Nicolas Zeimet

 

 
 
 
Nicolas Zeimet





Bonjour Nicolas Zeimet, commençons par le rituel de la première interview sur Plume Libre. Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Nicolas Zeimet, j’ai 37 ans et je vis à Paris. J’ai attrapé le virus de l’écriture après avoir découvert Stephen King à dix ou onze ans. J’ai publié trois romans à ce jour, dans des genres très différents : Déconnexion immédiate en 2011, Seuls les vautours en 2014 et Comme une ombre dans la ville en 2015. Le prochain devrait paraître en 2016. Parallèlement à mon activité d’écrivain, je suis traducteur littéraire.



Comment est venue votre passion pour l'écriture ?
En lisant ! J’ai découvert une telle magie dans les livres de mon enfance que j’ai eu envie de la reproduire. La lecture était ma façon de me mettre dans ma bulle, de m’isoler du reste du monde et de m’évader. C’est la même chose avec l’écriture… sauf que nous sommes un peu plus nombreux dans ma bulle, à l’arrivée !


Comment s’est faite la rencontre avec votre éditeur actuel, les éditions du Toucan ?
Tout s’est fait très vite. Je leur ai envoyé le manuscrit de Seuls les vautours, ils l’ont aimé et m’ont contacté à peine 15 jours plus tard. Notre premier contact s’est fait par téléphone, j’étais dans le jardin japonais du parc botanique de Montréal, on se serait cru dans un bouquin tant le moment semblait irréel ! Je n’ai plus touché terre jusqu’à la fin des vacances…



Comme une ombre dans la ville - Nicolas ZeimetComme une ombre dans la ville, votre 3ème roman vient de sortir, pouvez-vous nous le présenter ?
Comme une ombre dans la ville est avant tout un roman de personnages. Il y a Jérôme, trente ans, l’anti-héros qui se rêve super-héros. Auteur français de comics venu s’installer aux States pour faire carrière, solitaire et un peu paumé, il va se retrouver mêlé aux agissements d’un serial killer qui terrorise la ville.
Il y a Kate, une ostéopathe proche de la quarantaine célibataire et indépendante, qui a apprivoisé sa vie et sa ville. Esquintée par un passé douloureux, elle se reconstruit peu à peu.
Et puis il y a Kyle…

Ce troisième roman est aussi un roman d’ambiance : San Francisco, qui est une ville que j’adore, y tient une place très importante. Quant à l’ombre du titre, on la sent planer tout au long du récit. A ce titre, la dernière partie du roman est très sombre. Je me suis moi-même surpris d’avoir été si loin dans la noirceur à la relecture.


Comment vous est venue l’idée de cette histoire ?
Mes idées me viennent toujours sans prévenir. Quand j’écris, j’obéis à l’envie du moment, je ne calcule pas. Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais eu à me creuser la tête pour trouver le sujet d’un nouveau roman. En ce qui concerne Comme une ombre dans la ville, le point de départ de l’intrigue m’est venu un jour où je me suis demandé ce qui se passerait si je pouvais figer le temps. Ajoutez à cela l’envie de me frotter à un tueur en série, de planter mon décor à San Francisco et de parler (un peu) de moi à travers le personnage de Jérôme, et l’histoire était ficelée !


Il s’agit d’un roman « multi-genres » qui nous fait perdre nos repères habituels, comment avez-vous travaillé lors de sa construction ? Aviez-vous déjà, par exemple, les différents rebondissements/évènements en tête en commençant l’écriture ?
J’aime cette idée de roman « multi-genres ». Je ne supporte pas les étiquettes, ce qui me donne une vraie liberté dans mon écriture. Je ne me prétends pas auteur de polar, de thriller, de roman policier ou de roman noir… Je suis auteur, et j’écris ce qui me plaît. Alors soit, il y a toujours une certaine noirceur dans mes histoires, et je ne saurais me passer d’une intrigue criminelle (pour l’instant…), mais je ne me laisserai pas enfermer dans une case, quelle qu’elle soit.
En commençant à écrire ce dernier roman, mon but était de chahuter le lecteur, de lui tendre la main puis de la lui lâcher, de le déstabiliser, de le choquer, de le faire vibrer, de lui faire peur… Toutes ces émotions par lesquelles passent mes personnages. Je voulais créer une atmosphère d’insécurité et d’angoisse. Pour cela, je me suis laissé porter par mes propres émotions et par mon instinct. Au final, l’intrigue se déroule comme je l’ai ressentie, et pas toujours comme je l’avais prévue. Certains rebondissements inattendus se sont imposés à moi alors que d’autres passages, qui faisaient partie de la trame initiale, ont disparu en cours de route.
Ce qui était là dès le départ, en revanche, c’étaient les trois parties distinctes. Et la fin, bien sûr. On peut difficilement commencer à raconter une histoire sans en connaître la fin.


