Samantha Bailly

Samantha Bailly




Septembre 2014

 



Samantha Bailly


 

Bonjour Samantha Bailly, la première question est un petit rituel … Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ?
    En quelques mots, Samantha Bailly, 25 ans, un double master Littérature Comparée et Édition en poche, je suis l’auteur de romans de Fantasy (Oraisons, Métamorphoses), de romans contemporains (Ce qui nous lie, Les Stagiaires), de romans jeunesse (la trilogie Souvenirs Perdus, À pile ou face) et de contes pour enfants (Kotori, le chant du moineau et La princesse au bol enchanté). Après avoir travaillé dans le jeu vidéo, j’ai la chance de me consacrer à l’écriture.
Voilà pour le CV. De façon plus spontanée et viscérale, en une phrase : l’aiguille de ma boussole intérieure a toujours pointé sur le verbe “écrire”.


Comment est venue votre passion pour l'écriture ? Et qu'est-ce qui vous a décidé à vous lancer dans l'écriture d'un roman ?
    Écrire, c’est raconter des histoires. Ce besoin de fiction remonte à mes premières années. Quand on est enfant, on « se raconte » des histoires, par exemple avec des figurines. C’était le plaisir du jeu, le moment où, en tant qu'enfant, je pouvais prendre le contrôle des événements, tordre la réalité. En grandissant, on sent les regards se poser sur soi et on s’en préoccupe soudain. J’ai alors cessé de raconter les histoires à voix haute, pour les faire vivre par écrit, en silence. Ensuite, j’ai eu l’intuition de plus en plus intense que c’était ce que je devais faire. Il y a quelques temps, en faisant des sauvegardes sur mon disque dur externe, je suis retombée sur un document « Archives » comprenant tous mes textes sauvegardés depuis mes 12-14 ans. Énormément de romans, achevés ou non, qui ont rythmé mon collège et mon lycée.


Fantasy, littérature sentimentale, thriller young adulte, vous avez écrit des romans dans des genres très différents. Pourquoi cette diversité ? Est-ce important pour vous de changer de style littéraire ?
    Je ne me suis jamais réveillée en me disant « Tiens, maintenant, tu vas écrire de la Fantasy »  Une histoire vient – sous forme d’idée, d’images, d’alchimie entre plusieurs éléments – et je l’écrit. Qu’elle se passe dans notre univers ou un autre importe peu. Je sais que ces publications dans des genres variés peuvent interpeller. En réalité, chacune est un élément de mon projet global d’écriture, qui est le suivant : écrire ce que j’ai envie d’écrire, peu importe la forme, peu importe les cases, et construire un ensemble où de nombreuses thématiques se répondent.


Dans quel style vous sentez-vous le plus à l'aise ?
    Vraiment, je n’ai pas de genre de prédilection, chacun appelle simplement des mécanismes mentaux différents. La Fantasy puise davantage dans le symbolisme, la métaphore, l’épique… et les romans ancrés dans la réalité sont une observation quasi ethnologique de ce qui m’entoure.


En commençant l’écriture d’un livre, avez-vous déjà en tête les principaux rebondissements, y compris la fin, ou vous laissez-vous guider au gré de votre inspiration ?
    Depuis que j’écris à plein temps, je suis de plus en plus rigoureuse dans mon organisation. Je commence toujours par rassembler des idées, de la documentation, des fils conducteurs. Ensuite, je rédige un véritable plan, chapitre par chapitre, tout en sachant que cela peut changer durant l’écriture.


Ce qui nous lie - Samantha BaillyCe qui nous lie sort en format poche (éditions Milady), pouvez-vous nous le présenter ?
    Ce qui nous lie est un roman qui cristallise de nombreuses images et réflexions sur la thématique des relations, de la dépendance affective, de la vérité et du mensonge, du traumatisme et de la guérison.
L’héroïne, Alice, a un don. Elle a la capacité de voir les liens se tisser et se rompre entre les individus. Les attaches lui apparaissent sous forme de fils lumineux, déployant une cartographie des relations affectives. Les questions restent entières quant à l’origine de ce phénomène. Manifestation surnaturelle ? Hallucination provenant d'un choc psychologique ? Sans réponse médicale, la jeune femme a appris à vivre avec dans le plus grand secret.
Durant plus d’un an, Alice s’est servie de son pouvoir dans une optique de vengeance : dénoncer les hommes ayant des relations multiples. Elle décide finalement de briser ce schéma et de sortir de ce besoin maladif de vérité. Le roman commence lorsqu’elle reprend une vie plus balisée et normée, en démarrant un nouveau travail comme chargée de Ressources Humaines.
C’est alors qu’elle rencontre Raphaël, son manager.
Un homme dont elle ne peut voir les liens.
L’exception à la règle.
Le roman dessine deux temporalités : le passé d’Alice, la découverte de son don, ce qui l’a conduit à devenir une chasseuse de trompeurs, ainsi que le présent, où elle est face au seul être humain pour lequel elle n’a pas de carte.


