Maxime Gillio

 


Maxime Gillio
 


 Maxime Gillio, vous n'échapperez pas à la question rituelle lors d'une première interview sur plume-libre. Pouvez-vous vous présenter ?
     1,92 m, 85 kgs, yeux bruns, 34 ans (enfin, 35 dans six mois, mais je suis coquet), prof de français à mi-temps, père de famille à mi-temps, écrivain à mi-temps (ça fait trois mi-temps, c'est pas logique, faut que je recompte). J'habite le Nord de la France par atavisme. Allergique à la noix de coco. Je dis ça si jamais l'un d'entre vous m'invite un de ces quatre.

Les Disparus de l'A16 est votre quatrième roman. Quel a été votre parcours pour en arriver là ?

    Accidentel. Je ne m'étais jamais dit que j'allais écrire un jour. Je suis un fan absolu de San-Antonio, père et fils, et je collabore à une revue, Le Monde de San-Antonio, dans laquelle je commets articles, études ou nouvelles. Un jour, mon rédac chef m'a dit d'essayer de publier un roman. Alors j'ai tenté, pour voir, et ça a marché.



Comment travaillez-vous à l'écriture d'un de vos romans ? Quelle est une de vos journées types ?
    Je n'ai pas vraiment de journée type, car d'une année sur l'autre, ça change en fonction de mes horaires de travail de prof et de mes enfants. Disons que j'essaye de taper au moins dix pages par semaine. En revanche, quand je suis sur un roman, je procède de la façon suivante : élaboration d'un scénario et d'un synopsis très poussés. Je suis incapable d'écrire si je ne sais pas où je dois aller. Une fois que j'ai mon séquencier, je reprends chapitre par chapitre pour en dégager les grandes lignes. Puis j'attaque l'écriture, assez rapide, dans la mesure où je sais ce que je dois dire. Dès qu'un chapitre est tapé, je l'imprime et le corrige. Puis je commence le suivant. Une fois que tout est fait, je laisse décanter quelques jours, puis je reprends le manuscrit depuis le début, et là, c'est la traque au mot de trop, à la répétition. Parfois je rajoute des passages, j'en enlève plus rarement. En fonction de mon feeling, je peux le faire lire à un ami ou deux, mais pas plus, car il y a autant d'avis que de lecteurs. Enfin, je repasse le tout à ma femme qui corrige les dernières coquilles.



Dans Bienvenue à Dunkerque, L'abattoir dans la dune, Le cimetière des morts qui chantent, on retrouve le même duo de personnages Charles Dacié et Stéphane Marquet. Comment décririez-vous l'univers de ces trois romans pour séduire de nouveaux lecteurs ?
     Comme dans une série américaine. J'aime les personnages récurrents. Il y a l'intrigue de premier plan, avec l'enquête en « whodunit », mais également l'évolution des personnages d'un titre à l'autre. C'est un univers assez sombre (mes deux flics ont tous les deux des drames personnels), volontiers sanglant, avec pas mal d'humour noir. Une énigme est posée dans le premier titre. Pourquoi Stéphane Marquet, jeune flic niçois, demande-t-il sa mutation à Dunkerque ? Des éléments de réponse sont disséminés dans les trois titres, jusqu'à la révélation finale qui aura lieu dans le prochain, que je n'ai pas encore écrit.



Les disparus de l'A6 narre les aventures d'une nouvelle héroïne : Virginia Valmain (qui nous rejoindra au cours de cette interview) Le style est différent de la saga Dacié/Marquet. C'est aussi un polar mais plus humoristique, corrosif, politiquement incorrect avec de multiples références littéraires ou cinématographiques ainsi qu'une écriture plus interactive avec le lecteur. Comment sont nés ce projet et votre rencontre avec la grande Virginia Valmain ?

     Vous voulez la vraie version ou celle que je balance depuis le début, complètement bidon ?... Disons que ceux qui me connaissent savent que j'aime la déconne. Or ma série habituelle ne peut pas être vraiment humoristique. Mais je me rendais compte que j'amenais de plus en plus d'humour, par les situations, les personnages secondaires. Et je craignais de glisser vers un mélange des genres fâcheux. Alors je me suis dit, créons une série carrément déjantée, dans laquelle je pourrai me lâcher. Ce sera une soupape qui, paradoxalement, me permettra d'être plus tendu, plus dur, dans les Dacié/Marquet. Les deux séries ont chacune leur identité, deux univers qui, sans tomber dans la schizophrénie, me correspondent plutôt bien.


