Franck Thilliez

 



En septembre 2005 apparaît sur les rayonnages un nouvel auteur qui deviendra un grand nom dans ce milieu fermé qu'occupent les auteurs français de thrillers. Pourtant La chambre des morts, puisque c'est de ce roman dont on parle, n'est pas le premier de Franck Thilliez. Un premier ouvrage, Train d'enfer pour ange rouge, publié aux éditions Rail Noir était plus ancien d'un an. Pourtant, la chambre fit l'effet d'une bombe. Une bombe qui explosa d'autant plus forte que Gérard Collard l'encense à chacune de ses apparitions télévisuelle. En conséquence, les libraires sont dépassés par les commandes du premier livre de cet auteur, et la petite maison d'édition est débordée au niveau de la distribution.
De notre côté, c'est Raven qui nous le fit découvrir et nous tombions tous sous le charme de cet auteur. Auteur qui nous a également suivi en acceptant de répondre à nos questions par deux fois. Alors quand il a été question du film adapté de ce roman, nous ne pouvions pas laisser passer cette occasion.

Dans le dossier, nous avons regroupé la chronique que Raven nous avait écrite en son temps de La chambre des morts, puis l'interview que nous avait accordée Franck Thilliez lors de la préparation du livre, et enfin notre humble critique du film qui sort ces jours-ci.



Un thriller à vous glacer le sang

Prologue (avec l'aimable autorisation des éditions Le Passage)

"Depuis la nuit dernière, l'odeur avait encore empiré. L'infection ne se contentait plus d'imprégner les draps ou les taies d'oreiller, elle se diluait dans toute la chambre, tenace et nauséeuse. Une fois son tee-shirt ôté, la fillette l'avait écrasé sur son nez avant de nouer les extrémités autour de sa tête. Stratagème inefficace. Malgré la barrière de tissu, les molécules olfactives distribuaient leur poison invisible. Il est des fois où l'on ne peut rien contre plus petit que soi.

À travers les fenêtres verrouillées, l'été déversait une moiteur grasse, les mouches bourdonnaient, agglutinées en losanges émeraude sur un trognon de pomme pourri. De plus en plus, l'enfant se sentait impuissante face aux hordes ailées. Les insectes se multipliaient à une vitesse prodigieuse et fondaient sur le lit, trompes en avant, à chaque fois que la petite relâchait son attention. Bientôt, épuisée, affamée, elle serait forcée de capituler.

Même pas neuf ans et pourtant, déjà, l'envie de mourir. Sa gorge brûlait, sa langue gonflait, son organisme se liguait contre elle en un arc douloureux. Il fallait boire, absolument. Ce qui impliquait quitter la couche, s'éloigner de la chambre et foncer jusqu'à la salle de bains. Oh non !

Même pas neuf ans et pourtant, déjà, l'envie de mourir. Sa gorge brûlait, sa langue gonflait, son organisme se liguait contre elle en un arc douloureux. Il fallait boire, absolument. Ce qui impliquait quitter la couche, s'éloigner de la chambre et foncer jusqu'à la salle de bains. Oh non !

Des facettes d'yeux la disséquaient par dizaines, des ailes se déployaient, parées à arracher de terre les petits corps velus.

Ça ne prendra qu'une minute ! Une seule minute ! Ces sales bêtes n'auront pas le temps de...
La gamine laissa flotter une main le long des couvertures sans lâcher du regard ses ennemis répugnants. Une forte envie d'uriner la torturait depuis plusieurs heures. Dans la salle d'eau, elle en profiterait pour se soulager dans le lavabo, comme elle le faisait depuis trois jours. Pas question de descendre au rez-de-chaussée.

Son front, ses membres, marbrés de bleus, luisaient de sueur. Pas un murmure d'air. Oxygène brûlant. Températures caniculaires même ici, dans le poumon lugubre de la forêt. À chaque inspiration, l'impression d'inhaler des lames de rasoir. Quand le calvaire cesserait-il ?

La fillette terrorisée serra sa peluche, un singe miniature, avant de regrouper ses pieds sur la moquette, prête à courir. Un craquement d'escaliers brisa son élan. Ça y est. Son tour arrivait

Elle se rua sur la porte, tourna le verrou, plongea sur le matelas pour étreindre son trésor de chair.
Ils ne te prendront pas, je te le promets. Jamais !