Alice a le don de voir les liens qui unissent les gens, d’où vous est venue cette idée ?
    L'idée a germé pour la première fois en septembre 2010. À l'époque, je venais de commencer un stage. Jeune universitaire fraîchement débarquée, j'ai été frappée par les différentes strates relationnelles de ceux qui m'entouraient. Un "et si" qui est venu cogner à la porte de mon imaginaire : et si l'on pouvait voir les relations entre les gens ? Pas comme un Facebook et ses interactions parfois très factices, un accès véritable à ce qui se tisse et se brise entre les individus. À l'époque, je prenais très souvent mes pauses avec un autre stagiaire. Ce jour-là, le concept n'arrêtait pas de trotter dans ma tête, je voyais déjà cela prendre la forme d'une toile lumineuse changeante, lorsque ce collègue m'a dit : "Tu sais ce qui serait vraiment fort ? Voir les liens entre les gens".
Je n'ai aucun a priori ni aucune explication sur cette coïncidence frappante. Nous ne nous connaissions quasiment pas, et il a prononcé ce qui était dans ma tête. Sans doute parce que nous étions en train de baigner dans la même ambiance, et que nos réflexions nous ont conduites au même endroit. Mais je me suis dit à cet instant : OK, s'il y a quelque chose comme des signes qui existent, alors ça doit ressembler à ça. Je dois écrire ce roman.


Pour vous, un tel don serait une bénédiction ou plus un fardeau à porter ?
    Voir les attaches, c’est avoir accès à un flot d'informations sur les autres qui ne correspond pas toujours à ce que l’on attend. Alice est incisive car elle vit dans une sorte d’overdose de révélations sur autrui. Et la vérité est une forme d’idéal qui peut provoquer l’amour comme la désillusion. C’est une question de perception. Dans mon cas, je dirai que c’est une bénédiction ou une malédiction en fonction du contexte et de son état d’esprit…



Les stagiaires (parution avril 2014/ed. Milady)
est un roman plein de fraîcheur, comment vous est venue l’idée de cette histoire ?

    Tout remonte à 2013, un brunch chez une ancienne collègue de travail devenue une amie. Nous échangions diverses anecdotes sur le monde de l’entreprise, et j'ai soudain dit : "Ce serait génial de faire des sketchs sur les stagiaires !". A suivi l'enthousiasme contagieux des idées auxquelles on aimerait donner vie, mais tout en sachant qu'on n’aura jamais le temps. On pense pièce de théâtre, on pense BD. J'en ai parlé à Matthieu, un ami en stage à l'étranger – qui m’a inspiré le personnage d’Hugues ( :) ), ainsi qu'à Miya, une amie mangaka chez Pika. J’ai proposé un synopsis, des personnages, et nous avons travaillé ensemble à leurs relations, à des petits "strips" amusants. Miya a commencé à dessiner les personnages, mais faute de temps de son côté, le projet a été abandonné.
Le temps a passé, mais je ne voulais pas lâcher cette idée. Je sentais tout son potentiel et toute son actualité. Il y a beaucoup à dire sur ce nouveau système post-études, sur ce que représente le stage, sur la vie en entreprise et le creuset de personnalités qu'elle maintient ensemble par la force des choses. Après en avoir parlé à mon ami Matthieu, j’ai décidé de me lancer dans mon propre projet. Tant pis pour le format BD, je me suis lancée dans le roman, qui me permettait de créer des arches narratives plus développées, de donner davantage d’épaisseur aux personnages. C'est ainsi que de février à mars, prise d'une transe créative très intense, j’ai écrit ce roman. Stéphane Marsan, mon éditeur chez Milady, étant déjà enthousiasmé par le concept, je lui ai donc présenté la version rédigée.


Les stagiaires - Samantha BaillyPourquoi avoir choisi une entreprise qui évolue dans l’univers du mangas/jeux vidéo ?
    Sur ma table de chevet, Balzac cohabite avec Death Note. Je suis issue de la génération Pokémon, j’ai grandi avec les jeux vidéo, et c’est tout naturellement que j’ai évolué dans les sphères de l’industrie créative durant mon parcours. Le but était de créer une entreprise fictive qui mixait les cultures de l’imaginaire : Pyxis est à la base une maison d'édition qui fait des mangas, qui finalement se rend compte de la chute des ventes, de l’évolution vers le transmedia, et se met à faire des jeux vidéo.
Je suis fascinée par les entreprises qui véhiculent des œuvres fortes ayant marqué des générations de jeunes. Ce pouvoir biaise un peu les rapports. Les gens vont dans ces entreprises entourées d'un halo d'affect en acceptant d'être payés moins mais de travailler dans quelque chose qu'ils trouvent « cool ».
C'est intéressant de voir tous les ressorts psychologiques qu'il y a derrière cela, parce que c'est un rapport, quand on y réfléchit, qui est un peu malsain, avec une interdépendance entre l'employé et l'entreprise qui n'est pas vraiment équilibrée.


