Gipsy Paladini

 

 
 
 
Gipsy Paladini
 


Bonjour à l’équipe et merci de m’accueillir parmi vous.

Bonjour Gipsy Paladini, notre première question est devenue un rituel, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur qui est Gipsy Paladini ?

    Une âme aventurière qui a du mal à trouver sa place dans ce monde.


Qu'est-ce qui vous a poussé à l'écriture ? Et pourquoi dans le thriller ?
    Aussi loin que je puisse me souvenir, j’ai toujours écrit. J‘écrivais sur les nappes en papier des restaurants, sur du papier toilette, même sur mes mains et mes bras lorsque je n’avais pas de support, il fallait que ça sorte. Cela rendait dingue ma mère, elle passait son temps à ramasser des stylos sous mon lit et à essuyer mes hurlements quand elle avait eu le malheur de jeter un petit bout de papier que j’étais sûre d’avoir laissé quelque part dans le fourbi de mon bureau.

A l’école, durant les cours, je remplissais les marges de mes cahiers avec les pensées qui me traversaient l’esprit. Du coup, en français, j’étais calée en orthographe, mais pour le reste j’avais tout juste la moyenne car je n’enregistrais rien de ce que le professeur enseignait, je notais seulement ce que ses paroles m’inspiraient, ce qui n’avait pas forcément de rapport direct avec le cours. Mes professeurs de français ont sacrément souffert de mon imagination débordante avec les huit feuilles double que je leur rendais en guise de rédaction.

Puis adulte, ça a continué, même mariée. Il m’est arrivé d’écrire des pages entières dans le noir total pour ne pas réveiller mon mari la nuit. Imaginez le casse-tête le lendemain pour me relire. (rires)

Je pense néanmoins, pour en revenir à votre question et le fait d’être « poussé vers l’écriture », que c’est la lecture qui a inconsciemment éveillé l’envie d’écrire en moi. On doit absolument nourrir notre esprit de matière, même s’il s’agit de celle des autres, pour créer notre propre matière. Je me souviens, adolescente, enchaîner les pavés de Stephen King au détriment des classiques qu’on m’imposait (c’est plus tard que je me suis penchée sur ceux-ci et qu’ils m’ont marquée). Puis j’étais un vrai rat des bibliothèques, je fouinais dans les rayons, dégotais des livres que je n’aurais jamais pensé lire.

Plus on est hétéroclite dans nos découvertes et nos choix, plus notre imagination a de propension à s’ouvrir. C’est la liberté de lecture, la connaissance qui nous ouvre nos horizons. D’où ma révulsion à l’école à lire des livres imposés. Je crois que la lecture comme l’écriture doit être spontanée. Dès qu’elle est bridée, elle perd son essence même, et donc tout intérêt.

Votre nouveau roman J’entends le bruit des ailes qui tombent est sorti au mois de mai, pourriez-vous nous le présenter ?
    On retrouve dans ce livre les personnages de « Sang pour Sang » 4 ans plus tard. J’ai écrit « J’entends le bruit des ailes qui tombent » 10 ans après le premier. J’ai fait en sorte d’écouter les conseils des erreurs commises pour ne pas les renouveler. Cela m’a pris donc des mois, des années pour en venir à bout. Les deux enquêtes peuvent se lire tout à fait séparément. J’ai d’ailleurs une préférence pour la lecture de « J’entends le bruit des ailes qui tombent » en priorité afin que le lecteur ait une vision actuelle de mon écriture.

L’histoire de « J’entends le bruit des ailes qui tombent » se déroule à la fin des années 60 à New York dans l’atmosphère chaotique et sanglante qu’on connaît de cette époque. Al est un flic désabusé qui ne se remet pas de la perte de son collègue. On le trouve au début dans sa baignoire, les poignets tailladés. Jusqu’au moment où une personne surgit du passé pour le ramener sur les rails. Sauf que l’enquête sur laquelle on le met va lui ouvrir un monde encore plus noir que celui dans lequel il baignait.