Des coups éprouvèrent le vieux bois. Si violents que la petite rentra la tête entre les épaules, recroquevillée au possible. Sa vessie creva, diluant une chaleur d'or entre ses cuisses.

L'homme en uniforme maîtrisa de justesse son estomac quand il affronta les odeurs de putréfaction pour soulever les draps. Les deux seuls mots qui se suspendirent à ses lèvres furent :
- Seigneur Dieu !"

Que dire de ce livre si ce n'est que je l'ai beaucoup aimé, pour ne pas dire adoré, certains passages m'ont donné la chair de poule, d'autres m'ont littéralement glacé le sang. Un livre à se procurer rapidement pour tous les amoureux de bon thriller, un livre qui m'a tenue en haleine tout du long. Des détails et des descriptions sanglantes et horribles, on plonge dans l'horreur en même temps que les personnages, et chaque page tournée apporte son lot de frayeurs !! Bravo !!

Ajoutez à un talent sûr, une humanité et une gentillesse certaine. Vous obtiendrez un auteur qui a tout pour percer dans le milieu si hermétique du polar. On vous prévient de suite, la peur ne s'estompera pas avec la fin de ce livre!...



Un succès transformé pour l'auteur

"Le scénario est bouclé et absolument génial" sont les propres mots de Franck Thilliez. "Le début du tournage est prévu pour janvier 2007, avec 5 semaines dans le Nord, et 5 semaines dans les studios parisiens." Il nous est alors paru évident que nous devions en parler avec lui à ce moment. Nous l'avons donc contacté pour lui poser quelques questions quant à la conclusion de cette première étape. Il a accepté très gentiment d'y répondre malgré son emploi du temps chargé en aout 2006 (date de cette interview) entre la sortie de La forêt des ombres, la promo qui tend la pointe de son nez et la rédaction de son prochain roman, La mémoire fantôme sortie en septembre dernier.

 

L'écriture du scénario n'est pas de toi mais l'oeuvre d'un scénariste professionnel. N'est-ce pas difficile de laisser son bébé à un autre dans ces conditions?
En fait, je me suis rendu compte qu'auteur et scénariste étaient 2 métiers complètement différents. Un bon auteur ne ferait pas forcément un bon scénariste, et vice-versa. C'est un peu comme si tu demandais à un fabriquant de chaussettes de fabriquer des chaussures!

La majeure partie du temps, il est préférable que ce ne soit pas l'auteur qui écrive le scénario, car il est absolument nécessaire d'avoir une vision différente de l'histoire. Le cinéma a besoin d'images percutantes, il ne peut retransmettre les pensées d'un roman que par le dialogue. Il faut avoir une vision "caméra". Je suis plutôt fier que ce soit un scénariste professionnel qui ai travaillé le scénar, c'est très valorisant et tout aussi intriguant de  voir comment l'histoire sera retranscrite.

As-tu eu quand même ton mot à dire sur les changements opérés pour le bien du film? Ces changements sont-ils nombreux? Des exemples?...
J'ai lu 2 versions de scénar. L'une des premières ébauches, et la définitive. Il m'avait envoyé l'ébauche (ainsi qu'à plusieurs autres personnes) pour que je dise ce que j'en pense, que je fasse mes petites remarques, ce que j'ai fait. Alfred Lot en a tenu compte, il les a intégrées ou m'a expliqué pourquoi il voyait la scène différemment. Dans tous les cas, c'était très justifié ! Le scénar est vraiment très fidèle à  l'histoire, on retrouvera les principales scènes phare du livre. Il y a bien évidemment de petites adaptations, des choses qui passent mieux à l'écran, car n'oublions pas qu'il faut retranscrire plus de 300 pages en 1h40 de film !

Tu es un fan de cinéma. Cette adaptation sur grand écran est-elle pour toi un rêve de gosse qui se réalise? Comment vis-tu cette expérience?
C'est un rêve inimaginable, le rêve de tout auteur je pense. Quand j'ai fini d'écrire "La chambre", j'ai galéré pour trouver un éditeur, et j'avais écrit cette histoire vraiment pour me faire plaisir, sans ambition aucune. Et aujourd'hui, il y a le film! Imagine ma surprise et ma joie ! D'ailleurs, je n'y crois pas encore. Je pense que j'y croirai vraiment quand je verrai le film sur grand écran !

