Barbara Abel

Barbara Abel





Mai 2015

 

 

 

Barbara Abel © Fabienne Cresens

 

 


Bonjour Barbara, votre dernier roman L’innocence des bourreaux vient de sortir chez Belfond, pouvez-vous nous le présenter ?

    C'est une histoire dont le point de départ est assez simple, de celles que l’on lit régulièrement dans les journaux, à la rubrique faits divers : un junkie décide de braquer une supérette pour pouvoir se payer sa dose d’héroïne. A l’intérieur de la supérette, quelques clients font leurs courses. Parmi eux, une mère qui vient de se disputer avec son fils de 15 ans, l’âge difficile de l’adolescence, un couple adultère, une vieille dame accompagnée de son aide familiale, une jeune maman qui profite que son petit garçon de trois ans soit devant un dessin animé pour faire une course de dernière minute, sans oublier le caissier qui attend d’importantes nouvelles de sa compagne. Ce braquage qui devait normalement durer quelques minutes va tourner au drame et révéler à chacun de ces personnages un aspect de leur personnalité qui leur échappe. 


Barbara Abel - L'innocence des bourreaux (éditions Belfond)Comment est née cette intrigue ?
    D’abord l’envie résolue de passer à quelque chose de totalement différent du diptyque Derrière la haine - Après la fin. J’avais envie d’une histoire avec plusieurs personnages, me frotter à cette difficulté-là, réussir le challenge d’embarquer le lecteur dans un roman choral sans qu’il perde le fil, sans qu’il se dise à un moment « tiens, c’est qui celui-là, je ne m’y retrouve plus… ». J’avais aussi envie de jouer avec la destinée de tous ces personnages et profiter du vivier de situations et autres climax que la confrontation dans un moment critique m’offrait. Pousser le plus loin possible toutes les tensions qui se dégagent de ce point de départ. Dès lors, réunir des gens qui ne se connaissent pas dans un endroit neutre a été le moteur qui m’a poussée à choisir cet endroit (une supérette) et cette situation (un braquage). 


Vous nous proposez une galerie de personnages très divers qui ont tous leur importance. Comment se sont-ils imposés à vous et comment les avez-vous travaillés ?
    L’important était de trouver des personnages dont l’histoire pouvait donner naissance à différentes tensions. J’ai avant tout cherché des émotions intéressantes à mettre en scène : le lien filial ou maternel (mon terrain de prédilection), le sentiment amoureux, la relation hiérarchique… Il fallait que, tout en restant universels, mes personnages aient chacun leur vécu personnel afin que celui-ci puisse nourrir le roman et engranger une pléiade de situations potentiellement anxiogènes. Après, le véritable travail a été de leur donner à tous une épaisseur psychologique afin que le lecteur puisse éprouver de l’empathie pour chacun d’eux. De l’amour, de la haine, de la pitié, de la peur… Tout était possible, le seul impératif que je me suis donné, c’était de bannir l’indifférence, même pour les personnages secondaires.


Quel personnage avez-vous pris le plus de plaisir à développer ?
    Germaine Dethy, la vieille dame. Elle ne devait faire qu’une courte apparition et mourir assez tôt dans l’histoire. Et puis son tempérament revêche, sa mauvaise foi crasse, sa méchanceté congénitale ont fait que je me suis tellement amusée à la mettre en scène que j’ai décidé de la garder.


Après avoir écrit une telle histoire, pensez-vous qu’il y a encore « des gens normaux, sans histoires » ?
    C’est quoi, des gens normaux ? On a tous une histoire ! Et chaque histoire sort de l’ordinaire. Combien de fois n’avons-nous pas côtoyé des gens qui semblaient « normaux » et, au bout de quelques semaines, quelques mois, quelques années, au détour d’une conversation, on apprend qu’ils ont eu un destin hors du commun, ou une période de leur vie complètement dingue. Et puis la normalité n’est qu’un concept abstrait. Ce qui est normal pour quelqu’un peut être exotique ou exceptionnel pour un autre.


Comment avez-vous travaillé pour ce roman ? Aviez-vous fait, par exemple, un plan détaillé avec les différentes interactions entre les personnages ?
    En fait, pas du tout : pas de plan, pas même une idée précise de la direction que j’allais prendre. C’est peut-être ce qui a véritablement porté la narration ainsi que l’avalanche de climax, coups de théâtre et autres retournements de situation. A la fin de chaque chapitre, je me posais une seule question : que peut-il se passer pour que le lecteur ait l’irrésistible envie de passer au chapitre suivant. Mais attention : il fallait que tout reste logique, et possible. Ma situation de départ était ancrée dans un contexte très réel, je devais conserver cette cohérence jusqu’au bout.


Ce roman porte très bien son titre, s’est-il imposé comme une évidence ?
    Bien sûr, les dix doigts dans le nez, avant même le café du petit déjeuner ! Non, je rigole. Ce titre a été très difficile à trouver. En général, quand un titre ne s’impose pas pendant la rédaction du roman, c’est la croix et la bannière pour en trouver un. Et ça a été le cas pour celui-ci (tout comme Derrière la haine, d’ailleurs). Avec Céline Thoulouze, mon éditrice, on a écumé toutes les possibilités, les associations de mots, d’idées, de sons… La galère. Et même L’innocence des bourreaux , on a mis un petit temps à jeter notre dévolu dessus. Disons que Céline a été convaincue plus rapidement que moi sur la pertinence de ce titre. Après, elle a trouvé les mots pour me convaincre, et j’en suis ravie car je trouve maintenant qu’il est parfait !


Quels sont vos projets ?
    Beaucoup de projets pour l’instant, à commencer par mon prochain roman pour les éditions Belfond. Et puis d’autre projets également mais qui ne sont pas encore signés, donc je préfère ne pas en parler.


Merci beaucoup Barbara, nous vous laissons le mot de la fin.
    Merci à vous, bien entendu, pour votre implication et votre enthousiasme.

 

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