Sok Bopah... Isabel... Deux noms différents pour une même personne. La première est une rescapée des camps des Khmers rouges au
Cambodge. "Là-bas" comme elle dit. Elle a réussi à fuir en se faisant humilier une dernière fois. Arrivée sur la terre des libertés, aux Etats-Unis, elle se fait appeler Isabel. Les deux identités, les deux entités se rejoignent. Elle vit, et elle a cessé de survivre. Elle rencontre Isaac. Le premier, et seul, homme avec qui elle veut faire l'amour. Ils ont deux enfants. L'aîné est issu des tortionnaires cambodgiens, la plus jeune est le fruit des rêves américains. A cette petite famille, rajoutons Simon. Lui, son cauchemar était allemand. Il a connu les camps nazis. Et il y a perdu sa mère qui en est devenu son seul repère dans la vie. Il a arrêté de vivre en Allemagne. Ici, il rêve une vie qui aurait pu être la sienne. Peut être... Il y a gagné le droit de dire "Quand"...
Leur vie, à ces deux rescapés, a été longue et dure. Mais le calme est revenu. Et avec lui peut être le bonheur. Peut être... Quelqu'un, quelque chose en a décidé autrement. La petite dernière que tout le monde adorait et à qui ses père et grand-père passaient tout vient de se faire assassiner. Elle est la première d'une série. Ils souffrent et se rappellent le goût acre de la mort et de la peur. Le passé revit à travers les souvenirs, mais pas seulement.
200 pages de pure détresse. Andrea H. Japp nous peint une histoire où l'espoir n'a pas sa place. Lorsque deux écorchés de la vie se rencontrent, le silence est de mise. Parce que parfois les mots sont inutiles voire insultants, seuls les actes ont alors une quelconque valeur. L'auteur nous livre ici une leçon de vie impitoyable mais magistrale. Son style sec et agréable nous plonge dans cette détresse qui a ses racines dans le passé de l'Humanité et ses branches dans le futur de cette famille.
Elle nous montre ici tout son talent. Il s'agit pour ma part de son meilleur roman pour le moment de ceux que j'ai lu. Juste au dessus de La femelle de l'espèce. Pas un mot de trop. Les sentiments et les personnages sont ici mis en lumière à leur juste valeur. C'est vraiment un chef d'œuvre.