Le casting est connu. On t'a demandé ton avis? Y changerais-tu quelque chose pour un casting idéal utopique?
Choisir un casting est quelque chose de très compliqué. Il faut que les acteurs soient disponibles (leur planning est souvent rempli 2 ans à l'avance!), que ce type de rôle leur plaise, leur convienne, il y a les histoires de cachets, de budgets, d'acteurs "compatibles" entre eux, etc, etc... C'est tout le rôle de l'équipe de production. Ils savent ce qu'ils font et où ils vont beaucoup mieux que moi !

Ils ont acquis les droits du livre et travaillent de leur côté. J'ai appris la composition du casting (pas encore complète d'ailleurs) au moment où je l'ai mise sur mon site. Et puis non, je n'y changerais rien. Ce n'est pas parce qu'on prend des acteurs hypers connus que le film marchera mieux (exemple : l'empire des loups)

Enfin, les autres livres ont-ils un écho chez les producteurs?
Quelques pistes, en effet. J'en reparlerai si des nouvelles arrivent !

 

Le casting

Comme il l'a été dit plus haut, une partie du casting a été choisie par la production. Voyons un peu qui est qui.

Tout d'abord, le réalisateur Alfred Lot. La chambre des morts sera son premier film en tant que réalisateur. Il a travaillé dans la production de film pour entre autres Fanfan la tulipe ou le transporteur. Il entre dans le milieu de la réalisation par l'étape premier assistant-réalisateur pour notamment le baiser du dragon en 2001. Il lui est également arrivé d'endosser la veste d'acteur.

Habitué donc des films d'action comme des films plus conventionnels, sa culture du cinéma devrait faire bon ménage avec l'imagination de Franck. A noter qu'Alfred Lot a également écrit le scénario.

 

Mélanie Laurent jouera le rôle de Lucie Henebelle

Jeune actrice dans le paysage cinématographique français, elle tourne depuis 1999 des films de moins en moins confidentiels. On peut citer notamment Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc, ou encore Indigènes récompensé au dernier festival de Cannes








 

Eric Caravaca sera Pierre Norman

Breton d'origine, cet acteur a enchainé les rôles salués par la profession mais plutôt boudé par le public. Il obtiendra pourtant le César du meilleur espoir masculin en 1999 avec le film de François Dupeyron,C'est quoi la vie?

Il est révélé au public en 2001 avec la chambre des officiers du même réalisateur





 

 

Gilles Lellouch sera Sylvain

Il s'agit là d'un artiste complet. En effet, il touche tant à la réalisation, au scénario qu'au jeu d'acteur. Dernièrement, il a joué dans Anthony Zimmer de Jérôme Salle. 2006 sera une année plutôt chargé pour lui, pas moins de six films dans lesquels il a joué sortiront. Notamment Ne le dis à personne de Guillaume Canet (D'après les roman éponyme d'Harlan Coben) et Le gang des postiches d'Ariel Zeitoun.

En tant que réalisateur, son œuvre se compose de Narco et plusieurs courts-métrages

 

 







Jérémie Rénier sera Vigo


Ce belge de 24 ans joue la comédie depuis plus de 10 ans. A 14 ans, il jouait son premier rôle dans La promesse des frères Dardenne.
Depuis, il enchaîne les rôles les plus divers. En passant par les grosses productions (comme le pacte des loups, ou Saint Cyr) mais aussi des films plus discrets et intimes (Dikkenek, Nue Propriété...)



 

Le tournage n'étant prévu que pour janvier 2007, il ne faut pas compter avant l'été suivant, voire l'automne. Il faudra prendre notre mal en patience. Mais en attendant, nous pouvons nous régaler des romans de Franck, dont La forêt des Ombres qui vient de sortir.
Un très bon livre donne-t-il un très bon film?...

