Bonjour Jérôme Loubry, la première question est un petit rituel sur Plume Libre, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis né il y a une quarantaine d’années dans le centre de la France, le Berry, pays de George Sand et de la sorcellerie. À présent je vis dans le sud, en Provence, proche de la ville natale de Giono. J’ai exercé plusieurs métiers (responsable de restaurant, commercial, responsable d’édition…) avant de me lancer « sérieusement » dans l’écriture.
L’écriture a-t-elle été toujours présente dans votre vie ? Quel a été le déclic pour vous lancer dans l’écriture d’un roman ?
Saint-Amand-Montrond, ma ville de naissance, accueille les imprimeries Bussière, bien connues par les professionnels de l’édition. Enfant, ma mère avait un ami qui nous apportait des livres fraichement sortis de ces imprimeries et qui n’étaient pas encore disponibles en librairie. Pour un enfant timide et réservé, qui passait des heures dans sa chambre à imaginer des univers parallèles, ces cartons remplis de livres représentaient un véritable trésor. Je me revois encore, penché au-dessus, à choisir mes prochaines lectures… Quel privilège !
Puis à dix ans, comme cadeau de Noël, j’ai demandé une machine à écrire. Bon, je ne l’ai jamais eu cette machine, mais cela ne m’a pas empêché de continuer à rêver…
Pourriez-vous nous présenter votre livre, Les chiens de Détroit, qui vient de sortir aux Editions Calmann-Lévy ?
Les chiens de Détroit est donc mon premier roman. C’est un thriller qui se déroule sur deux époques et qui commence par l’arrestation du criminel, un tueur d’enfants, le Géant de brume.
Quel a été le point de départ de cette histoire ?
À la base, en tant que père, j’ai voulu écrire sur ma peur la plus impérieuse, la disparition d’enfants. Comme pour m’exorciser. Comme pour ne plus avoir à y penser. Ensuite de nombreux thèmes sont venus se greffer à la trame principale.
Les thrillers qui traitent de tueurs en série sont nombreux et au bout d'un moment, ils se ressemblent souvent. Le vôtre se démarque de par l'identité du tueur et le pourquoi de ses agissements. Comment vous est venue cette idée ?
Le Géant de brume (nom donné par la presse en référence à une ancienne légende où un géant enlevait les enfants qui n’avaient pas été assez sages) est un tueur à part. Ses meurtres sont motivés par un raisonnement qui découle d’une souffrance et non par une folie. Cela le rend diablement réaliste. Ce pourrait être vous, ce pourrait être moi.
Pourquoi avoir choisi un nom si poétique, le Géant de brume, pour votre tueur d’enfants ?
Dans un monde normal, les légendes sont inoffensives, ce ne sont que des histoires pour effrayer les enfants.
Dans le monde de l’enfance, qui est bien plus dangereux et effrayant, les légendes deviennent palpables, menaçantes, presque réelles. Pour les adultes, les légendes sont poétiques. Pour les enfants elles sont monstrueuses. Le tueur est les deux à la fois.
Votre intrigue se situe à Détroit à l’époque où la ville tombait en faillite, pourquoi ce choix ?
Détroit est un personnage, sinon le premier personnage, du roman. Alors que cette ville poursuivait sa chute, je me suis demandé ce qui pourrait encore lui arriver. Toute civilisation, société, ville a pour but ultime de protéger ses enfants. Ils représentent le futur, le renouveau. Détroit, malgré les difficultés, tente de se relever. Elle essaye tant bien que mal d’offrir un hypothétique futur à ses enfants. Mais face au Géant de brume, va-t-elle plier les genoux ? La rédemption et le renouveau sont-ils encore possibles pour une ville qui laisse ses enfants mourir ?
Vos personnages sont particulièrement développés. Comment les avez-vous travaillés ?
Je savais qu’en écrivant, qu’en laissant mes personnages errer dans les rues de Détroit, leurs caractères se dessineraient d’eux-mêmes. La fragilité de chacun s’est construite au fil des pages. J’avais les traits principaux avant d’écrire. Détroit m’a offert le reste et a imposé son ombre sur chaque existence.
Bien que l'on ait les réponses à toutes nos questions en refermant le livre, ce roman offre une fin ouverte pour Sarah Berkamp. La reverra-t-on dans une prochaine enquête ?
Beaucoup de lecteurs se sont attachés à Sarah. Cela me touche beaucoup. On ne fait pas qu’écrire un personnage. On le rencontre, on le voit changer, on le visualise à en tomber amoureux ou à le détester. Sarah est à part. Les lecteurs l’ont bien ressenti. Je vais la laisser se remettre et panser ses blessures. Elle reviendra sans doute.
En commençant l’écriture de votre roman, aviez-vous déjà en tête les différents rebondissements, y compris la fin, ou vous laissez-vous porter par l’écriture / les personnages au fur et à mesure ?
En commençant l’écriture, j’avais trois choses en tête : Détroit, les personnages et la fin. Détroit puisque c’était le cadre idéal, les personnages (qui se sont affinés au cours de l’écriture) et la fin que je ne souhaitais pas « classique ». Ensuite, certains rebondissements sont apparus pendant l’écriture, certains liens aussi. Le Géant de brume a lui aussi pas mal évolué.
Votre roman vient de sortir aux Editions Calmann-Lévy. Comment s’est passée la recherche d’un éditeur ?
J’avais déjà eu un contact avec Caroline Lépée (responsable chez Calmann-Levy) il y a environ 5 ans. Cela était resté sans suite, mais je restais convaincu qu’elle était LA personne vers qui mes efforts devaient se tourner. Je ne saurais l’expliquer, peut-être un don de divination hérité des sorcières berrichonnes ! Il y a un peu plus d’un an, je lui ai donc envoyé les chiens de Détroit. Elle l’a accepté tout de suite.
Êtes-vous vous-même lecteur et quels sont vos livres de chevet et vos derniers coups de cœur ?
Comme livres de chevet, il y a un peu de tout : L’étranger de Camus, Hamlet, José Carlos Somoza, James Ellroy, Salman Rushdie… Dernier coup de cœur, pas un livre récent, mais que je découvert il y a peu : Ghost Story de Peter Straub. Le système narratif m’a bluffé.
Qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs qui n’ont pas encore découvert votre roman ?
Que leurs peurs d’enfants et d’adultes risquent de refaire surface… Et que la brume leur semblera bien moins inoffensive par la suite…
Quels sont vos projets ?
Un roman est en cours d’écriture. Le projet est de le sortir en septembre 2018. Les personnages vous toucheront également…
Merci beaucoup, Jérôme Loubry, nous vous laissons le mot de la fin.
C’est tout naturellement que je vais vous citer une ancienne légende. Lisez-la le soir, et laissez vos pensées courir dans les rues de Détroit…
« Il était une fois, dans un village reculé,
une créature qu’on appelait le Géant de brume.
Chaque nuit lorsque la lune voilée par les nuages n’éclairait qu’à moitié
et que la brume humide léchait les maisons,
il venait enlever les enfants qu’on ne revoyait jamais. »
Contes et légendes du moyen âge.
Auteur inconnu.