Laurent Botti

Laurent Botti




Octobre 2009

 




A l'occasion de la sortie de "Un ticket pour l'enfer" le nouveau roman de Laurent Botti,  Xo éditions, nous propose une interview de l'auteur.
Pour en savoir un peu plus, vous pouvez lire l'interview que l'auteur avait eu la gentilesse de nous accorder en octobre 2007.


Votre nouveau thriller, Un ticket pour l'enfer, fait écho à vos livres précédents, notamment à La Nuit du Verseau, votre second roman, qui vous a rendu célèbre. Est-ce une « suite » ou un simple clin d'œil ?


À dire vrai, les deux histoires sont totalement distinctes - il y a juste un bref rappel des événements qui ont eu lieu dans le premier roman, mais les personnages, autant que l'intrigue, sont différents. Donc il ne s'agit pas d'une suite, et si les deux livres se répondent, ils se lisent indépendamment l'un de l'autre.
Quant au clin d'œil... c'est un peu plus que ça, je crois : je n'avais pas anticipé que des éléments de La Nuit du Verseau viendraient se greffer dans ce roman, mais si cela s'est produit, c'est que je n'en avais pas encore complètement fini avec l'univers créé dans ce roman.
Du reste, Un ticket pour l'enfer est un peu à la croisée des chemins : l'action se situe en partie en Bourgogne, entre brume et neige, aux abords de Laville-Saint-Jour, une ville à l'atmosphère gothique que j'ai déjà explorée dans d'autres livres.

 

Pouvez-vous nous raconter l'histoire en quelques lignes ?
Un exercice toujours difficile pour l'auteur - surtout un auteur comme moi qui a du mal à contrôler le flux ! En résumé donc : David a neuf ans, une maman qu'il adore, un beau-père flic et ripou qui leur fait vivre un enfer à tous deux, et un secret : depuis tout petit, il a des visions, des sortes de flash du futur qui s'inscrivent dans sa mémoire comme des déjà-vus.
Un soir, après une crise particulièrement violente entre sa mère Charlie et son beau-père, David a un de ces flashes - que je ne préfère pas révéler ici.
Il sait qu'il tient le moyen pour sa mère et lui de s'enfuir. Mais son « souvenir » est assombri par d'autres visions, anxiogènes, violentes, et incompréhensibles. Le garçon décide malgré tout de s'en ouvrir à sa mère... C'est le début d'une course-poursuite infernale, qui va les conduire à remonter pas à pas, malgré eux, le passé de Charlie.

 

Comment l'idée de ce thriller vous est-elle venue ?
D'une façon tout à fait incontrôlable : j'étais en train d'écrire un autre roman, sur lequel je peinais un peu, quand je me suis réveillé, au milieu de la nuit, avec à peu près les 80 premières pages d'Un ticket pour l'enfer entièrement écrites dans la tête. Je ne peux dire si j'ai rêvé ces pages, ou si elles sont apparues au réveil, mais je les avais quand j'ai ouvert les yeux, et j'ai aussitôt pris des notes.

On retrouve certains éléments récurrents dans vos romans, les enfants notamment. Dans Un ticket pour l'enfer, le héros est David, un garçon de neuf ans, avec un « don » très spécial. N'est-ce pas plus difficile en tant qu'auteur de se projeter dans la peau d'un enfant ?

Se projeter dans la tête d'un enfant n'est pas si compliqué. Il suffit d'avoir bonne mémoire ! Ce qui l'est en revanche, c'est de tenter l'exercice en plaçant le personnage dans une situation paroxystique. C'est vraiment là que l'imagination ou l'empathie interviennent : comment réagit un enfant face à d'authentiques dangers de mort ? Comment vit un enfant doté d'un « don » dans une famille névrosée et violente ? C'est sur ce point précis que se situe le défi...