L'écriture a-t-elle été plus difficile pour ce roman que les précédents ? Y a t-il eu une pression plus grande du fait de surfer sur le style de San-Antonio, de la réaction de l'éditeur ou par rapport à votre lectorat ?
     C'est le premier roman que je travaille autant au niveau de l'écriture, mais en même temps, celui qui a été le plus facile. Les Dacié et Marquet m'ont permis de comprendre ce que je devais faire, et ne pas faire, en écrivant. Du coup, il y a eu une vraie jubilation, née de l'effort. Le lectorat, j'ai eu un peu peur les premiers jours, mais les retours ont été élogieux. Même si je sais que ça ne peut pas plaire à tout le monde. Quant à mon éditeur, j'avoue qu'il m'a mis sur le cul. Je m'étais dit que ça allait rester un délire sans lendemain, et voilà que Ravet-Anceau ose le publier. Sans flagornerie, je dis chapeau ! J'espère qu'on sera tous gagnants dans l'histoire. Mais peut-être que la pression sera plus grande pour le deuxième. Sur celui-ci, j'ai surpris tout le monde. Pour le suivant, on va me dire : « Allez, fais-nous rire ! », et là, ça va être plus coton.



Le personnage truculent de Virginia Valmain serait un remarquable personnage de bande dessinée ou héroïne sur petit ou grand écran. L'écriture de scénario pour l'un de ces deux arts vous tenterait-il ? Et dans cette lancée, quel casting pour une adaptation des aventures de Virginia Valmain ?
    Vous ne pouvez pas poser meilleure question ! J'adorerais être scénariste de BD ou de télé ! J'ai d'ailleurs réalisé le scénario d'une BD franco-allemande, actuellement en cours d'élaboration en Allemagne. Ça n'est qu'avec mon troisième livre, Le cimetière des morts qui chantent, que j'ai commencé à me sentir romancier. Pour les deux premiers, j'avais davantage l'impression d'être scénariste. Donc oui, je suis ouvert à tout projet qu'on pourrait me proposer. J'ai envie d'écrire pour la télé, créer une nouvelle série, un concept, des scénarios... Dans le rôle de Virginia ? Une fille sculpturale avec du caractère, un peu trash... Scarlett Johansson ! Sinon je verrais bien Mélanie Doutey, dans un rôle plus provoc.



Vous êtes l'un des auteurs les plus prolifiques de chez Ravet-Anceau avec quatre romans édités. De quels sévices vous menace l'incontournable Gilles Guillon afin que vous ayez un tel rendement ?
     Détrompez-vous ! Gilles Guillon me menace effectivement des pires sévices, mais pour que j'écrive moins vite ! Authentique. Récemment, il m'a menacé de participer à un rallye automobile en écoutant du Rammstein à fond la caisse. L'horreur


Tous vos romans se déroulent sur Dunkerque. Pourquoi ce choix ? Vous n'êtes pas toujours tendre avec la cité de Jean Bart dans vos romans. Alors vous voici le temps de cette question : guide touristique à l'office de tourisme de Dunkerque. A vous de nous convaincre d'y venir un week-end.
    Venez à Dunkerque, je prépare une excellente carbonnade flamande.
C'est vrai que je suis parfois critique, mais c'est parce que j'aime ma ville, et que j'aimerais que certaines choses changent. Un autre que moi avancerait les mêmes critiques, je lui en voudrais certainement !



Vous êtes professeur de Français quel est le retour de vos collègues sur vos romans ?

    Je mets vraiment une barrière entre les deux activités. Je veux que les collègues et les élèves me voient en tant que prof. Mais les collègues qui me lisent ne sont pas forcément ceux qu'on pourrait croire. S'ils aiment, ils le disent, s'ils n'aiment pas, ils ne me le disent pas, sinon je pirate leur compte photocopies (la salle des profs est une jungle impitoyable).


Nous avions lancé, il y a quelques temps sur notre Forum, les deux débats suivants : Le polar, la fantasy, la science-fiction sont-ils de la littérature ? Et faut-il également les intégrer dans des programmes scolaires ? Quelle est votre opinion ?
    Oui et oui.
Blague à part, le polar et la SF sont déjà au programme du collège. Donc on y vient, on y vient.


