Jean-Marc Pitte

Jean-Marc Pitte




Juin 2014

 



Jean-Marc Pitte


 

Bonjour Jean-Marc Pitte, commençons par le rituel de la première interview sur Plume Libre. Pouvez-vous vous présenter ?
Je viens d’avoir 50 ans. J’ai deux enfants. Je suis normand et je travaille à la rédaction nationale de France 3.


Vous êtes journaliste et avez co-écrit des essais. Qu’est ce qui vous a donné envie de vous lancer dans l’écriture de romans ?

J’ai coécrit quatre essais : 11 septembre, La Grande Guerre des Américains, L’ascenseur social est en panne, j’ai pris l’escalier, Casier Politique et L’ascenseur social est toujours en panne, il y a du monde dans l’escalier. Je m’étais toujours interdit d’écrire une ligne de fiction parce que j’estime, en tant que lecteur de romans, qu’il y a une grande différence de qualité entre ceux qu’écrivent leurs auteurs pour se faire plaisir et ceux qui sont écrits sous le sceau d’une absolue nécessité. Et puis un jour, un fait divers m’a perturbé par le contraste qui existait entre les crimes commis et la « normalité » de leur auteur, du milieu dans lequel tout cela s’était passé. J’ai enquêté, j’ai voulu recueillir le témoignage du jeune parricide afin de concevoir un essai. Mais l’administration pénitentiaire a tout fait pour le décourager de témoigner. J’ai perdu le contact. Mais l’histoire ne me lâchait pas. J’ai décidé d’en faire un roman, d’écrire à la première personne comme si j’étais dans sa tête. Ca a donné Gueule d’ange. J’avais ressenti l’impérieux besoin de me lancer.


Votre roman Usurpation vient de sortir aux Editions du Préau. Pourriez-vous ne le présenter ?

C’est l’histoire d’une Usurpation d’identité. Une femme se glisse dans la peau d’une autre, décédée à ses côtés, parce qu’elle veut enrayer la macabre suite de décès qui ont jalonné sa vie.


Pour votre premier roman, Gueule d’ange, vous êtes parti d’un faits divers. Pour Usurpation, quel en a été le point de départ ?

J’utilise quotidiennement les réseaux sociaux et je me suis demandé un jour ce qu’il advenait de nos profils après notre mort. Parmi mes amis sur Facebook, certains sont décédés et leurs comptes n’ont pas été fermés, leurs proches avaient certainement d’autres chats à fouetter. Je me suis dit que ces doubles numériques de nous-mêmes continuaient ainsi de flotter tels des ectoplasmes modernes et ça m’a inspiré le début du roman, l’idée qui germe dans la tête de Camille.


Usurpation - Jean-Marc PittePourquoi avoir choisi de situer de nombreuses scènes d’Usurpation en Haïti ?

J’y ai vécu durant 14 mois en 1987 et depuis j’y suis retourné à de très nombreuses reprises. Haïti est un pays magique. Il est doté d’une histoire à nulle autre pareille. En 1804, une armée d’esclaves révoltés alliés à des mulâtres affranchis sont parvenus à vaincre un détachement de l’armée napoléonienne et à arracher son indépendance. Haïti est la première république noire à y être parvenue. Depuis, le besoin de reconnaissance internationale l’a poussée à payer une dette (le remboursement des colons « spoliés » et du Royaume de France) qui n’a été soldée…que sous François Mitterrand. Les soubresauts politiques n’ont jamais cessé. Mais la culture de ce pays est d’une richesse stupéfiante : elle est dotée d’écrivains, de musiciens et de peintres magnifiques. Et tout son peuple voue un culte rare à l’éducation. J’adore Haïti. C’est un peu mon deuxième pays.


Sans vouloir trop en dire, votre roman aborde des thèmes très forts, tels que les ONG, les familles d’accueils ou encore le monde de l’entreprise. Comment avez-vous sélectionné ces différents sujets ?

Je voulais montrer d’autres formes d’usurpation, d’autres faux-semblants, des formes hypocrites de violence. Ces thèmes m’y ont aidé. Je désirais également évoquer des univers que l’on ne trouve pas dans chaque roman, au coin de chaque page…Je crois que ceux que vous venez de citer sont assez rares dans la littérature française.


Votre personnage principal, Camille, a une histoire très forte. Comment est né ce personnage ?

Son choix de départ, se glisser dans l’identité d’une femme morte pendant la nuit à ses côtés au lieu de prendre ses jambes à son cou ou de prévenir la police est une option étrange que ne saisirait pas la majorité des individus. Il fallait donc la doter d’un passé lourd, pesant, dont elle pouvait avoir envie de se débarrasser. Il fallait que son rapport à la mort soit celui d’une combattante qui veut vaincre la faucheuse grâce à la feinte et à la ruse.


Comment s’est passée la rencontre avec les Editions du Préau, votre nouvel éditeur ? Et de manière plus générale, quel a été votre parcours pour vous faire éditer ?

J’ai rencontré Paskal Carlier au cours de Salon du livre quand je dédicaçais Gueule d’ange. Il a une approche joyeuse et passionnée de l’édition. Usurpation a une structure narrative assez particulière qui a déstabilisé quelques éditeurs auxquels je l’ai fait lire. Certains me demandaient de changer telle partie. Je relisais. Je tentais le faire mais je n’y parvenais pas parce que cela atteignait la cohérence du roman. Paskal l’a aimé d’un bloc c’est pourquoi nous avons pu nous lancer ensemble dans cette aventure.


En commençant l’écriture de votre livre, aviez-vous déjà en tête les principaux rebondissements, y compris la fin, ou vous laissez-vous guider au gré de votre inspiration ?

La trame était là, bien sûr, mais j’ai souvent placé mes personnages dans certaines situations et c’est leur caractère, leur identité qui les poussaient à agir de telles ou telles façons face à certains événements. Comme dans la vraie vie.


Etes-vous, vous-même, un lecteur ? Quels sont vos derniers coups de cœur et/ou vos livres de chevet ?

Je lis des romans depuis toujours mais surtout depuis mes 15-16 ans. Récemment, j’ai été bouleversé par Claustria de Régis Jauffret et par Pour en finir avec Eddie Belle Gueule d’Edouard Louis. J’ai souvent relu Une vie de Maupassant, Madame Bovary de Flaubert et j’adore les livres d’Annie Ernaux.


Quels sont vos projets ?

J’ai prêté mon oreille et ma plume à un policier afin de narrer ses aventures.


Merci beaucoup Jean-Marc Pitte, nous vous laissons le mot de la fin.

Je voudrais dire aux lecteurs qui nous lisent d’encourager leurs libraires à se procurer aussi certains livres publiés par de petits éditeurs. Vous avez la gentillesse d’apprécier Usurpation mais certains libraires ne le mettent pas forcément en avant. Il est normal de défendre l’existence des libraires indépendants face aux grosses machines du Net. Mais en retour, les libraires doivent donner une place aux éditeurs indépendants. Quant aux lecteurs, qu’ils n’hésitent pas à se rendre sur des sites indépendants comme leslibraires.fr.
Merci à vous.

 

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