Hervé Commère







Avril 2011

 

 

 

Bonjour Hervé Commère, pourriez vous vous raconter en quelques mots car on vous connaît peu...
Dans le désordre, je suis né en 1974 près de Rouen, j'ai fait de courtes études de lettres et j'ai eu deux bars. Je vis à Rennes depuis 2006, je suis amoureux, et "Les ronds dans l'eau" est mon deuxième roman publié, après "J'attraperai ta mort", sorti en 2009.

Qu'est ce qui vous a poussé à l'écriture ?
Je ne sais pas. Ce que je peux vous dire, c'est que j'aime les histoires, vraies ou non. Par ailleurs, j'aime les mots. J'aime lire, j'aime aussi voir des films. Et puis j'ai eu les oreilles farcies par un père qui nous a martelé qu'il fallait "faire des trucs", "être acteur plutôt que spectateur", etc. Je ne suis pas d'accord avec tout ça, d'ailleurs. Ce qu'il faut seulement, c'est trouver son équilibre et sa voie.
Mais toujours est-il que ce père obsédé par l'idée de s'investir et de s'impliquer y est forcément pour quelque chose. C'est d'ailleurs aussi le cas de mon frère, qui aimait la musique. Résultat, il est guitariste.

 

Votre nouveau roman « Les ronds dans l’eau » est paru depuis quelques semaines (Fleuve Noir), pourriez-vous nous le présenter ?
Il y a deux personnages. D'une part, une histoire de casse clinquant dans les années 70, Jacques, un caïd à la retraite qui voit aujourd’hui ressurgir son passé, une journaliste qui veut absolument tout savoir. Par ailleurs, il y a Yvan, petit serveur un peu terne, qui voit son ancienne chérie le narguer tous les jours dans un jeu de télé-réalité, et qui décide d’agir, pour arrêter de souffrir.
Ces deux personnages, si éloignés l'un de l'autre, vont se croiser quelques secondes, et toute la suite en découlera.


Comment vous est venue l'idée du roman ?

La première, toute première idée, c'est qu'un cambrioleur pénètre une nuit dans une maison, par la porte de derrière. Il fait noir, il marche sur des oeufs, en silence, fouille les différentes pièces. En arrivant dans les chambres à l'étage, il tombe nez à nez avec un autre cambrioleur, entré par la porte de devant. Effarés tous les deux, ils font connaissance.
Voilà, j'ai un jour pensé à ça, et je pense que c'était le départ des Ronds Dans l'Eau, même si rien ne se passe comme ça au final dans le roman que j'ai écrit.

Dans votre prologue on peut y voir des clins d’œil comme l’ambiance mafieuse à la Scorsese, des voleurs à la Audiard ou Melville et le nom des couleurs à la Reservoir Dog de Tarantino. Est-ce volontaire de votre part ? Font-ils partie de vos influences ?
Bien sûr. Mais je ne suis pas dans l'hommage ou l'admiration, ni la nostalgie. L'histoire du roman se déroule aujourd'hui, même si elle prend sa source dans les années 70. Comme nous, quoi. On vit en 2011, mais on a commencé il y a vingt, trente, quarante, cinquante ans...


Comment écrivez-vous? Avez-vous toute la construction (diabolique) du roman en tête avant de commencer, notamment l’épilogue qui est original et surprenant ?

Oui, je sais quelle histoire je vais raconter quand je commence à l'écrire. Je passe des mois à y penser, à prendre des notes, à vivre avec mes personnages. Et puis quand tout s'imbrique, quand le puzzle est complet, il est temps d'écrire.
J'ai lu récemment une phrase qui dit ça très bien : "Mon roman est terminé, je n'ai plus qu'à l'écrire". Je ne sais plus de qui c'est, Gide ou Giono, l'un des deux. Un auteur qui commence par "Gi", en tout cas. C'est peut-être Alain Gillot Petré, remarquez. Ou Roger Gicquel...


Le hasard et ses conséquences semblent être des sujets qui vous fascinent, d'où vient cet intérêt ?
Il m'arrive assez souvent de tenter de mesurer la part de hasard qui a fait que je suis là où je me trouve aujourd'hui, avec qui, et dans quel état de corps et d'esprit. Et ça fait assez longtemps.
J'ai repensé cette semaine à un problème qu'on nous avait posé en CM1. Un petit garçon avait un pneu crevé sur son vélo, et empruntait donc le vélo de son grand frère. Mais le vélo était trop grand pour lui, il tombait avec, et risquait au passage de se faire écraser par un camion. Je crois qu'on finissait par nous demander si le petit avait été raisonnable ou pas, quelque chose comme ça.
Je me souviens avoir répondu que le petit aurait dû essayer de changer la chambre à air de son vélo. S'il n'y parvenait pas, de toutes façons, le temps qu'il essaye, le poids lourd continuait sa route. Si, au final, il prenait quand même le vélo de son grand frère, à l'endroit de la chute, il ne risquait plus de se faire écraser.
A croire que les concours de circonstances m'intéressent depuis longtemps !



