Editions Kero - Deborah Druba

Taurnada Editions



  Mars 2015

 

 

 

Editions Kero - Deborah Druba

 

 

Bonjour Deborah Druba, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous et sur votre parcours ?
    Bonjour, tout d’abord ravie de retrouver les lecteurs passionnés de Plume Libre que je connais depuis de longues années (je me souviens encore avec émotion de la rencontre avec Jean-Marc Souvira organisée à Quais du Polar il y a 7 ans) !

D’origine allemande, je travaille depuis plus de 20 ans dans l’édition en France, d’abord comme éditrice junior aux Presses de la Cité, ensuite quelques années comme agent littéraire à l’Agence Hoffman, puis comme éditrice des avant-premières (les livres qui paraissent d’abord au club, avant leur sortie en librairie) chez France Loisirs, et finalement pendant 8 ans au Fleuve puis désormais chez Kero. Tous mes postes ont été tournés vers la littérature, souvent – mais pas toujours – étrangère, souvent – mais pas toujours – plutôt grand public, et en général avec une bonne part de polars et thrillers, genre que j’aime beaucoup.

 

Vous étiez directrice éditoriale au Fleuve pendant de nombreuses années, qu’est-ce qui vous a poussée à rejoindre les éditions Kero ?
    Une rencontre, celle avec Philippe Robinet, le fondateur et PDG de Kero – ainsi qu’avec son équipe, petite mais très dynamique et sympa – puisque j’apprécie sa vision de l’édition et sa façon de travailler avec les auteurs. Et aussi une envie de me rapprocher de nouveau des textes, de participer à toute la trajectoire d’un livre, de sa découverte à sa sortie en librairie, en passant par le travail sur le texte, la mise en marché et l’accompagnement une fois le livre sorti. Mes années au Fleuve ont été une expérience formidable, vraiment passionnante et formatrice, mais au bout d’un moment j’avais envie de revenir aux « bases » du métier, et ce type de travail est beaucoup plus facilement envisageable dans une petite structure avec un nombre restreint de parutions.

 

Quelle est la ligne éditoriale des éditions Kero ?
    Nous fonctionnons beaucoup au coup de cœur (même si, comme partout, chaque livre doit avoir un réel potentiel commercial bien sûr) et nos parutions sont extrêmement variées, allant du premier roman français plutôt intimiste aux bons mots de Laurent Baffie, du thriller psychologique américain haletant et tordu (Parfaite de Caroline Kepnes, à paraître en avril) au roman chaleureux, tendre et qui fait du bien (les romans de Laurent Gounelle ou La drôle de vie de Zelda Zonk de Laurence Peyrin, à paraître en mai), du doc de choc sur les méthodes du régime de Poutine (Notice Rouge de Bill Browder, qui vient de paraître) à l’épopée foisonnante, loufoque et plutôt littéraire cubaine (La Cachette du diable de Carlos Acosta, à paraître en juin). Le dénominateur commun de tous ces textes très différents ? Un auteur qui a quelque chose à dire, et qui le dit bien.


Quel est le parcours d’un manuscrit chez vous ?
     Vaste question… là aussi c’est très variable, en tout cas en ce qui concerne leur arrivée chez nous. Cela peut être une rencontre, en général entre Philippe et un auteur qui a une histoire à raconter et qui saura la porter. Personnage public ou victime d’injustice sociale, ce qui prime est le caractère unique du sujet ou du vécu. Ça peut être une idée, et nous cherchons ensuite l’auteur adéquat pour la développer. Nous avons signé des auteurs qui nous ont adressé leurs manuscrits par la poste, ou qui sont venus par une connaissance ou un agent littéraire. Pour la littérature étrangère dont je m’occupe plus particulièrement, c’est plus classique : notre scout, un agent étranger ou français, ou un éditeur étranger me parle du manuscrit, je demande à le voir, je fais lire et lis moi-même et si ça me plaît et que ça colle avec ce que nous faisons, je fais une offre.
Ensuite c’est le cheminement classique comme dans n’importe quelle maison d’édition : travail sur le texte avec l’auteur ou le traducteur, correction, compo, impression, et en parallèle la préparation de la mise en marché (argumentaire de vente, couverture, matériel promotionnel, tout ce qui entoure le lancement…). Toute l’équipe est impliquée très tôt, dès l’achat, et on réfléchit ensemble sur la meilleure façon de promouvoir le livre.


Comment travaillez-vous avec vos auteurs ?
    Comme il n’y en a pas énormément, ça reste dans un esprit « famille ». On les voit beaucoup, ils passent, ils sont associés de près à tout ce qui concerne leur livre. Notre mot d’ordre est « L’auteur au centre » et on veille donc à ce qu’ils se sentent chez eux. Ils ont accès en temps réel à leurs chiffres de ventes par exemple, et on ne les lie pas par contrat ad vitam eternam, mais pour la durée de la véritable exploitation du livre, avec des contrats limités dans le temps, renouvelables tant que cela fait sens.

