Philip Le Roy






Juillet 2007

 





Il y a un an nous faisions connaissance avec Philip Le Roy (voir interview du 09/2006). Aujourd'hui, il revient sur Plume Libre pour nous parler du retour de Nathan Love

Comment allez vous depuis la dernière fois ?
« La Dernière fois », tiens, c'est un bon titre pour le troisième volet des aventures de Nathan Love !

 

Nathan Love est revenu sur le devant de la scène il y a 6 mois. Comment cela s'est-il passé ? Il s'est remis de ses aventures ? Quittera-t-il de nouveau son île si « le monde » a besoin de lui ?
Nathan Love évolue comme nous tous (à part peut-être les animateurs télé). Ce sont deux personnes complètement différentes que l'on voit à la fin du « Dernier Testament » et de « La Dernière Arme ». Reviendra-t-il dans un troisième volet ? Si le monde a besoin de lui, il ne bougera pas le petit doigt. En revanche, si une femme s'y prend bien... L'avantage avec un tel personnage, c'est qu'il n'est pas prévisible. Il peut très bien disparaître à jamais comme s'impliquer dans une nouvelle mission. Même moi qui le connais bien, je ne sais pas encore ce qu'il va devenir.

 

Nathan Love devient de plus en plus « bagarreur, cela n'entre pas en contradiction avec sa philosophie de vie ?
Nathan Love n'a aucune philosophie, c'est cela qu'il faut bien comprendre. Il n'a aucun ego, aucune personnalité. Paradoxal pour un héros de roman, certes. Seul, il est détaché. Sous influence, il est impliqué. Et quand il s'implique, il est redoutablement efficace. Il s'adapte à la situation comme l'eau épouse n'importe quel récipient. En fonction de la situation, il endossera la peau d'un tortionnaire ou celle d'une innocente victime. Le zen qu'il pratique fait abstraction de tout jugement de valeur. Ni bien, ni mal. Nathan peut être responsable de la mort d'un innocent et laisser filer une ordure. Car derrière un innocent, il y a souvent un coupable et derrière une ordure une âme charitable.

 

Le Dernier Testament était plutôt « ésotérique », La Dernière Arme aborde le thème de la géopolitique. Pourquoi ce changement ?
On y parle toujours de pouvoir, qu'il soit religieux ou économique. Un pouvoir qui ne siège pas forcément là où on nous le fait croire. Un pouvoir qui influence notre quotidien, nos décisions, notre mode de pensée. Un pouvoir qui régit tout. L'épigraphe de « La Dernière Arme » est « Au nom du pouvoir, du fric et du sexe, ainsi soit-il ». Ce sont les trois moteurs qui faisaient marcher la société occidentale hier, et le monde aujourd'hui. Ce sont aussi les trois moteurs qui font avancer la plupart de mes personnages.

 

Même si vos personnages sont fictifs, nous pouvons reconnaître certains grands de ce monde dans La Dernière Arme. Vous servez vous de vos romans pour dénoncer, ou au contraire, la société est-elle une source d'inspiration pour « créer une histoire » ?
Le monde est une source d'inspiration. Je m'en sers pour donner de la crédibilité au récit. Pour les seconds rôles de « La Dernière arme », j'ai pris des personnages réels dont je n'ai changé que le nom. Je m'appuie également sur mon vécu, mes voyages, mes rencontres, mes recherches. Pas pour dénoncer, mais pour raconter une histoire, donner des émotions au lecteur. Et pour lui en donner, cela nécessite de lui montrer avec crédibilité et sincérité ce qu'il y a de plus beau et de plus laid sur cette planète. Sans jugement. Dénoncer implique de la conviction et de l'engagement. Ce n'est pas mon cas. Car la conviction et l'engagement nous font manquer de recul, de distance, nous font perdre le sens artistique. Ils nous s'éloignent de la vérité.

