Grégoire Hervier aux Utopiales






Novembre 2008




Festival des Utopiales (Festival International de Science-Fiction de Nantes) 2009. Rendez-vous avec Grégoire Hervier au bar de Mme Spock. Il y a foule en ce samedi après-midi. Je me demande si je vais le retrouver. Aucun problème, il me cherchait du regard. La poignée de main est franche et chaleureuse. Ce qui me met à l'aise. Il s'agit de ma première interview en Live donc un peu stressé. Nous nous dirigeons vers l'espace Presse (Merci encore à l'organisation de nous avoir permis de couvrir l'événement en tant que "Presse"). Et c'est parti pour une discussion à bâtons rompus où Grégoire Hervier s'est montré curieux et passionné quand il s'agissait de faire partager son nouveau livre "Zen City" (voir la chronique de Raven). J'espère que cette transcription fera justice à l'interview que l'auteur de "Scream test" à bien voulu nous accordé (merci mille fois à Raven pour la transcription).



Deuxième interview sur Plume Libre après celle paru en avril 2007 lors de la sortie de "Scream Test". Que s'est-il passé dans votre vie littéraire depuis cette date ?
Et bien j'ai écrit un deuxième roman, qui sortira en janvier 2009 et s'appellera "Zen City". Il est assez différent de Scream Test, notamment sur la forme, même si le ton est proche. Dans Scream Test, tout  était annoncé d'avance, c'était peut-être une force de la mécanique narrative. Zen City a une forme plus vicieuse, plus surprenante. Il traite des libertés individuelles face aux nouvelles technologies et surtout de l'étude du consommateur par les méthodes marketing.


Dans une interview filmée, vous parliez d'un roman d'anticipation traité sur le mode de satire sociale donc loin de l'univers de "Scream Test". Etait-ce une volonté de s'éloigner de "Scream Test" ou bien une envie ?
Zen City est effectivement un roman satirique qui joue avec beaucoup de genres : thriller, espionnage, anticipation, mais non, ce n'était pas une volonté. En fait je ne choisis pas vraiment. Il y a un sujet qui m'intéresse et je cherche la forme la plus adaptée à ce sujet. Pour Scream Test, qui est un premier roman, j'avais besoin d'un cadre solide. Pour Zen City, la forme est un peu plus libre. Il y a deux narrateurs : le premier, c'est le personnage principal qui raconte son histoire, sous forme de blog puis de journal intime, dans cette ville conçue pour les cadres sup' où tout est sécurisé. Le deuxième décortique a posteriori ce qui s'est passé et essaye d'analyser dans ce blog les prémisses de la tragédie, ce qui permet aussi de gagner du rythme puisqu'il peut résumer des périodes longues de la vie du personnage principal en quelques lignes.
Mais je m'éloigne un peu de votre question et donc non, il n'y avait pas de volonté délibérée de s'éloigner de Scream Test.


Depuis la sortie de "Scream Test" d'autres romans ont eu pour toile de fond la téléréalité. Avez-vous lu "L'œil de Caine" de Patrick Bauwen ? Pouvez-vous rapidement nous donner votre avis en tant qu'auteur et en tant que lecteur ?
Oui bien sûr je l'ai lu. Malgré les points communs : deux thrillers français, des premiers romans, qui se passent en Californie et dans lesquels des candidats de jeu téléréalité sont éliminés les uns après les autres, ce sont deux romans très différents. Dans L'œil de Caine, un peu comme dans Le Prix du danger, les candidats savent qu'ils vont mourir. Dans Scream Test pas du tout. Ils ne cherchent donc pas à survire. Ce qui m'intéressait plus, c'était d'imaginer ce qui pourrait se passer en dehors du jeu, le traitement médiatique de l'affaire (qui existe aussi au tout début de L'œil de Caine). Dans ma toute première version de Scream Test, je n'évoquais presque pas les personnages à l'intérieur du jeu, ils ne servaient que de prétexte, de chair à canon. Dans L'œil de Caine, c'est avant tout l'histoire de ces personnages que l'on suit.