Vous avez écrit 2 romans noirs, allez-vous continuer dans ce genre ou avez-vous envie de vous essayer à d'autres styles ?

Je n'ai pas vraiment l'impression d'avoir écrit deux romans noirs. A mes yeux, j'ai juste écrit deux romans. Il se trouve qu'il s'agit de romans noirs mais ça n'est pas un but en soi.
Je ne dirais pas non plus que j'ai envie de "m'essayer à d'autres styles". J'ai simplement envie d'écrire d'autres romans. On verra bien de quoi il s'agit. Et puis on verra bien ce que l'éditeur choisit de mettre sur la couverture !


Quel est le livre que vous auriez aimé écrire ? Et quels sont vos coups de cœur littéraires du moment ?
Je suis tout jeune dans l'écriture (même si j'écris depuis vingt ans). Il est un peu tôt pour parler comme un vieil écrivain qui porte un regard mélancolique sur "les livres que j'aurais aimé écrire". Il n'y en a pas.
En revanche, j'ai un coup de coeur littéraire. C'est assez récent, ça date d'il y a quelques mois, il s'agit de Jean-Paul Dubois (qui n'écrit pas de polar). Je l'ai découvert avec "Si ce livre pouvait me rapprocher de toi", et je l'ai depuis offert quatre ou cinq fois. C'est élégant, calme, serein, sûr de soi, et drôle aussi, caustique. Bref, c'est la classe.


Y a-t-il d'autres formes d'écriture (scénario télévisuel, cinématographique ou de bandes dessinées, paroles de chansons...) ou artistiques qui vous attirent ?

J'ai une idée, qui deviendra peut-être mon quatrième roman, mais dont je me dis aussi que ça pourrait faire un film. Par contre, je ne sais pas ce que c'est qu'un scénario, comment ça se présente, etc. J'en ai parlé à Franck Thilliez, qui connait ça très bien, il m'a envoyé un long mail à ce sujet, mais je n'ai pas encore eu le temps de m'y intéresser de près. Ecrire un film, oui, je crois que ça pourrait me plaire.


Quels sont les auteurs qui vous inspirent ?
Je crois que tout m'inspire, tout ce que je lis, que ça me plaise ou non, et puis la vie, les rencontres, le journal, tout ce qu'on voit sur Internet, c'est un mélange de tout ça.
Côté polar, il y a Tonino Benacquista, Pierre Lemaitre, Jean-Bernard Pouy, Frédéric Fajardie, j'en oublie, bien sûr.


Quelle est la dernière phrase que vous ayez écrite ?
Ce midi, j'ai écrit au dos d'une enveloppe : "Je me suis toujours méfié des gens qui me disaient que j'étais quelqu'un de bien".


Quels sont vos projets, avez-vous un petit scoop à nous dévoiler sur votre prochain roman ?
Je suis sur mon prochain roman, oui. J'espère l'avoir fini vers l'automne mais ça dépend de mon emploi du temps.
Un petit scoop ? Un tout petit, alors : ça s'appelle "Quatre étoiles et nicotine". Si ça ne vous dit rien, tant pis.


Merci Hervé Commère nous vous laissons le mot de la fin.
Une phrase me vient, qui n'a rien d'une conclusion, et qui n'a pas le moindre rapport avec ce qui a précédé. C'est une phrase qu'un copain m'a dite il y a quinze ans :
"La première fois que j'ai dit "je t'aime" à ta mère, elle est partie en Angleterre".
Il m'avait dit que si un jour il écrivait un roman, ça commencerait comme ça. Il ne l'a toujours pas écrit, la phrase est toujours en train d'attendre la suite.
Moi, à la même époque, j'ai eu la première phrase d'une autre histoire :
"Il y a vingt ans, j'ai tué un homme pour de l'argent."
Même chose, la phrase est restée seule, je n'ai jamais écrit la suite.
Mais qui sait ce que l'avenir nous réserve ? Les deux phrases que je préfère dans "Les ronds dans l'eau" sont la dédicace à mon frère et ma chérie, d'une part, et, d'autre part, la dernière ligne : "Des histoires vont commencer".
J'aime beaucoup cette fin. C'est tout ce dont je sois sûr. La suite, on la découvrira presque ensemble.
On s'embrasse ?

Du même auteur : Biographie, chronique, interview

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