Dans ce livre, je mêle fiction et réalité. J’emprunte des moments terrifiants de l’humanité pour l’intégrer à une histoire fictionnelle bouleversante.
En exploitant l’histoire dans les conflits américains des années 60, j’ai parfois l’impression que mon livre, mon histoire, s’il ou elle avait une couleur, serait en noir et blanc.

Al Seriani est un personnage particulièrement sombre, comment est-il né ?
    Mon mari était policier au Brésil et quand je l’ai rencontré, il m’a raconté son ressenti du métier, cette impression de faire partie d’un monde à part, d’avoir le pouvoir sur les choses, les gens, d’appartenir à un autre univers que le commun des mortels. Le monde des criminels, des prostitués, ce monde sale que les gens normaux ne connaissent pas. Quand les flics rentrent dans le métier, ils mettent un pied dans ce monde et ils doivent prendre garde à ne pas mettre le deuxième, d’avoir toujours un pied encré dans l’autre monde pour ne pas basculer. J’ai pris cette idée comme base pour Al. Ce dernier a tenté de vivre une vie de famille singulière, mais le monde criminel l’a en quelque sorte kidnappé. Il s’est laissé prendre dans ses griffes. Peu à peu il s’est éloigné de sa famille, ne souhaitant pas que le monde du crime qui lui dévorait l’âme, toutes les atrocités qu’il voyait, n’entachent la pureté de celle-ci. On peut imaginer que ce n’est pas évident de lire des histoires de lapins rose à son enfant le soir après avoir vu quelques heures plus tôt les corps sans vie de jeunes gamins roués de coups par leur père. (Dur métier que le métier de policier que j’admire énormément). Al s’est donc livré corps et âme à cet univers bouffeur d’âme, et il en veut aux gens qui l’y ont poussé. C’est pour cette raison qu’il est à la fois attiré et révulsé pas les prostitués, les femmes de son univers torturé, et qu’il souffre de ne plus faire partie du monde routinier des gens qui ne savent pas ce qu’il se passe de l’autre côté du miroir de l’humanité.

Pour le reste du personnage, il a pris forme lui-même. On a tort de croire en tant qu’auteur qu’on maîtrise nos personnages, souvent ce sont eux qui se concrétisent. Si on créé à la base un bon personnage, il parviendra à développer par lui-même son propre univers psychologique. Il faut leur faire confiance. Je m’étonne moi-même parfois des réflexions existentielles de Al qui prennent parfois 4 pages (rires).

J'entends le bruit des ailes qui tombent - Gipsy PaladiniJ’entends le bruit des ailes qui tombent comporte de nombreuses scènes particulièrement violentes et éprouvantes, pourquoi avoir fait ce choix ?
    Je ne conçois pas d’histoire sans violence, au moins psychologique. C’est aussi le style d’enquêtes d’Al Seriani. J’envie les auteurs qui écrivent des histoires d’amour, des histoires qui donnent de la baume au cœur, moi je n’y arrive pas. Pourtant ce serait plus facile à gérer. J’ai écrit « J’entends le bruit des ailes qui tombent » quand je venais d’être maman et je me souviens allaiter ma fille en la tenant de la main gauche tout en tapant l’histoire de la main droite sur mon ordi (rires). Je crois que ça explique bien le détachement qu’a un auteur de l’histoire par rapport à la réalité. De fait, parfois, lorsque les lecteurs me font part de leurs avis, de certaines scènes qui les ont choqués, je m’en retourne lire certains passages de mon livre et là seulement la violence me percute, alors qu’à l’écriture je n’y avais pas prêté attention.

En parlant de scènes violentes avec des descriptions détaillées, est-ce difficile pour un auteur de travailler ce genre de passages ?
    J’imagine qu’on a tous des descriptions de prédilection. Par exemple, je ne saurais pas écrire une scène de bagarres, avec coups de poings, de pied, uppercut. Ce genre de scène, j’en ferais deux lignes. Je favorise les armes en ce cas ou la violence psychologique.

