Olivier Bonnard

 






Olivier Bonnard

 

Bonjour Olivier Bonnard, afin de mieux vous connaitre, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous et sur votre parcours ?
Je suis un garçon de 37 qui a vu trop de films – en même temps, c’est mon métier, puisque je suis journaliste cinéma au Nouvel Obs. En 2009, j’ai pris 6 mois de congé sabbatique pour terminer « Vilaine fille ». L’histoire se déroulant à Los Angeles, je suis parti écrire là-bas, dans la Cité des anges, histoire de m’immerger dans mon histoire. Et j’ai décidé d’y rester. J’habite donc dans le décor de « Vilaine fille », avec ma fiancée et mon chat. C’est une sensation bizarre.

 

Journaliste au Nouvel Obs, comment vous êtes-vous décidé à sauter le pas et à écrire un roman ?
Très progressivement ! Je préparais un livre d’entretien avec James Cameron, et il a fallu que ce projet tombe à l’eau pour que je me décide à m’atteler à « Vilaine fille », en 2006.  J’y pensais depuis déjà un an ou deux sans oser y toucher. Des polars situés à L.A., il y en avait déjà plein : qui étais-je pour aller chasser sur les terres d’Ellroy, Chandler ou Connelly ?


« Vilaine fille » est votre 1er roman. Conte de fées ou parcours du combattant ? Avez-vous eu des problèmes pour le faire éditer ?
Plutôt parcours du combattant, du moins en ce qui concerne l’écriture : l’intrigue est assez complexe, il y a beaucoup de personnages… Au total, il m’a fallu cinq ans pour en venir à bout. Je dois beaucoup à Françoise Roth, mon éditrice, qui a suivi le projet depuis le début, et a su m’aiguiller vers le bon éditeur. Il y a eu quelques péripéties, mais à partir du moment où Michel Lafon est entré en scène, tout a été très vite : en une semaine, le contrat était signé.

 

Votre travail en tant que journaliste a-t-il influencé votre façon d’écrire ?
Pas vraiment. Quand on rédige un article, on écrit pour un certain lectorat, sur un sujet d’actu, dans un espace limité, avec une deadline, etc. Bref, on évolue à l’intérieur d’un certain nombre de cadres. Avec le roman, j’ai trouvé une liberté nouvelle, qui est à la fois grisante et terrifiante.


Pourquoi avoir choisi le « thriller » pour commencer ?
Je dirais que c’est le thriller qui m’a choisi ! C’est le genre avec lequel j’entretiens le plus d’affinités, aussi bien en littérature qu’au cinéma. Sans doute parce que c’est un genre qui, sous couvert de divertissement, permet d’aborder des questions sociales, politiques ou même existentielles.


Il faut pas mal d'imagination pour inventer une histoire, où puisez-vous vos idées ?
Tout me nourrit, tout le temps : les films, les livres, les gens. Les idées s’imposent à vous avec plus ou moins de force, parfois au moment où vous vous y attendez le moins : dans l’avion, dans la salle d’attente du médecin, ou même dans vos rêves. En gros, chaque fois que votre attention se relâche et que vous laissez votre esprit vagabonder. C’est là que me viennent les meilleures idées, là que les choses se mettent en place presque toutes seules.


Olivier Bonnard - Vilaine fillePourriez-vous nous présenter votre roman « Vilaine fille » ?
A travers l’histoire d’une starlette assassinée et peut-être même punie – la « vilaine fille » du titre –, j’ai voulu parler du prix à payer pour la célébrité. Explorer ce que j’appelle « l’enfer du décor ». Le roman suit l’enquête de Seth Banner, archétype du détective privé de roman noir, hanté par un lourd passé qu’il a cru laisser derrière lui en venant s’établir à Los Angeles. En parallèle, on s’intéresse également à Martin Kaufman, jeune journaliste de cinéma confronté à d’étranges phénomènes, qui emmène le récit à la lisière du fantastique. Chacun de leur côté, les deux hommes rassemblent les pièces d’un puzzle vertigineux. Ils finiront bien sûr par se rencontrer, et par mettre leurs forces en commun.


Sans en dire trop sur l'intrigue, d'où vous est venue l'idée de départ ?
Voilà treize ans que je fréquente, comme journaliste, les coulisses d’Hollywood. J’ai rencontré la plupart des acteurs et réalisateurs américains, et ce sont des êtres fascinants. Des artistes, sensibles, créatifs, fragiles, narcissiques, ambitieux. Et ils évoluent dans un milieu d’une grande violence psychologique. L’« usine à rêves » reste une usine, et les acteurs sont des produits: on les repère, on les toilette, on les lance et, quand ils ne vendent plus, on les jette - les actrices, notamment. La scène où Martin interviewe une comédienne qui, subitement, se bloque et répète sans arrêt la même phrase, comme un disque rayé, m’a été inspirée par un épisode de ma vie de journaliste. J’interviewais une actrice très connue, et j’avais l’impression désagréable de me trouver face à un robot : la jeune femme que j’avais rencontrée quelques années auparavant au Festival de Cannes avait laissé place à une créature lisse, formatée, parfaite. Je me suis contenté, dans le roman, de grossir le trait. D’imaginer ce qui se passerait si le « robot » était victime d’un bug.