En lisant la 4ème de couverture du roman, on est bien loin de s’imaginer dans quelles directions va nous emmener cette intrigue. Comment s’est décidé ce résumé, y avez-vous participé ?
J’ai proposé à mon éditeur un résumé qui a été repris en partie pour la quatrième. La gageure était d’être raccord avec le thème, sans trop en dire. Le résultat, grâce au savoir-faire de mon éditeur, est tout à fait dans le ton du roman. Du début du roman, en tout cas. Car pour la fin… Mais il n’y a rien de pire que d’avoir l’impression d’avoir vu tout le film dans la bande-annonce, non ?


Sans trop dévoiler l’intrigue, vous mettez en avant plusieurs personnages, aussi bien hommes que femmes, quel est celui qui vous a donné le plus de fil à retordre et à l’inverse celui pour qui cela coulait de source ?
Comme une ombre dans la ville étant un récit de personnages, je voulais entrer dans la tête de chacun de ses protagonistes pour fouiller leurs émotions, les mettre à nu. Un peu comme un psy, en somme…
Jérôme a été, paradoxalement, celui qui m’a donné le plus de fil à retordre. Je dis « paradoxalement », car j’ai apporté une partie de moi non-négligeable dans ce personnage, ce qui aurait dû me mettre dans une zone de confort. Mais pas du tout ! Il fallait que j’arrive à faire un héros d’un type un peu étrange, déconnecté du monde, aux réactions parfois incompréhensibles, tout en motivant mes/ses choix : équation très épineuse !
Pour Kate, si je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle coulait de source, l’identification s’est faite tout en douceur. Homme ou femme, peu importe, nous avons tous vécu les mêmes choses, et je me suis servi de ma propre expérience pour lui donner vie. Et puis, à une époque, j’étais accro à Sex and the City. La femme célibataire et urbaine de trente-sept ans ne m’était donc pas tout à fait inconnue…
Pour Kyle, enfin, j’ai dû tout inventer. Et là, c’est devenu carrément jouissif, car c’est avec ces personnages-là qu’on s’éclate le plus, selon moi. On cérébralise moins, on écrit avec ses tripes, moins avec sa tête. Et comme j’étais dans une période assez sombre de ma vie à ce moment-là, je me suis servi de ça.


Tous vos personnages ont un présent, bien sûr, mais également (et c’est plus rare) un passé, est-ce important pour vous que le lecteur puisse connaitre tous les détails du passé ?
Je me souviens d’une prof de français, au collège, qui nous avait conseillé de faire des fiches sur nos personnages avant de nous lancer dans une rédaction. Avec leur description physique, leur caractère, mais aussi quelques éléments de leur passé. Comme c’était ma matière préférée, j’ai suivi son conseil, et je continue vingt ans après.
Quand je m’attarde sur le passé amoureux de Kate ou l’enfance de Jérôme, le but n’est pas de faire une bio pour faire une bio. Plutôt d’expliquer ce qui fait d’eux ce qu’ils sont. Ce qui m’intéresse dans les personnages ce sont leurs failles, leurs forces, leurs différentes facettes. Et tout cela ne vient pas du jour au lendemain, leur vie ne se résume pas aux 450 pages d’un livre. Ils ont vécu avant, et ils vivront après… ou pas. Et puis je reste très attaché à l’enfance et au passé, c’est ce qui nous construit. Pourquoi en serait-il autrement de personnages de fiction ?


L'aspect psychologique et relationnel semble primordial dans une intrigue pour vous...

C’est primordial, en effet. J’ai un ami comédien qui m’a confié que le secret d’un personnage réussi ne tient pas seulement à sa personnalité, mais aussi à ses interactions avec les autres. C’est tellement vrai ! C’est d’ailleurs dans les scènes à plusieurs que je m’amuse le plus.
Les destins de Jérôme, de Kate, de Kyle sont intimement liés à leur psychologie. Ce qui leur arrive est l’aboutissement d’une suite d’événements, de coïncidences, de rencontres, en partie dictés par ce qu’ils ont dans la tête… comme dans la vraie vie ! Je suis quelqu’un de très intérieur, ce qui, je pense, se ressent dans mon écriture. J’aime aller dans les émotions profondes, préférant sans doute les coucher sur le papier pour faire vivre mes personnages que les verbaliser au quotidien.


Seuls les vautours - Nicolas Zeimet Tant dans Seuls les vautours que dans Comme une ombre dans la ville, les personnages sont une, ou même, la composante très importante de vos livres. Comment naissent-ils dans votre imagination et comment les travaillez-vous ?
J’ai une vie sociale qui frise le néant pendant mes phases de création, par conséquent mes personnages deviennent mes seules fréquentations quand j’écris ! Ils m’accompagnent pendant des mois, je vis avec eux, je dors avec eux, je les vois évoluer, parfois de manière imprévue. À partir de là, le travail se fait tout seul, et comme dans toute amitié naissante, j’apprends à mieux les connaître au fur et à mesure de nos rencontres. Surtout, je leur lâche la bride pour les laisser faire leur propre chemin. Et je vois où ils me mènent.