Quels livres sont pour vous incontournables pour avoir de bonnes bases ?
    Euh... Là, comme ça, à chaud... Conan Doyle, Agatha Christie, Frédéric Dard, Didier Daeninckx. Je parle vraiment des bases, hein ! Parce que plus tard, j'échange toute la mère Agatha contre un bon Joe Lansdale ou un Dennis Lehane.


Vous êtes fan de Frédéric Dard, et vous êtes vice-président de l'association des amis de San-Antonio.... Si vous deviez garder un seul souvenir en tant que lecteur de cet auteur ?

    Mais c'est impossible, enfin ! Je suis plongé dedans depuis que j'ai 11 ans ! Allez, comme souvenir, je garde la lettre que je lui ai écrite quand j'avais 17 ans, et dans laquelle je lui expliquais tout ce qu'il m'avait apporté et que je concluais en lui disant que parmi ses milliers de lecteurs, j'étais de toute évidence celui qui le comprenait le mieux.
Fallait oser, hein !
Le pire, c'est que je suis pas loin de le penser encore...


Vos trois bons mots préférés de Frédéric Dard ?
    J'ai une mémoire de poisson rouge, et les citations en général m'emmerdent un peu (surtout celles de Lao-Tseu...). Donc de façon très approximative :
« Le plus court chemin d'un cul à un autre, c'est encore ma bite. »
« Les gens pensent que leur nombril est le centre de l'univers alors que ça sert juste à mettre du sel quand on mange des œufs durs au lit. » (Celle-là, c'est plus que de l'approximatif...)
« Je n'écris pas pour des lecteurs mais pour des amis. »


Sur votre Blog ainsi que dans le recueil Des nouvelles de Coudekerque Branche, vous vous êtes essayé à la nouvelle. Quelles en sont les différences avec l'écriture d'un roman ? Est-ce un exercice que vous appréciez ?

    J'aime assez les contraintes dans l'écriture. Donc la nouvelle est un genre intéressant (concision, rythme, chute finale), même si je n'en ai pas encore écrit suffisamment pour dire que je suis un habitué du genre. En tout cas, je préfère en écrire qu'en lire.


Quels conseils donnez-vous à un jeune auteur qui se lance dans l'aventure d'un roman ?
    De prendre son temps !! On brûle de finir son premier jet, on veut se prouver qu'on peut aller au bout d'une histoire, on veut être publié vite, voir son nom sur la couverture, participer à des salons... C'est normal. Mais avec un peu de recul, je dirais qu'il y a deux consignes essentielles : patience et obstination.
Faire le tri dans les avis. Les proches, c'est bien, mais ils ne sont pas assez objectifs. Faire lire à des amis avec un minimum de métier. En règle générale, il faut lire le livre de Stephen King sur le métier d'écrivain, c'est un must !


Lors des salons, séances de dédicace ou sur le net, on note une très bonne entente entre les auteurs de Ravet-Anceau. Mais là, entre nous, vous avez bien une ou deux révélations croustillantes ou inavouables à nous révéler sur certains auteurs ?
    C'est vrai qu'on s'entend plutôt bien dans l'ensemble. Pourvu qu'on soit pas à côté des « compétiteurs » ! Bon, faut avouer que lorsque Jean-Christophe Macquet raconte des blagues de cul, ou que Michel vigneron nous sort des photos de scènes de crime, faut s'accrocher !


Quel regard portez-vous sur l'émergence des blogs, sites littéraires sur Internet ? Vous participez vous-même à K-Libre comme chroniqueur. C'est un exercice facile quand on est soit même auteur ?
    C'est intéressant d'avoir l'avis de lecteurs non-professionnels. Mais après, il faut faire le tri... On lit tout et son contraire, il ne faut pas tout lire au même degré. De toute façon, je pars du principe que le livre ne m'appartient plus dès lors qu'il est publié. Je ne critique donc jamais les critiques qu'on me fait.
Après, en écrire soi-même quand on est auteur, c'est à double tranchant : d'un côté, je me rends compte plus facilement des défauts de structure ou de rythme, mais en même temps, je fais preuve de solidarité, étant moi-même sujet à la critique. Je tente dès lors de faire partager mes impressions avec un ton un peu décalé.