En ce qui concerne la rédaction des scènes violentes, je dirais que non, ce n’est pas très difficile. J’ai lu beaucoup de John Connolly, Dennis Lehane et je regarde beaucoup de série TV US, notre génération est donc baignée dans la violence. J’ai au contraire beaucoup de mal à décrire des scènes où il n’y a pas de violence. J’ai remarqué cela avec les personnages également. Bon, dans le cas de « J’entends le bruit des ailes qui tombent » je n’ai pas eu ce problème, car tous les personnages sont perturbés (rires), mais dans celui que je suis en train d’écrire, le personnage principal est une fille très sympa, adorable, mignonne sans problème apparent. Bien sûr des événements vont changer tout cela. Mais dans l’attente de ces événements, j’ai un mal fou à parler d’elle. Elle me barbe à un point !!! (rires). Je crois que les personnages deviennent intéressants à mes yeux à partir du moment qu’ils dérapent.

 

En commençant l’écriture d’un roman, avez-vous déjà en tête les différents rebondissements, y compris la fin, ou vous laissez-vous porter par l’écriture au fur et à mesure ?
    J’admire les gens qui commencent un livre sans connaître le dénouement et/ou la fin. Je pense que j’ai une vision et une écriture très scénaristique, du coup il me faut la fin du roman pour pouvoir créer son squelette et parvenir au début. Je marche à l’envers en quelque sorte. Mais je pense que c’est caractéristique des thrillers/polars/roman noirs. Je n’ai pas en tête les rebondissements, mais on sait qu’il en faut, il faut donc avant d’entamer la rédaction de l’histoire avoir une structure solide. Dans un livre où les sentiments prédominent l’action, c’est moins important car c’est au fil des pages, de l’écriture que les mots viendront. Dans « J’entends le bruit des ailes qui tombent », il y a beaucoup d’actions (suspense), mais aussi beaucoup de réflexion psychologique, donc j’ai vraiment dû bosser les deux côtés. Ça a été un gros investissement psychologique et physique.


Votre histoire se déroule dans l’Amérique des années 60. Pourquoi avoir choisi cette époque et ce pays ?
    Par le hasard des choses. Pour la première enquête d’Al Seriani, je ne pensais pas écrire un polar, d’autant qu’à cette époque je ne lisais presque que de la littérature blanche. Je n’avais en tête que la fin de l’histoire. Cette histoire ne pouvait que se dérouler dans les années 60. Et je ne sais pas pourquoi mais une histoire se déroulant entre les années 40 et 60 m’inspiraient les Etats Unis. J’ai donc transposé l’histoire aux Etats-Unis, plus précisément à New York parce que je voulais instaurer un univers bien noir. Je suis en effet beaucoup plus polar urbain que provincial. Pour une ambiance polar/roman noir à proprement parler, il me faut les buildings, la pluie battant les trottoirs la nuit, les néons des cinémas, les phares des voitures balayant les bouches d’égout fumantes, etc. Comme je suis fascinée par les films noirs des années 40/50 avec les détectives, les femmes fatales, et leurs répliques parfaitement maîtrisées, j’ai instauré cette ambiance dans « Sang pour Sang » et l’ai conservée dans « J’entends le bruit des ailes qui tombent ». Il est vrai que dans les années 60, Bogard, Bacall, Mae West, Veronika Lake n’étaient plus que des mythes, mais mon histoire a conservé cet air de l’époque. J’accorde vraiment beaucoup d’importance aux dialogues, aux répliques sèches, cinglantes qu’affectionnent les américains (les français aussi bien sûr du temps d’Audiard dont je suis une fan invétérée) et je me suis vraiment éclaté pour ce livre.


Le titre initial de votre roman était "Ainsi naquit Ted Bundy" pourquoi avoir changé ?
    