Vos personnages ont tous une psychologie fouillée et complexe, et vous réussissez tout autant à faire exister un tueur qu'une mère de famille blessée ou encore un transsexuel mafieux... comment construisez-vous vos personnages ?
Je n'ai pas le sentiment de « construire » mais plutôt de fonctionner à l'empathie. Le personnage de la Veuve par exemple - un transsexuel qui règne sur un petit empire de la drogue - n'était, au départ, pas prévu. Après coup, je me suis rappelé une histoire : une de mes connaissances, avocate, m'avait raconté au cours d'une conversation qu'elle connaissait une transsexuelle prostituée au parcours étonnant. Je crois qu'à mon insu, cette histoire m'avait marqué. C'est ainsi donc qu'est né ce personnage, auquel j'ai aussitôt associé une image : une silhouette lovée dans une fourrure comme une star à l'arrière d'une Mercedes filant dans la nuit. À partir de cette conversation et de cette image, le personnage de la Veuve a « poussé », jusqu'à devenir un des moteurs du roman.
Chacun de mes personnages est donc issu d'une impression, d'une expérience, d'une rencontre... ou de moi-même, mais une fois qu'il surgit dans le roman, mon travail consiste à me fondre dans sa psyché, embrasser sa personnalité. Ce sont en fait là les moments les plus jouissifs de la rédaction du livre.

 

On sent également que vous travaillez beaucoup la structure de vos livres. Courts chapitres, nombreuses sous-intrigues, révélations et rebondissement final... Quelle est votre méthode d'écriture ?
Même si c'est souvent une remarque qui revient à propos de mes romans - la structure -, à la différence d'auteurs qui travaillent beaucoup sur la mécanique, j'attache pour ma part une grande importance aux personnages. Ce sont eux qui font avancer l'intrigue - d'où l'importance de ce phénomène d'empathie que j'évoquais. Bien sûr, j'ai une ligne directrice, un « projet littéraire » au départ, mais ce sont mes personnages qui le portent et je sais qu'ils vont forcément quelque part, même si je ne l'avais pas anticipé ainsi.
Il me faut donc fonctionner en souplesse, avec un cadre suffisamment large. Si je structure trop en amont, la fin se révèle souvent sans éclat. Si je me surprends, je sais que je vais surprendre le lecteur et que j'ai gagné mon pari.


On vous compare souvent à Stephen King, notamment pour l'ambiance sombre de vos romans. Cet auteur vous a-t-il influencé ? Quels sont les auteurs qui vous ont donné envie d'écrire et ceux dont vous vous réclamez ?

Je ne peux pas dire que je me réclame de Stephen King - ce serait bien prétentieux de ma part ! En revanche, oui, j'aime son univers, sa profondeur psychologique, son rapport à l'enfance, son émotion à fleur de peau.

Cela étant, tous mes romans ne sont pas « kingien » : Fatale lumière par exemple, s'il est inspiré par un auteur, le serait davantage par Tom Wolfe, en dépit de son caractère thriller. Je reconnais en revanche qu'en plaçant un enfant « hors norme » au cœur d'Un ticket pour l'enfer, il y a sans doute des échos de King.
Quant aux auteurs qui m'ont bercé : j'ai un penchant pour la littérature américaine - Fitzgerald, Steinbeck, Ellroy, Bret Easton Ellis, pour n'en citer que quelques-uns... Il y a, dans le « grand roman américain », un souffle, une ampleur qui m'emportent. Côté français, je suis plutôt classique : Maupassant, Gide...

 

Après avoir vécu à Paris, vous êtes désormais installé à Barcelone. Cela a-t-il une influence sur votre écriture ? Pensez-vous à écrire un roman en espagnol, ou qui se déroulerait en Espagne ?
Je suppose que comme tous les écrivains, chaque expérience de vie me nourrit - même si je n'en produis pas automatiquement quelque chose. Et Barcelone est une ville riche - tout à la fois gothique et moderne, latine et très européenne, donc sans nul doute un cadre tentant pour un roman... Mais pour l'heure aucun projet concret se situant en Espagne, même si j'ai quelques idées qui frémissent. Il faut d'abord « digérer » le lieu.


 

Avez-vous déjà des idées pour votre prochain roman ?
Oui, et heureusement ! Si au milieu du roman que je suis en train d'écrire l'idée du prochain n'est pas en train de poindre, je panique. Jusqu'alors je n'ai vraiment été bloqué qu'une fois -  après un cambriolage où j'ai perdu près des deux tiers d'un roman en cours d'écriture et que je n'ai jamais retrouvés, alors que justement je n'avais pas encore mis en place l'idée suivante. L'expérience explique le « trou » temporel dans ma bibliographie.
Pour le prochain donc ce sera sans doute un roman très sombre, mais très différent... et pas du tout dans la ligne de Stephen King.
Mais enfin, ça peut changer d'ici là !

Interview publiée avec l'aimable autorisation de XO éditions.

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