Vos derniers coups de cœur littéraires, cinématographiques, musicaux ?
    Musicaux, on laisse tomber, hein ? Je n'écoute que très peu de nouveautés. Cinématographiques, pas grand-chose de très emballant ces derniers temps... Littéraires : Opale, Stéphane Lefebvre, Boulogne K, Michel Vigneron, Une tombe accueillante, Michael Koryta, Un pays à l'aube, Dennis Lehane, et les deux romans de RJ Ellory. Et le dernier Paul Colize qui n'est pas encore sorti mais que j'ai lu et qui est très bien.


Sur quels projets travaillez-vous en 2010 ?

    Je suis en train de rédiger un polar qui se passe en Belgique. À mi-chemin entre les Dacié et le Valmain : une enquête sérieuse, avec pas mal d'humour, mais plus classique. Une sorte de Poulpe... D'ailleurs, je félicite les éditions Baleine qui favorisent l'insertion des autistes dans l'entreprise (ceci est un message avec juste ce qu'il faut de rancœur...).


(Je vois Virginia Valmain qui arrive )
Merci de nous rejoindre Virginia. Pouvez-vous nous dire comment vous avez rencontré Maxime et pourquoi l'avoir choisi afin d'écrire à quatre mains votre premier roman. C'était le seul auteur de disponible sur Dunkerque ?

    Exactement ! Christophe Lecoules a décidé d'arrêter l'écriture, et Pascal-Gilles Villeminot est très occupé sur d'autres projets. Et Maxime est le plus jeune des trois... En plus, il écrit vite, l'animal.


Vous êtes une des détectives les plus réputées, quel a été votre parcours ?
    J'ai d'abord commencé par une école de hautes études européennes, mais je me faisais poiler. Trop de protocoles, de tracasseries administratives, de ronds de jambe... J'avais envie de travailler à mon compte. J'avais un peu d'argent de côté, suite à un héritage, et ma tante adoptive venait de se faire licencier. Donc j'ai monté ma petite boîte sur Dunkerque.


Vous travaillez pratiquement en famille avec Mère-Grand et Lao Tseu, pouvez-vous nous les présenter ?
    Mère-Grand est donc ma tante, qui m'a recueillie et élevée à la morts de mes parents. Elle est alcoolique, lesbienne, un caractère de cochon, mais c'est ma seule famille. Attention à ne pas l'inviter chez la baronne de Rotschild, c'est tout.
Lao-Tseu est un Malien que j'ai sauvé de la mort lors d'une enquête précédente. Depuis ce jour, il m'est dévoué corps et âme. À lui seul, il assure au moins deux quotas de minorités visibles : black et handicapé mental, car souffrant d'un autisme de haut niveau qui l'empêche de comprendre quoi que ce soit à l'action en cours. Un élément comique de premier plan dans un polar humoristique...


Après lecture de votre premier roman, on note une bonne dizaine de nouvelles aventures à venir. Les manuscrits sont-ils déjà sur le bureau de l'éditeur avec votre contrat à plusieurs zéros?
    Pour le contrat, je crois que je peux toujours rêver. Gilles Guillon m'avait bien dit qu'il était inflexible, mais j'espérais que ce serait au sens propre... J'espère bien en raconter d'autres, cela dit. Mais pas celles que j'ai annoncées, sinon ça ruinerait mon gag.


Quand les lecteurs pourront-ils vous rencontrer en chair et en os? Lors d'un prochain salon ? A Lens ? Car pour l'instant, c'est Maxime Gillio qui fait surtout la promotion des Disparus de l'A16, la barbe c'est bien mais à force ça pique.
    Ils ont déjà eu l'occasion de me voir au vernissage-dédicaces de la sortie officielle du livre, à Dunkerque, le 20 novembre ! J'y ai fait une apparition...remarquée. Hélas, je ne serai pas à Lens, ni même Maxime. Mais vous savez, la barbe qui pique, ça peut être excitant.


Comment définissez-vous Maxime Gillio ?
    Impatient, nerveux, orgueilleux, insatisfait, grande gueule et susceptible. Que des défauts !


On vous laisse à tous les deux le mot de la fin
Maxime : mais t'es vraiment dégueulasse de dire des trucs pareils sur moi !
Virginia : ça t'apprendra à me faire passer pour la dernière des morues et à me carotter mes droits d'auteur ! 
 
 
  
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