Jérôme Dubois est dessinateur de Comics, pourquoi ce choix ? Est-ce pour donner à ce personnage, assez mystérieux, une grande liberté au niveau de l’imagination ?
Exactement. Jérôme a grandi dans un monde de super-héros, et comme beaucoup d’enfants inadaptés, il a trouvé son réconfort dans la fiction. L’intérêt était de présenter une personnalité en rupture avec le monde qui l’entoure. Partant de là, Jérôme ne pouvait qu’exercer une activité artistique. Et de par certaines particularités du personnage, que je tairai ici, il fallait qu’il soit auteur de comics.


Vous profitez d’ailleurs de l’occasion pour faire plusieurs références à la culture Comics, fan inconditionnel ?

Ils font partie de ma culture, mais je ne dirais pas que je suis fan. J’ai lu pas mal des Strange de mon frère pour m’immerger dans l’univers des super-héros en prévision de l’écriture de Comme une ombre dans la ville, revu les Batman, Spider-Man, X-Men… Mais je leur préfère Spirou ou Tintin !


Vous installez également une vraie ambiance dans vos romans, que ce soit dans Seuls les vautours avec la vie d’un petit village de l’Amérique profonde ou dans Comme une ombre dans la ville avec la ville de San Francisco et l’univers des comics…
Avec les personnages, le décor est pour moi l’autre pilier d’une bonne intrigue.
Certains endroits m’inspirent. Ce fut le cas de l’Utah, qu’on retrouve comme décor à Seuls les vautours, et de San Francisco pour Comme une ombre dans la ville. Mais décrire ces lieux ne suffit pas, il faut aussi en saisir l’essence et essayer de la rendre au mieux. Pour cela, un seul mot d’ordre : voyager ! Et lire. Des romans, des récits de voyage, des guides touristiques…
En outre, les rues de San Francisco, le brouillard et l’ombre du Zodiac ajoutaient à l’ambiance que je voulais pour ce roman. On trouve là-bas une atmosphère de douce folie que je voulais faire découvrir.
L’univers des comics, c’est le petit plus, comme l’était mon approche des cultures indienne et mormone dans Seuls les vautours. Là, je m’aventure souvent en terrain inconnu, ma façon à moi de m’enrichir au passage et de découvrir des univers éloignés du mien…



D’ailleurs pourquoi cet attrait pour les Etats-Unis ?
J’ai grandi dans les années 80. La culture américaine était omniprésente à cette époque, que ce soit au cinéma, à la télévision ou dans les livres. Ça a forcément influencé mes références.
J’aime ce pays, c’est vrai, mais pas aveuglément. Il n’est pas nécessaire, selon moi, de situer une intrigue policière aux Etats-Unis pour qu’elle soit crédible. D’ailleurs, pour le prochain, je reviens en France et… ailleurs, dans un endroit du monde que j’ai visité il y a quelques années et pour lequel j’ai eu un vrai coup de cœur.


Seuls les vautours a été très très bien accueilli par la blogosphère l’année dernière. Cela vous a t-il mis une pression particulière pour ce nouveau livre ?
Et comment ! Heureusement, cette pression ne m’a pas parasité dans la phase d’écriture, dans la mesure où j’ai terminé l’écriture de Comme une ombre dans la ville un mois environ avant la sortie de Seuls les vautours. Elle ne s’est manifestée qu’après, il y a quelques semaines en fait, au moment de la parution.


Certains des personnages de Seuls les vautours étaient encore des enfants à la fin du roman, serait-il envisageable de les voir revenir dans un futur roman ?
Ha ha !!! J’hésite à utiliser mon joker…
Il y aura bien une « suite » à Seuls les vautours, quant à savoir qui on y retrouvera… je laisse libre cours à votre imagination !


Etes-vous, vous-même, un lecteur ? Quels sont vos derniers coups de cœur et/ou vos livres de chevet ?
Je suis un lecteur boulimique, même si un peu au régime quand j’écris… Je lis aujourd’hui une vingtaine de livres par an, contre cinquante il y a encore quelques années.
En ce moment, je suis plongé dans La fille du train de Paula Hawkins, un roman impossible à lâcher. Mes derniers coups de cœur ont été pour Vivre vite de Philippe Besson et Les fantômes d’Eden de Patrick Bauwen.
Et bien sûr, il me faut ma dose du King au moins deux fois par an (nouveauté ou relecture). Je suis aussi un inconditionnel de Michael Connelly et R.J. Ellory.


Quels sont vos projets ?
Mon prochain roman sera terminé très prochainement. Il devrait paraître en 2016. Ensuite je m’accorde deux mois de vacances, un voyage en Asie, et en septembre j’attaque la « suite » de Seuls les vautours… si j’arrive à patienter jusque-là !


Merci beaucoup Nicolas Zeimet, nous vous laissons le mot de la fin.
Que ce soit sur la plage, dans l’avion, sur votre balcon, au bord d’une piscine, dans votre canapé, en terrasse, au soleil, sous la pluie, en poche, en broché ou en numérique : cet été, lisez ! Bonnes vacances à tous !



 Du même auteur biographie, chronique, interview
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