Comment avez-vous vécu la sortie de "Scream Test" et la période de promotion qui a suivi ?
Très bien. J'ai découvert le milieu de l'édition et du livre, de nombreux auteurs, des bibliothécaires, des profs et des passionnés en tous genres. J'ai fait beaucoup de rencontres en milieu scolaire, notamment à Nantes et pour le Prix Méditerranée des Lycéens, des rencontres en prison également, qui m'ont marqué.
La critique a globalement été positive, je n'en attendais pas autant.


"Scream Test" a été un succès critique et public je crois. Est-ce que cela ajoute une pression supplémentaire à l'attaque du second roman ? Souvent un auteur enchaîne rapidement sur un deuxième roman ce qui n'a pas été votre cas.
Il s'est écoulé deux ans et demi entre la sortie de mes deux romans. Zen City était à l'origine prévu pour Septembre mais les temps d'édition ont été un peu longs. C'est sûr je n'ai pas le débit d'une Amélie Nothomb par exemple, mais ça reste un délai raisonnable, même si le lecteur a eu le temps d'oublier un peu. Pour autant je ne me mets pas de pression, je ne suis qu'un petit artisan, je peux prendre mon temps. Par contre, on m'a beaucoup dit : « Attention, le second est toujours plus difficile à écrire que le premier ». Et c'est un peu vrai. Sur un premier roman, la notion de lecteur est assez fictive. Sur un deuxième, on peut se dire que telle ou telle personne va certainement le lire, ça peut un peu compliquer les choses. J'ai essayé de faire abstraction de cela. Je pense que ceux qui ont aimé Scream Test apprécieront probablement Zen City.  En même temps, je n'ai pas conçu quelque chose que je suis sûr qu'ils vont aimer. Ce n'est pas un Scream Test 2.


Les Projets


Lors de votre dernière interview vous nous parliez d'un ou deux scénarios. Où est-ce que cela en est actuellement ?
Une option sur les droits d'adaptation de Scream Test a été prise. Ça ne signifie pas que les droits sont achetés, juste que les producteurs ont priorité. Le cinéma est un système qui travaille sur des temps de développement très longs, les romans peuvent être adaptés 3 ou 10 plus tard, parfois la production échoue. Au bout de deux ans, on ne peut pas du tout savoir. Je ne peux donc pas annoncer que ce sera sur les écrans pour l'année prochaine.


Quelles différences faites-vous au niveau de l'écriture entre un scénario et un roman. Est-ce que votre travail d'approche est identique ?

L'écriture de scénario m'intéresse beaucoup, j'avais lu plusieurs ouvrages sur ce sujet pour Scream Test et j'envisage aussi une formation prochainement. Je n'ai que quelques modestes expériences dans ce domaine mais il me passionne. Je pense que le fait d'écrire avec certaines contingences doit paradoxalement beaucoup stimuler l'inventivité, si celle-ci est permise par les producteurs.
L'avantage de la littérature sur le cinéma est que le rapport avec le lecteur est très direct, qu'il n'y a pas de filtres ou d'éléments intermédiaires qui viennent perturber la transmission du message. Le lecteur peut aussi imaginer bien plus que ce que l'on lui dit, il est beaucoup plus actif qu'un spectateur. Je m'en suis aperçu au cours de rencontres, les interprétations sont parfois très personnelles et dans certains cas, moins l'on en dit, mieux c'est. Par ailleurs il n'y aucune contrainte économique au niveau de l'histoire. Une scène apocalyptique ne coûtera pas plus cher qu'un dialogue dans une salle de bain. Scream Test aurait pu se dérouler en Seine-Saint-Denis mais Los Angeles était au même prix, alors...
A l'inverse, parfois, pour expliquer des choses simples dans un roman, il faut beaucoup de mots là où une seconde d'image explique tout. On peut faire passer beaucoup plus d'idées à la seconde au cinéma. On m'a souvent dit qu'en lisant Scream Test, on avait l'impression d'être dans un film, ce qui était l'effet voulu. Cependant je pense qu'un scénario est encore toute autre chose.