 

Comment vous est venue cette idée de manipulation à l'échelle mondiale ? Les grands de ce monde n'ont-ils qu'une seule faiblesse, celle dont vous parlez dans La Dernière Arme ? Le sexe, l'amour, sont-ils le « vrai » pouvoir ?
En étudiant les mécanismes de la mondialisation, je me suis aperçu que c'était une formidable machine. Une machine qui pouvait faire le mal mais aussi le bien. Une machine ne pense pas, c'est celui qui la fait fonctionner qui pense. L'idée était donc, non pas d'agir sur la machine, mais sur celui qui actionne les manettes. Des trois moteurs dont je parlais tout à l'heure, l'amour (et le sexe forcément lié, désolé les puritains) est celui que ne peuvent pas contrôler les maîtres du monde. D'où l'idée de manœuvrer ce levier. Mais vous m'en faites dire trop...

 

Le DERNIER Testament, La DERNIERE Arme, ces titres ont une connotation assez « définitive » ? L'avenir du monde est il si sombre ?
Faire planer une menace, donner au lecteur le sentiment que les choses vont très mal se passer, le placer dans l'incertitude, c'est ça le truc du thriller. L'avenir du monde n'est pas forcément sombre. Il peut le devenir comme il peut s'avérer radieux. Suspense... Quant à la notion de « dernier », ce n'est pas forcément voir l'avenir en noir. Lisez par exemple « Dernier Rappel » de Josiane Balasko, c'est à mourir de rire.

 

Chaque chapitre porte un « en-tête », une phrase comme « le vent n'efface pas le paysage » ou « Le paysage qui défile est immobile » : pourquoi ?
Ce sont des koans de mon invention. Ils soulignent l'illusion, la permanence de l'ordre cosmique. Ils sont en rapport avec l'histoire. Le zen cherche à faire prendre conscience de la face cachée des choses et à ne pas se contenter de ce qu'on nous sert. Il nous apprend à réfléchir par nous-même, à aiguiser notre conscience, à s'ouvrir à une autre dimension. Le koan est un procédé employé par l'école Rinzaï pour former les disciples à une meilleur compréhension. Un koan peut apparaître absurde au premier abord, mais sa signification profonde nous pénètre peu à peu. Un moine peut méditer des années sur un seul koan. Il y en a un que j'aime bien et que je vous laisse méditer : « Une seule main, pas de son ».

 

Nathan est souvent entouré de femmes, et pourtant il termine encore seul sur son île... Nathan Love, éternel célibataire ?
Etes-vous surs qu'il est seul à la fin de « La Dernière Arme » ?

 

Ou en êtes-vous de l'adaptation cinématographique du Dernier Testament ?
J'hésite encore entre John Woo et Christopher Nolan pour la réalisation. Non, je plaisante. Le roman est en cours de lecture chez les producteurs. Cela va lentement car ceux qui ont les dollars pour filmer Nathan Love aux quatre coins du monde ne lisent pas couramment le français.

 

Après Leviatown qui sortira fin septembre 2007 dans la collection Van Helsing, quels sont vos projets pour l'année à venir ?
Il y en a trois. Un huis clos machiavélique et sulfureux qui se déroule en France et qui est terminé. Un recueil de nouvelles hyper violentes qui est à moitié écrit. Et un thriller qui se déroule en Thaïlande et qui n'est pas encore rédigé. Vous voyez, Nathan Love a le temps de se remettre de « La dernière arme ».

 

Avez-vous des coups de cœur à nous faire partager : cinéma, littérature, musique ?
Le coup de cœur du moment, ce n'est pas un film, ni une musique, ni un livre. C'est un pays. La Thaïlande. Je viens à nouveau d'y passer un mois pour faire les repérages de mon prochain thriller. Je suis amoureux de ce pays. Pourtant il va falloir que je transforme ce paradis en enfer pour les besoins de mon roman. D'ailleurs, si vous aimez les frissons, je vous conseille de voir « The shutter » un film thaïlandais de 2004 à vous glacer le sang. Il est trouvable en DVD. Sinon vous pouvez passez le voir à la maison...

 

Vous avez le mot de la fin ...
This is the end, beautiful friend. This is the end, my only friend, the end.

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