Pour les auteurs étrangers, les liens sont bien sûr moins étroits, mais je les contacte systématiquement, leur montre leurs couvertures, les tiens au courant de ce qui se passe autour de leur livre.


 

Les éditions Kero ont décidé de publier 25 titres (au maximum) par an, pourquoi ce choix ?
    Parce que cela nous semble un nombre raisonnable par rapport à la taille de notre maison et de l’équipe, pour bien traiter chaque auteur et chaque livre, mais aussi par rapport à un marché saturé où une nouveauté chasse l’autre. Inutile de rajouter des parutions juste pour les faire paraître, il vaut mieux bien s’occuper de chaque lancement.


Comment sélectionnez-vous les textes étrangers qui feront partie de votre catalogue ?
    Comme dit plus haut, cela passe par les agents français ou étrangers, par les informations que nous envoie notre scout à New York, mais aussi par le réseau développé à l’étranger. Je participe aux grandes foires à Francfort et à Londres et me déplace plusieurs fois par an à Londres et à New York. Lisant aussi l’allemand, je garde bien sûr un œil sur ce marché, mais je travaille aussi avec des lecteurs qui maîtrisent le suédois, le néerlandais, l’italien, le finnois, l’espagnol, le grec…
Je fais un premier tri dans ce que je reçois puis j’envoie à un lecteur extérieur le manuscrit qui semble pouvoir convenir, tout en essayant de jeter moi-même un œil le plus rapidement possible si je maîtrise la langue ou s’il existe un bout de traduction en anglais. Je suis particulièrement attentive à la force de l’histoire – l’auteur étranger ne sera pas nécessairement là pour porter son livre qui doit donc parler pour lui-même –, à son originalité, son rythme, son style…

Le 19 mars sortira Germania d’Harald Gilbers, pouvez-vous nous raconter la découverte de ce roman ?
    Le livre a été acheté avant que j’arrive chez Kero. Philippe en avait entendu parler lors d’un rendez-vous avec l’éditeur allemand. C’est une histoire forte, impeccablement documentée, à un moment éminemment romanesque puisqu’elle se passe à Berlin pendant les derniers mois de la seconde guerre mondiale. Vraiment une belle découverte ! L’auteur a été compensé d’un prix littéraire prestigieux et a eu un bel accueil dans la presse et auprès du public en Allemagne, le rapport de lecture avait été très bon, donc Philippe se doutait qu’il tenait là un excellent livre. N’empêche qu’il était content que, en tant qu’Allemande, je valide le choix à mon arrivée ;-)

Quels sont les prochains titres que vous allez sortir ?
    J’ai déjà mentionné certains, dont Parfaite me tient particulièrement à cœur. D’une part parce que c’est un livre vraiment très original et creepy, entièrement écrit à la deuxième personne du singulier, dans la voix d’un libraire légèrement psychopathe qui s’adresse à sa proie, une jeune femme rencontrée dans sa librairie, et dont il devient totalement obsédé, au point de la suivre partout, physiquement dans les rues de New York et virtuellement en se procurant accès à ses mails, ses contacts… Le pire c’est qu’on se prend plutôt de sympathie pour Joe qui se croit sincèrement amoureux et qui a toujours de bonnes raisons de faire ce qu’il fait.
Et d’autre part parce que j’avais fait une offre pour ce livre quand j’étais encore au Fleuve, mais c’est Kero qui a emporté les enchères. Donc je le retrouve avec grand plaisir !

Sinon, un polar très bien qui vient de sortir : Extramuros, de Philippe Nicholson. Entre extrapolation et thriller, le livre met en scène un monde pas très loin du nôtre, où les ressources comme l’eau ou l’électricité sont devenues rares et seuls ceux qui ont un travail y ont accès, puisque les grandes entreprises ont créé des villes entières où sont logés leurs employés qui y mènent une vie confortable. Ceux en revanche qui n’ont pas de travail vivent dans des bidonvilles. Max, le narrateur, évolue entre les deux mondes puisque sa mère vit en « zone d’affaire » tandis que son père n’a pas d’emploi. Or, au moment où un conglomérat ultra-puissant s’apprête à racheter une partie de l’Espagne pour y créer le premier état-entreprise, l’opposition s’organise pour contrecarrer le projet.
Notice rouge, ce doc écrit par un Américain parti faire fortune en Russie et qui se bat pour réhabiliter son jeune avocat, torturé et tué en prison pour avoir osé tenir tête au régime de Poutine. Un vrai thriller qui fait froid dans le dos !
La Cachette du diable, véritable tour de force pour un premier roman, écrit par le danseur étoile cubain Carlos Acosta, qui retrace la destinée de deux familles, descendants d’esclaves noirs, au cours de 150 années d’histoire mouvementée de Cuba.

Merci beaucoup Deborah, nous vous laissons le mot de la fin.
    Merci à vous de partager avec autant d’enthousiasme ce plaisir inouï que sont les livres ! J’espère voir certains d'entre vous au Salon du Livre ou à Quais du Polar, et vous souhaite à tous de belles découvertes littéraires.

 

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