Dans quel genre ne pourriez-vous pas écrire ? Y-a-t-il un genre qui vous attire que vous n'avez pas encore testé ?
Un genre avec lequel j'aurais beaucoup de mal, c'est l'autofiction intimiste, dont je me sens vraiment très éloigné.
Un genre qui m'attire que je n'ai pas encore testé... En fait je n'arrive pas à respecter les codes des genres que j'aime,  thriller, horreur, science-fiction ou anticipation. Du coup c'est plutôt transgenre, pas si loin de la littérature générale en fait. Je crois en cette idée que les genres littéraires sont avant tout des catégories commerciales. Sinon, j'aimerais bien faire de la comédie, mais au cinéma, et je n'ai pas testé le Fantastique, que j'aime énormément.



Littérature


Est-ce que vos méthodes d'écriture ont évolué entre les deux romans ? Vous parliez de deux périodes de 3 mois pour la rédaction du premier. Q'en est-il du second ?
C'était sur une période un peu plus longue, le rythme n'était pas tout à fait le même. J'ai mis plus de temps à écrire la première partie que la deuxième, où là je suis rentré dans une mécanique qui m'a permit d'avancer à un bon rythme. A chaque auteur sa technique et à chaque roman son histoire d'écriture. J'ai passé énormément de temps en « recherche et développement » sur Zen City, qui était plus compliqué à faire que Scream Test.


Dans quel état d'esprit est-on quand on apprend que son premier roman va être publié ? Comment l'avez-vous appris ?

Pour moi ce fût de l'ordre du miracle. J'en étais à un stade où je n'attendais presque plus rien et, une après-midi, une personne m'a appelé pour me dire qu'elle était en train de lire mon manuscrit, qui s'appelait alors Camera Obscura, et qu'elle n'avait pas encore fini, il lui restait une trentaine de pages. C'était Marion Mazauric, elle voulait savoir si j'avais déjà signé chez un autre éditeur, ce qui n'était pas le cas. Elle souhaitait me rencontrer et m'a donné rendez-vous au « Train bleu » de la gare de Lyon. J'avais deux semaines à attendre avant de savoir... Et c'était oui. On a tout de suite fait une lecture page à pages car il fallait un peu le réécrire.
En fait quand on écrit un roman pour la première fois, on n'a aucune idée de comment fonctionne  l'édition. Quand on dépose son précieux manuscrit en personne, on voit la pile des envois du jour et là, on comprend que c'est un peu chaud... Surtout quand on n'a même pas trouvé le nom du directeur de collection à qui l'on envoie le manuscrit...

Malgré tout, contrairement à ce que l'on entend souvent, pas mal d'auteurs ont été publiés par la Poste, sans aucun contact. Personnellement, j'ai compris que l'écriture passait avant tout par la réécriture, qui est aussi une vraie remise en question. Il faut également écrire et ne jamais « se regarder écrire », beaucoup lire et bien cibler les éditeurs. Le manuel AUDACE est le meilleur outil que je connaisse pour cela. Enfin, il faut s'accrocher. Je ne sais plus si c'est Nicolas Sarkozy ou Jean-Marc Morandini qui a dit : « tout est possible »..


Vous aviez fait des envois au préalable ?

Oui, une première série d'envois sur une version de 150 pages et une deuxième série sur une version complètement réécrite et plus développée, un an plus tard. Pour une dizaine d'éditeurs à chaque fois.


Votre deuxième livre sort aussi "Au Diable Vauvert" ? C'est une maison d'édition particulière qui préconise des passerelles entre les genres ...
Oui, c'est une vraie liberté. Il n'y a aucune contrainte éditoriale, on peut faire exactement ce que l'on veut.


