Les cités Intérieures, c'est une superbe trilogie fantastique écrite par une québécoise pas comme les autres, Natasha Beaulieu. Et l'occasion pour nous, français, de découvrir que nos amis canadiens francophones ont la grande chance d'avoir des auteurs de talents, malheureusement trop peu mis en valeur en France. Seuls jusqu'ici, Patrick Sénécal et Anne Robillard
arrivent à faire parler d'eux (et encore, dans le cas de Mme Robillard, parce que les droits des Chevaliers d'Emeraude ont été rachetés par une maison d'édition française).
Les cités Intérieures, c'est une trilogie, donc. Mais parler de chaque roman séparément reviendrait à la fois à en casser le suspense (car l'intrigue est bien construite, passionnante et riche) et aussi à en réduire la richesse, justement. Perso, j'ai été un peu induite en erreur par le résumé du premier tome, L'Ange Ecarlate, alors que toute la trilogie va bien au delà d'un peintre buveur de sang amoureux d'une Maitresse spécialisée dans la scarification ...
Il y a donc Jimmy Novak, le peintre sujet à des crises de violence incontrôlables, harcelé à la fois par une punkette et une journaliste un peu beaucoup maso sur les bords. Jusqu'à sa rencontre avec l'Ange Ecarlate, Maitresse dominatrice dont le sang permet de calmer les crises de Jimmy : l'Ange est la femme de sa vie, il ne pourra plus vivre sans elle. Il y a Ian Beluterre, débarqué à Montréal dans l'espoir de retrouver son grand amour, Tura Sherman, et qui rencontre un jeune fils de flic, François Moreau, qui lui apporte son amitié et toute son aide dans sa quête. François dont le père enquête sur des cadavres étranges retrouvés dans le lac d'un parc de Montréal, baptisés "cadavres 666" tellement ils sont un mystère pour tous. Il y a Tamara, sosie de Ian à la violence meurtrière dont la présence à Montréal est une énigme. Il y a David Fox, l'immortel qui veille depuis plus de 400 ans sur la cité de Kaguesna, cité parallèle qu'il porte en lui et que lui a "confié" Listar avec l'ordre de la garder vide de toute vie humaine.
Il y a Mercury, née au début du siècle, mais fraiche comme une rose de 20 printemps alors qu'elle en a 95 bien tapés ... Il y a Stick, l'androgyne qui a le pouvoir de passer d'un monde à l'autre, amoureux de Randy, barman dans la cité de Penlocke, cité bientôt dévastée par une peste .... peinte par Ian sur un mur de sa chambre. Il y a la Prédatrice, capable de donner vie à toute un peuple par la force de son imagination ... et de les tuer d'un simple regard. Et tandis que tout ce petit monde se croise, se détruit, s'aime, se violente, s'interroge sur son passé et son "humanité", le monde, notre Monde court à sa fin et à sa destruction totale.
Les Cités Intérieures, c'est donc une histoire époustouflante, des personnages d'une complexité et d'une profondeur rarement atteintes dans une série fantastique, et une réflexion assez torturée, mais d'une grande finesse, sur notre condition d'humains et l'avenir de notre race, et de notre planète, que nous prenons un plaisir sadique et enfantin à ne pas respecter.
Très sincèrement, ça vaut plus que le coup de subir les délais de livraison (entre 10 jours et 3 semaines selon les sites) pour découvrir cette magnifique série écrite dans le sang !