Avez-vous, vous même, été stagiaire et vous êtes-vous inspirée de votre expérience ?
    J’ai fait un an de stage puis un an de CDD dans une grande entreprise de jeux vidéo. Comme Ophélie, j’ai connu les galères pour trouver un appartement, la grande précarité… Même si ce n’est pas autobiographique, je me suis inspirée de ce que j’ai pu observer, de ce que les gens autour de moi vivent. Marquée par mes propres expériences, nourrie également d’ethnologie et de sociologie durant mon cursus, c’est une tentative pour déchiffrer à travers la fiction les mécanismes qui vont de pair avec ce que l’on nomme « la génération Y », les personnes nées approximativement entre 1980 et 1990.


Vos personnages manient les nouvelles technologies (messagerie interne entre autres...), une passion pour vous aussi ?
    Une passion, je ne sais pas, cela fait tout simplement partie de ma vie et de celle de mon entourage. C’est pourquoi j’ai la volonté de parler de cette génération qui grandit et s’éduque dans une mutation rapide des habitudes liées au numérique et au virtuel.


Aurons-nous la joie de retrouver nos « stagiaires » dans un volume 2 ?
    C’est un projet auquel je réfléchis sérieusement, mais je ne suis pas encore en mesure de répondre à cette question.


Que souhaiteriez-vous dire aux lecteurs qui ne connaissent pas encore vos livres ?

    C’est une question difficile ! :) Je crois que je n’écris pas pour « faire rêver », mais que j’ai pour objectif de saisir le réel. Attention donc, ce n’est pas de l’idéal, il y a souvent des nuances de gris…


Et à ceux qui vont faire leurs premiers pas de stagiaires ?
    Je dirais, la mesure. D'un côté il ne faut pas tomber dans l'excès de se croire arrivé parce qu'on a fait des études, croire qu'on sait déjà tout et qu'on peut se mettre à négocier des salaires hauts - parfois ceux qu'on vous a promis avec votre diplôme, je sais, c'est rageant - ou que l'on sait mieux que les autres. À mon avis, la clef est de se dire qu'on a encore énormément de choses à apprendre et que justement le stage est très enrichissant pour ça. Être à sa place, en somme : oui, je vais pouvoir apporter quelque chose, mais j'ai peu d'expérience et je l'assume, je suis là pour acquérir de nouvelles compétences. Pour autant, il ne faut pas complètement se dévaloriser, et apprendre à poser un certain nombre de limites, ne pas dire oui à tout.
Aussi, il faut savoir en profiter : on arrive dans une nouvelle vie, on découvre plein d'amis et on fait la fête... Et c'est tant mieux. L’aspect humain est primordial dans le stage ! Il se créé rapidement un noyau de jeunes qui débarquent tous dans l'inconnu, ce qui va permettre des amitiés très puissantes, longues ou éphémères. La vie, ce n'est pas que le boulot, c'est aussi toutes les expériences qui gravitent autour et qui permettent de se construire.
Au final, donc, il faut savoir ce qu'on veut, quels sont ses objectifs et ce qu'on attend de ce stage puis s'y tenir, en restant très professionnel et en mettant des barrières. Essayer d'équilibrer ce qu'on donne de nous par rapport à ce que l'on reçoit.


Quels sont vos projets ?
    J'ai terminé Chasseurs d'Aurore, un conte / mini roman pour nobi nobi !, une histoire qui me tenait à cœur. Pour le moment, pas de date de sortie prévue, cela dépendra de l'avancement de l'illustratrice. Métamorphoses, un roman de Fantasy, sort le 22 octobre chez Bragelonne. Puis Souvenirs Perdus, Tome 3, Pluie, qui paraîtra en janvier 2015. S’en suivra au mois de mai un roman jeunesse chez Rageot qui n’a pas encore de titre définitif, mais qui parle de l’amitié fusionnelle de deux lycéennes autour de la création.
Ensuite… c’est trop tôt encore pour en parler !


Quelle lectrice sommeille en vous ? Quels sont vos derniers coups de cœur ?
    Je suis une lectrice très curieuse et hétéroclite, je passe d’ouvrages de neurosciences ou de sociologie à des romans contemporains ou de Fantasy… Là, je viens de lire 99 francs de Beigbeder, et je dois dire que même si ce roman a plus de dix ans, il est d’une férocité et d’une justesse assez incroyables sur l’univers de l’entreprise.


Merci beaucoup Samantha, nous vous laissons le mot de la fin.
    Merci à vous :)

 

 

 

 

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