Le livre devait sortir dans une maison d'édition en 2013 sous ce titre. A la suite des problèmes économiques que malheureusement les petites maisons d'édition subissent, celle-ci a du mettre la clé sous la porte un mois avant la sortie du livre. Déçue par la tournure des événements, j'avais mis en suspens le livre jusqu'en début de cette année. Afin qu'il n'y ait pas d'amalgame avec la maison d'édition précédente, j'ai préféré en changer et la couverture et le titre.


Qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs qui n’ont pas encore lu vos romans ?

    J’ai une vision très américaine de la fiction. Pour moi la fiction a pour but premier le divertissement. Celle-ci doit donc éveiller tous vos sens, vous secouer, vous remuer, et pour se faire j’aime plonger le lecteur dans un univers à part, l’extirper de son quotidien pour l’immerger dans un monde où pendant un temps il ne pensera plus à sa propre réalité. J’aime aussi l’humain, il est donc important pour moi que mes personnages soient toujours dans une quête d’eux-mêmes. Ainsi même s’ils sont en apparence différents de nous, on peut se reconnaître en eux, notamment par leurs faiblesses. Ce qui fait que durant l’histoire, d’un chapitre à un autre, on entretient une relation amour/haine avec eux.

Quelle est la question à laquelle vous auriez aimé répondre et qu’on ne vous pose jamais ?
    Comment faites-vous pour avoir des cheveux aussi soyeux ? (rires) Ah mince, ça devait avoir une relation avec les livres ? (rires)

Êtes-vous vous-même lectrice et quels sont vos livres de chevet et vos derniers coups de cœur ?
    Ah oui, oui, oui. Il faut absolument lire. Etrangement je n’ai pas mémoire d’éventuelles lectures avant mon adolescence, en fait je n’ai pas mémoire de grand-chose avant mon adolescence, comme si ma vie avait vraiment commencé à l’instant où j’ai découvert la lecture et l’écriture. Je me souviens qu’avant de me lancer dans la lecture de romans, j’étais hantée par la poésie : Rimbaud, Baudelaire, Artaud, c’était eux mes dieux. Les sens cachés derrière les mots, les interprétations que nous imposaient les professeurs alors que j’y voyais d’autres choses, d’autres images, c’est toute la magie de la poésie. Donc j’ai commencé par écrire des poèmes (et j’aime toujours cela, la poésie est très sombre en soi, il faut creuser dans notre subconscient pour y pêcher nos états d’âme, notre mal être, notre essence).

Je ne vais pas m’étendre sur le sujet car j’en aurais pour des heures, mais je peux vous confier les livres qui ont marqué mon existence et pour certains ont modifié ma vision, mon approche de l’écriture et m’ont fait dériver de genre. Comme vous verrez, je suis très hétéroclite dans mes découvertes.

Stephen King : ma base. L’auteur qui a marqué toute ma génération, vous pouvez vérifier auprès de tous les auteurs de Chattam à Nicolas Zeimet. Ce sont les premières lectures dont je me souvienne adolescente quand j’enchaînais ses pavés.

Après cela, je lisais tout ce qui me tombait sous la main, me forgeant progressivement mon esprit littéraire.
Vers la vingtaine, j’ai lu les classiques que je fuyais à l’école et quelle claque face aux Hauts de Hurlevent et Madame Bovary. Quelle écriture, quelle histoire, quelle profondeur de personnages…

Cent ans de solitude de Garcia Marquez m’a également marquée. Je le trimballe partout avec moi, comme un enfant le ferait d’un doudou. Il me rassure, même si je ne me souviens plus exactement pourquoi il m’avait tant bouleversée.

Après cela, j’ai vécu une vie d’aventurière, me baladant de pays en pays. J’avais toujours un livre de Cizia Zykë avec moi, l’aventurier par excellence.