On remarque dans "Vilaine fille" une connaissance certaine du monde du grand écran, des acteurs et de ce qui se passe en coulisses. Vous utilisez vos connaissances avec justesse. A aucun moment vous ne noyez le lecteur dans des détails, vous n'en faites jamais trop. Est-ce un choix volontaire ? Une question de rythme ? N'est-ce pas trop frustrant pour une personne avec une telle connaissance de se retenir alors que d’autres auraient largement ouvert certains placards ?
Il faut trouver le bon dosage. Pour que cette histoire soit crédible, il fallait qu’elle soit ancrée dans une réalité solidement documentée. Pour ce qui concerne le personnage de Martin, ce n’était pas difficile : je suis moi-même journaliste de cinéma. Mais pour Banner, le détective, j’ai beaucoup discuté avec un ancien flic du Los Angeles County Sheriff’s Department, qui m’a servi de consultant, en quelque sorte. Cela dit, pour reprendre votre image, tous les placards n’ont pas vocation à être ouverts : il ne faut pas chercher à tout expliquer, et faire confiance à l’intelligence et à l’imagination du lecteur.

 

De par votre métier, vous avez sans doute connaissance de pas mal de petits secrets du star système hollywoodien. N'avez-vous pas été tenté, à l'instar de certains de vos confrères, d'écrire un roman de  "révélations" ?   En tant que journaliste, quel regard portez-vous sur ce genre de livres ?
Non, ça ne m’intéressait pas de « déballer » sur les coulisses d’Hollywood – les tabloïds s’en chargent très bien tout seuls. Ce qui m’intéressait, c’était, au contraire, de m’inscrire dans la fiction. Dans un genre divertissant comme le thriller: c’est une façon beaucoup plus subversive, il me semble, de faire passer ses idées...

S'il devait y avoir une adaptation ciné de votre roman, quels acteurs imagineriez-vous dans les rôles principaux, quel rôle aimeriez-vous tenir et pourquoi celui-là ?
Russell Crowe ferait un formidable Seth Banner, non ? Le casting de Martin est plus délicat… Peut-être que vos lecteurs auront des suggestions ? Moi, le rôle de scénariste m’irait très bien ! Pour « Vilaine fille », j’avais des images très précises en tête, et, d’une certaine manière, mon travail d’écriture a consisté à les restituer le plus fidèlement possible sur la page. Le livre possède donc une essence très cinématographique.


D’après vous, y a-t-il quelque chose de pourri à Hollywood ?
Sous le glamour des tapis rouges, il y a certainement beaucoup de peur, de souffrance, d’espoirs déçus. Mais il ne faut pas prendre « Vilaine fille » au pied de la lettre : ce n’est pas un documentaire sur Hollywood, mais une allégorie. Une variation sur le thème du pacte avec le diable. Une sorte de conte où les actrices pas sages sont vouées à rencontrer l’ogre…

 

Dans votre roman vous vous servez de messages subliminaux, pensez-vous qu’il puisse y en avoir dans les films ?
C’est certain. David Fincher, par exemple, s’est amusé à en glisser quelques unes dans le générique de début de « Seven »…


Que voudriez-vous dire aux lecteurs qui n'ont pas encore lu votre roman ? Et à ceux qui l'ont déjà lu ?
Aux premiers : qu’attendez-vous ?? Et aux seconds : merci !!


Quelles sont vos références littéraires et cinématographiques, vos coups de cœur récents ?
Mon film fétiche est « Vertigo », d’Alfred Hitchcock : j’ai beau le connaître par cœur, il suscite toujours chez moi la même émotion dévastatrice. Plus récemment, j’ai adoré « Drive », de Nicolas Winding Refn, et « Melancholia », de Lars Von Trier. Côté littérature, j’aime beaucoup les Américains, de Mark Twain à Bret Easton Ellis, en passant par Steinbeck, Ellroy ou Stephen King. Mon dernier coup de cœur, c’est « la Vie sexuelle des super-héros », de Marco Mancassola. Un livre d’une infinie mélancolie sur le monde après le 11 septembre.


Des projets à venir ?

Beaucoup. Je suis en train de tirer un scénario en anglais de « Vilaine fille », tout en travaillant à un nouveau roman – un thriller, comme il se doit. Et puis, je compte faire revenir Banner dans une sorte de « prequel », une histoire située avant « Vilaine fille »…


Dernière petite chose comme ça en passant, auriez-vous quelques petits trucs histoire de se faire inviter à la prochaine cérémonie des Oscars, ou alors éventuellement des infos sur … Simon Baker (le mentaliste !!!!!! ) ?
Pour les Oscars, laissez-moi en parler à Billy Crystal… Quant à Simon Baker, je l’avais rencontré il y a quelques années sur le tournage de « Land of the Dead », le film de zombies de Romero. C’était un tournage de nuit, en plein hiver, à Toronto, et on était entourés de figurants grimés en morts-vivants… Bizarre.

 

Merci, Olivier Bonnard, pour le temps que vous nous avez accordé, nous vous laissons le mot de la fin.
Merci à vous, on se voit aux Oscars – apparemment, Jason Fox aurait de bonnes chances d’être nominé…

 Du même auteur : Biographie, chronique, interview

Go to top