, je gérais, organisais, développais… C’était aussi une façon de créer. A posteriori, je me rends compte que c’était surtout un merveilleux promontoire pour observer la société : rapport au travail, à l’emploi, aux rapports de force, aux luttes de pouvoir, aux autres, à l’argent, à la reconnaissance… Autant de motifs pour justifier les jolis meurtres sanglants que je commets en littérature aujourd’hui !

Ces expériences de chef d’entreprise, de communicante, de marketeuse comme on dit, m’ont permis de structurer le lancement et d’orchestrer la part de promotion de l’ouvrage. Certains de mes amis auteurs sont stupéfaits de m’entendre parler de clients (au lieu de lecteurs), d’expérience client (pour la lecture), de stratégie marketing, de gestion des relations presse, d’animation des communautés en matière de digital marketing, d’industrie du livre… Je crois qu’il y a beaucoup à voir entre le lancement d’une activité économique et le lancement d’un livre. C’est moins poétique et pourtant… Seul le vocabulaire diffère !

Vous savez, je ne fais rien à moitié car je ne veux surtout pas avoir de regret !

Aujourd’hui, je vais au bout de la démarche, je valorise mes prescripteurs, je tisse un réseau relationnel basé sur la confiance avec les lecteurs, les médias, la presse, les libraires, les organisateurs d’événements… Ils sont – est-ce si grossier de le dire ? – mes principaux relais de croissance…. :) En vérité, c’est un secret de Polichinelle, tous les auteurs qui réussissent et qui sortent best sellers sur best sellers, fonctionnent ainsi ! Amélie Nothomb, Katherine Pancol, Marc Lévy, Guillaume Musso…


Vos études de littérature vous ont-elles aidé dans votre parcours d’écrivain et quelles ont été leurs influences ?
    Je ne peux pas croire que l’on devienne écrivain si on n’est d’abord lecteur. J’ai toujours aimé les livres – peut-on vivre heureux sans eux ? – ils m’ont sans doute parfois sauvé de moi-même…

J’ai toujours eu un carnet dans lequel je consignais un vers, une citation, un portrait, une situation, une scène, les débuts d’un roman, des références de livres à lire, de films à voir, un bout de dialogue pêché dans le métro ou au comptoir d’un bistrot... J’aime la vie et les gens, profondément. Quand mes amies d’enfance ont su que j’était « passée à l’acte », de concert elles ont simplement répondu « enfin ! ». Visiblement cela leur était évident : un jour Lucie écrirait. Et, au fond, secrètement sans doute le savais-je aussi. L’orgueil ? L’ego ? La peur de ne pas y parvenir ? Le syndrome du « trop de livres en librairie, que vais-je apporter à ça ? »… la douloureuse comparaison pour l’étudiante en lettres ?.. Mes études de lettres brésiliennes m’ont permis d’embrasser la culture de manière protéiformes, elles m’ont donné des clefs d’analyse, des outils stylistiques mais ont aussi été la première raison pour laquelle j’ai tardé avant de m’y essayer. J’avais peur de la confrontation avec les grands… En créant des entreprises, j’ai fini par comprendre que si « on n’essaie pas on ne sait pas ». Ce ne fut donc qu’en ajoutant l’amour des mots et l’audace que j’ai franchi le pas… !


Quelle lectrice êtes-vous ? Quels sont vos derniers coups de cœur ?

    Je vous l’ai dit, je suis boulimique de lectures… Enfin, je le croyais avant de rencontrer les lecteurs sur le terrain. Je lis un à trois livres par semaine quand certains que je croise sur la toile, en librairie ou dans les salons, en lisent parfois plusieurs par jour ! En tout cas, je lis de tout : littérature blanche ou noire, loufoque ou très sérieuse. Il m’arrive même de lire des essais économique ou de société, des manuels pratiques (cuisine, marketing, déco, musique, littérature…). Et, j’ai également souvent besoin d’un shoot de style, alors je reprends les classiques. Cette année j’ai par exemple relu Du côté de Chez Swann ou Madame Bovary.

J’ai coutume de répéter : « comme nous sommes chanceux d’avoir les livres dans nos vies ! »

Mes derniers coups de cœur et dernières lectures (je vous épargne ceux que j’ai abandonnés car je ne les ai carrément pas aimés !) : les trois romans de Laurent Gounelle (L’homme qui voulait être heureux, Les dieux voyagent toujours incognito, Le Philosophe qui n’était pas sage), l’excellent Joël Dicker La vérité sur l’affaire Harry Québert, l’angoissant Apnée Noire de Claire Favan, le délirant Nickel Blues de Nadine Monfils, l’envoûtant Nouveau Monde d’Emmanuel Hussenet, le drôle et révoltant Chroniques d’un Salaud de Patron de Julien Leclercq, le passionnant Garçon de Quoi Ecrire, livre d’entretiens entre François Sureau et Jean d’Ormesson...… Actuellement je lis Glacé de Bernard Minier - que j’ai rencontré à Polar Lens, que m’a recommandé Pépita de la librairie Lacoste à Mont de Marsan et pour lequel j’ai fini par craquer chez Décitre à Grenoble - et Des 1001 façons de quitter la Moldavie de Vladimir Lortchenkov, que m’a offert Rachid Akhmoun de la librairie Privat à Toulouse. J’ai une PAL (Pile à Lire) longue comme le bras et les jambes réunis… où m’attendent Douglas Kennedy, Fabrice Pinchon, RJ Ellory, Claude Poux, Gaston Leroux, Arni Thorarinsson, Camila Lackberg…

C’est difficile d’être raisonnable quand on passe presque sa vie en librairie !


Merci d’avoir répondu à ces quelques questions Lucie. Nous vous laissons le mot de la fin.
    Les mots s’usent davantage de ne pas être utilisés que d’être galvaudés… et l’imaginaire est toujours une valeur sûre!
Les Larmes Rouges du Citron Vert est un roman à la croisée des genres, polar, roman social, mais aussi histoire d’amour... On y croise de drôles de personnages au rythme d’une vie urbaine et très contemporaine. Réseaux sociaux, Smartphones et startups du web y côtoient la part la plus sombre de l’humanité : les oubliés de la croissance, les accidentés de la vie et ceux qui n’ont pas eu la chance d’être nés sous une bonne étoile. Ils se frôlent sans se voir mais finissent par partager un destin devenu trop court. Ce que je peux vous dire, c’est qu’on trouve dans ce roman des thèmes et des sujets qui me sont chers : notre rapport à la misère, au travail, à la passion, aux nouvelles technos, aux autres.

 

 

 

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