C’est Sébastien Japrisot qui a suscité mon intérêt pour les thrillers/Polar. Quels revirements constants de situations, un vrai virtuose du suspense ! L’été meurtrier , La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, Piège pour Cendrillon … jamais encore mon cœur n’avait subi autant de sensations. Mais c’est Harlan Coben et ses premiers livres publiés en France, Ne le dis à personne, Disparue à jamais, qui m’ont appris l’appellation « page turner » et m’ont donné envie d’en écrire. C’est d’ailleurs à la suite de sa découverte que j’ai décidé de faire un thriller/polar pour Sang pour Sang sur cette base. Des chapitres courts avec un rebondissement à la fin de chaque chapitre qui donne envie de continuer. Avec le recul je me rends compte qu’avec cette base, j’ai du coup négligé certains codes pour Sang pour Sang . La ville de New York y est peu décrite ainsi que l’époque dans laquelle l’histoire baigne. Je ne m’étais pas non plus énormément concentré sur l’aspect psychologique des personnages (surtout secondaires) et ceci parce que le suspense était ma première préoccupation (d’où la raison d’une nouvelle édition revue de Sang pour Sang qui devrait sortir d’ici quelques semaines). Pour J’entends le bruit des ailes qui tombent , je n’ai pas voulu refaire les mêmes erreurs. J’ai donc accompli énormément de recherches, ai parlé à des flics américains, à des bibliothécaires new-yorkaises afin d’avoir suffisamment de matière et de réalisme. J’ai étudié de fond en comble New York (pas évident car il s’agit du New York des années 60, et les quartiers de New York se modulent à chaque décennie) afin de lui donner un visage. Un lecteur m’a d’ailleurs dit qu’il avait l’impression que New York était un personnage à part entière. Puis j’ai développé consciencieusement l’histoire personnelle et le psychisme de chaque personnage. Sans oublier le peaufinage des dialogues. Ce fut énormément de travail. Quand j’apprends qu’un livre à succès a été écrit en un mois, ça me rend dingue. Ce n’est pas de la jalousie ou du mépris envers son auteur, un petit livre parle parfois plus aux gens qu’un pavé –comme L’alichimiste de Paulo Coelho par exemple, qui m’a lui aussi marquée, mais quand je réalise tout le travail que j’ai moi-même dû abattre, je ressens soudainement tout le poids de la fatigue peser sur mes épaules.

Autres livres clé : Ensemble, c’est tout, d’Ana Gavalda, qui m’a poussée à creuser l’aspect humain des personnages.
Puis L’ombre du vent  de Zafon.

Les livres de Patricia Melo, très subtile dans le traitement de ses histoires et qui pourtant écrit à coups de mitraillette. Une vraie magicienne.
Bukowski, que j’ai découvert avec Factotum, a été un des piliers de la fondation de mon univers actuel. Je pense qu’Al doit avoir un peu de lui dans l’âme.

Après la publication de Sang pour Sang et ma percée dans le polar, il est vrai que mes lectures se sont orientées vers la littérature noire. Tout d’abord Le vol des cigognes  de Grangé. Puis John Connolly a débarqué et ravagé mon univers. Quelle noirceur, quels dialogues ! Des histoires à vous briser le cœur. La proie des ombres  et Le pouvoir des ténèbres me suivent partout. Puis il y a Dennis Lehane bien sûr : Ténèbres, prenez moi la main. Un dernier verre avant la guerre ainsi que l’époustouflant Shutter Island et la claque magistrale de la fin. Avec eux, j’ai découvert des univers qui me hantaient, cet amalgame de roman noir et thriller, soit le suspense ET l’approfondissement psychologique des personnages et non pas seulement des page turner. C’est sur cette base que j’ai voulu écrire J’entends le bruit des ailes qui tombent.

En ce qui concerne mes derniers coups de cœur. Il y a les livres de Thomas H. Cooke, intelligents, sombres et si subtils. A chaque fois, on ne voit rien venir. Une phrase, un mot qui fait tout basculer. Je tue les enfants français dans les jardins, de la fabuleuse Marie Neuser. W3, le sourire des pendus  de Hug et Camut. La vérité sur l’affaire Harry Querbert  de Dicker et Le diable tout le temps de Pollock.