Divers


Sur la biographie du site evene.fr, on vous présente comme un « Passionné d'informatique », qu'est-ce qui vous attire dans ce domaine ? Peut-on espérer voir un jour un roman sur le thème du hacking ?
Alors là c'est un bug informatique (rires). Je ne sais pas d'où c'est parti. Peut-être parce que dans Scream Test, il y avait un hacker ? En tout cas, c'est un thème qui m'intéresse.


Dans celui qui sort vous en parlez ?
Oui dans Zen City il y a un réseau de hackers qui cherchent à miner Zen City de l'intérieur. Toute la ville est en réseau, chaque habitant porte une puce RFID reliée à une base de données et possède un « Perfectphone » qui permet aussi de créer un réseau social live : « Proxifun ». Bref, tout est géré grâce aux systèmes informatiques. Les hackers ont donc moyen de faire un maximum de dégâts...
J'utilise beaucoup Internet pour écrire et je crois que je serais incapable d'écrire sans ordinateur, mais je ne connais presque rien de la véritable informatique.



"Scream Test" a beaucoup buzzé comme on dit sur le Net mais par contre j'ai pu remarquer que vous ne possédiez pas votre propre site web. Est-ce un projet ?
Il va y avoir un site : zencity.fr, pour la sortie du prochain. Ce ne sera pas un blog, plus une extension du roman, avec des liens vers des articles ou des vidéos en rapport avec l'univers de Zen City, et une petite partie auteur pour annoncer les salons auxquels je participerai par exemple. (Depuis l'interview le site de Grégoire Hervier a été mit en ligne)


Comment choisissez-vous les noms de vos personnages ?

Sur Scream Test, le nom du personnage principal, Clara Redfield, était directement inspiré du jeu vidéo Resident Evil, dont le deuxième opus m'avait pas mal occupé à l'époque. Comme cela se passait aux Etats-Unis, j'ai pris le générique du film Toxic, de la firme Trauma (rires) et j'ai fait un mélange entre les noms et les prénoms.
L'histoire de Zen City se déroule en France, donc il y a beaucoup de prénoms français. Je suis assez fier de celui de mon personnage principal, un trentenaire, français moyen : Dominique Dubois. Ce pourrait être un garçon, une fille, c'est vraiment neutre, ce qui est la caractéristique principale du personnage. Pour les autres, je n'avais pas de méthode établie, et j'ai changé à plusieurs reprises. Je fais parfois des private-jokes. En tout cas c'est vrai que c'est important


Vos derniers coups de cœur en matière littéraire ou bien sur d'autres médias ?

Là, sur le Festival, je viens de voir The Second Civil War, La Seconde Guerre de Sécession en français, de Joe Dante et j'ai vraiment accroché (en plus j'étais en compagnie de Pierre Bordage et de Marin Ledun). Ça date de 1997 mais ce mélange d'anticipation, de satire des médias et de comédie burlesque, c'est tout ce que j'adore. J'admire Joe Dante. Ce qui me fait penser que le dernier Mogwaï est à tomber par terre. J'ai aussi vu un film de SF purement génial, Sleep Dealer, d'Alex Rivera.
Sinon un vrai coup de cœur pour La France contre les robots de Georges Bernanos qui est pour moi le 1984  français. C'est quelque chose de très passionné, très particulier, incroyablement visionnaire. C'est très impressionnant, notamment sur le rapport entre les technologies et les libertés individuelles. On pourrait le croire écrit aujourd'hui, alors qu'il a été publié la première fois en 1946

Le mot de la fin...
Un grand merci à Plume libre. C'est réellement un site de passionnés, très bon esprit et franchement cela fait plaisir.

Merci encore Mr "Zen City" pour cette rencontre.

Du même auteur : Biographie, chronique, interview






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