Une nuit lilloise dont le silence environnant est troublé par le bruit caractéristique des bombes de peintures. Une usine est vandalisée par ses anciens salariés, deux informaticiens. La crise du chômage touche particulièrement le nord de la France où chaque famille avait un de ses membres dans les mines de charbon aujourd'hui fermées. Ce contexte de crise était le point de départ d'un des thrillers français les plus remarqués de l'année littéraire 2005-2006. Ce roman a fait exploser Fanck Thilliez qui est reconnu aujourd'hui comme une valeur sûre du polar français. De plus, avec ce roman, il fait partie de ces auteurs français qui ont prouvé que l'on pouvait écrire de très bons thrillers se passant dans nos contrées.
Ce succès de librairie se transforme vite en projet d'adaptation cinématographique. On attend le nom d'un réalisateur, Alfred Lot, qui est peu connu. C'est son premier film et provient de l'écurie d'Europa Corp. Mais la ressemblance avec son ancien patron, Luc Besson, s'arrête là. J'y reviendrai plus tard. Franck nous parle ensuite régulièrement du

projet et de son avancement. La pression monte chez les nombreux lecteurs qui ont aimé, voire adoré, le livre. La peur d'être déçu est présente. Il arrive alors les premières images dont une affiche sur le festival de Cannes qui rassure beaucoup de monde. La pression monte d'un cran...

Nous y sommes, le jour J, le jour pour nous de découvrir le film. Nous sommes impatients et anxieux. Premières images, le prologue est sauvegardé. Le sourire s'affiche. Puis écran noir : 'La chambre des morts' s'inscrit sur nos rétines. Et le film commence. L'intrigue est bien évidemment une adaptation du roman de Franck. Des changements ont été apportés pour le bien de l'image. En effet, les mots et les images ne sont pas le même média et n'ont pas le même impact. Alfred Lot sait où il veut aller, et comment il veut y parvenir. Il veut un polar nordique. Il extrait alors cette essence du roman de Thilliez. Mais l'inconvénient est qu'il laisse de côté l'aspect social esquissé dans le roman. Ce manque se ressent un peu dans le décor. Toutefois, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, l'histoire tient en haleine et passionne autant que le roman. On est happé dès les premières pages. et même si on connaît la suite, on est scotché et on veut tout savoir de ces personnages.Justement ces personnages... Tout d'abord, Lynhmaniac et d'autres m'avaient parlé de Mélanie Laurent comme d'une actrice de talent. Une future grande. Je connaissais pas ou peu. Et là, très grosse surprise. Elle joue Lucie et imprime la pellicule de sa prestation. C'est énorme. Elle est de quasiment tous les plans et donne une envergure à Lucie Hennebelle qui impressionne. Son jeu est juste et vivant. On ressent qu'elle s'est prise d'affection pour ce personnage et son histoire. Elle est superbe ! Au niveau des autres, une création apparaît très vite : le lieutenant Moreno qui remplace Pierre Laurent pour le bien d'un des changements scénaristiques les plus importants. Je n'en dirai pas plus, mais c'est cette modification qui a le plus de potentiel pour s'attirer les foudres... Cela ne m'a pas choqué et passe bien, mais bon... On connaît les puristes. Ensuite, Vigo et Sylvain sont gardés en l'état. On retrouve ces deux personnages que l'on se prend à aimer détester et craindre pour l'un, et à éprouver de la pitié et de la peine pour l'autre. Une interprétation juste et humble, tout juste ce qu'il fallait pour eux.

Alfred Lot nous livre là donc son premier film après des expériences comme assistant de production, assistant réalisateurs, acteurs... Il s'agit d'un touche-à-tout dans le domaine du cinéma. J'étais un peu anxieux pensant qu'il aurait peut-être fallu lui préférer un réalisateur un peu plus expérimenté. Que nenni !!! De la même façon que Mélanie Laurent, il nous livre une oeuvre e un travail très bon. Certaines images sont splendides et s'inscrivent sur la rétine pour ne plus les quitter. On est happés par ce déferlement d'images pour notre plus grand plaisir. Je parlais de Besson, et la différence réside principalement dans le fait que les moyens sont simples et limpides. Pas d'effets ou de techniques superflues. C'est un film simple qui puise sa force dans les personnages incarnés par des acteurs qui s'y oublie, et un réalisateur qui lui s'oublie au profit de l'histoire et des images.


Très sincèrement, je vous le conseille. C'est un très bon film français. A l'image du roman originel, c'est sa simplicité et son originalité qui font son intérêt. De plus, rien que pour voir briller Mélanie Laurent, il faut aller s'asseoir dans les salles de cinéma de votre ville.
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