En quoi votre vie influence-t-elle vos écrits ?
    J’ai grandi dans une cité, et même si je n’ai jamais fait vraiment partie de la vie de banlieue, c’est un univers à part, violent, mesquin. On ne peut pas être qui on veut être. En tant que fille, il faut faire attention à ce qu’on dit, à ce qu’on fait. On a un peu l’impression d’être sur une corde raide, une corde affutée comme une lame de rasoir, il faut marcher sur la pointe des pieds, ce qui fait déjà très mal, et faire attention de ne pas se ramasser, car on sait que la chute peut être fatale. Depuis l’âge de 13 ans je n’avais qu’une envie, c’était m’enfuir. Les Etats-Unis, les plages ensoleillées de la Californie, c’était mon rêve. J’ai fait pas mal de fugues durant mon adolescente, mais étrangement, je ne faisais pas de réelles bêtises, je n’ai jamais plongé dans la drogue par exemple, peut être justement parce que mon expérience dans une cité m’avait appris à ne jamais me laisser aller, j’avais juste besoin de liberté.

Après l’université, j’ai commencé à voyager partout. Autriche, Turquie, Yougoslavie, Etats Unis. A mon arrivée en Autriche, je partageais mon appartement avec 7 norvégiennes. Aux Etats-Unis j’ai débarqué avec 100 dollars en poche avec juste mes rêves pour compagnon. J’ai tout d’abord vécu pendant 6 mois dans une auberge de jeunesse pourrie à Haight Ashbury, le quartier hippie de Sang Francisco, où les résidents passaient leur journée dans le salon à s’enfiler des rails de coke et à comater devant South Park, puis j’ai atterri à Los Angeles, sur le bord de mer. Une vraie claque : mon rêve d’ado, j’y étais enfin !
En tant qu’étrangère, j’ai vécu la plupart du temps avec des immigrés : les Yougoslaves en Autriche, les Mexicains aux Etats-Unis, des gens révoltés, ravagés de l’intérieur, des gens qui ont connu l’injustice, la maltraitance, le mépris, la dureté de l’existence et qui entretiennent une rancœur difficilement retenue envers la vie et les sales coups qu’elle leur a joué.

Puis j’ai rencontré mon mari, qui était policier militaire à Sao Paulo. Là encore j’ai découvert le Brésil, qui derrière sa façade festive de joie de vivre est un pays violent, redoutable, infesté de crimes et de corruption.

Je pense donc que oui, mes expériences, mes rencontres ont une influence sur le choix de mes histoires et la manière que je les écris.

Qui aimeriez-vous ou auriez-vous aimé rencontrer ?
    Cizia Zykë, le dernier aventurier, qui nous a quittés.
Kurt Sutter, le scénariste de « The shield », également créateur, scénariste, réalisateur, etc. de « Sons of Anarchy » et plus récemment le scénariste de « la rage au ventre ». J’adore son style, son écriture, sa grande gueule. Un vrai mentor dont la devise existentielle est : fuck them all ! Très inspirant (rires)

Quels sont vos projets ?
    Je vais attendre un peu pour reprendre une autre histoire de Al. Comme mentionné plus haut, c’est beaucoup de travail et j’ai l’impression à chaque fois d’y laisser une partie de mon âme. Je travaille donc sur une série littéraire. Une trilogie.

Merci beaucoup, Gipsy, nous vous laissons le mot de la fin.
    Vu le pavé de l’interview, vous croyez vraiment que quelqu’un est arrivé jusque-là ? (rires)
Bon, au cas où, et pour saluer leur courage, je finirai par ma propre devise :

L’aventure est le remède à tous les maux… et les mots. Si vous vous sentez étriqué dans votre quotidien, n’hésitez pas : ouvrez une nouvelle page, d’un livre ou de votre vie.

 
 

 

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