Maud Tabachnik

 

Maud Tabachnik - Quais du Polar - Lyon 2012

 

Bonjour Maud Tabachnik. Le petit rituel de présentation de Plume Libre : Qui êtes-vous ? Comment passe-t-on de la Kinésithérapie à l'écriture ?
En mettant son cabinet en gérance, en achetant une propriété à la campagne, et en constatant, ce que je savais déjà, que je ne pouvais pas rester inactive, quels que soient les plaisirs campagnards, dont, j'ignorais tout. Et par dessus tout en ne se refusant pas d'essayer. Socrate disait : Ce n'est pas parce que les choses sont inaccessibles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles nous semblent inaccessibles.


Votre premier manuscrit, votre premier roman : Parcours du combattant ou conte de fée ?
Conte de fée. Envoyé par la poste à Denoël et coup de téléphone d'acceptation trois jours plus tard. Sûrement que j'avais une fée penchée sur mon ordinateur.


Un point commun à beaucoup (pour ne pas dire tous vos livres) c'est dénoncer, prévenir, revendiquer. Vous servez-vous de l'écriture, de vos livres, pour faire passer des idées plus que pour raconter des histoires ?
Les deux raisons. J'espère que votre question ne cache pas un reproche concernant les fictions que je raconte. Parce que j'aime raconter des histoires et les vivre en même temps, et j'aime aussi dire ce que je pense au plus grand nombre.


Votre « genre » est plus polar qu'autre chose, pourquoi avoir choisi ce style en particulier ?
Parce que le polar, comme je le conçois, est particulièrement subversif, et que je le suis. De plus je le considère comme une chronique de notre temps et de nos sociétés.


Votre bibliographie est impressionnante. Si vous deviez conseiller un livre aux lecteurs qui n'ont pas encore eu la chance de vous découvrir, lequel serait-ce ?
Le dernier, parce que tous les autres étant en poche, je touche davantage de droits d'auteur sur le dernier.


Dans vos romans les femmes ne sont plus des victimes consentantes. Une sorte de revanche ?
Plutôt un encouragement pour celles qui se vivent victime alors que la femme a infiniment plus d'atouts que l'homme. En ce qui me concerne, je n'ai jamais été victime de la misogynie ambiante parce que je ne l'ai jamais acceptée.


Les « happy-ends » ne sont pas ce que vous affectionnez le plus ? Pourquoi ?
Pour rester dans la réalité. Comment se termine la vie, les amours ? Pourquoi les méchants sont rarement punis à la hauteur de ce qu'ils ont fait ?

Vous adorez dérouter vos lecteurs, vous faites voler en éclat toutes les « règles » du polar, c'est votre marque de fabrique. Beaucoup d'auteurs imaginent des personnages récurrents, alors que ce n'est pas toujours votre cas, pourquoi ?
Parce que j'aime créer de nouveaux personnages, avec leur psychologie, leurs destins différents. Quand j'écris, c'est d'abord moi que je dois surprendre.

 

Une héroïne que l'ont croie morte dans un de vos livres peut parfaitement remettre sa vie en péril dans un prochain. Sandra Kahn est elle une réponse à tous les héros sans peur et sans reproche de la littérature ?
Elle est une réponse, et je dirai même un exemple. Elle n'est pas sans peur, parce que quelqu'un qui n'a pas peur, n'est pas courageux. Et pour moi le courage est une vertu cardinale.


Souvent vos histoires sont proches de la réalité, est ce pour vous un besoin de donner ce côté réaliste ? Vous décrivez notamment beaucoup de faits historiques, politiques...
Ma réponse à votre question est à rapprocher de la réponse numéro 3
* Rappel de la réponse en question : Les deux raisons. J'espère que votre question ne cache pas un reproche concernant les fictions que je raconte. Parce que j'aime raconter des histoires et les vivre en même temps, et j'aime aussi dire ce que je pense au plus grand nombre.

 

Dans Le 5eme jour, vous vous êtes inspirée du tueur (effrayant) Albert Fish ... Pourquoi lui en particulier ?
J'aurais pu en choisir un autre, les tueurs fous sont légion. On en parle un peu dans le civil, et beaucoup dans les guerres. Fish était un industriel amoureux du crime et le pervers absolu. Descendre dans cet abîme de noirceur vous fait davantage aimer encore la clarté de la vie.


D'ailleurs vos personnages féminins, n'ont rien du « glamour » que l'on peut s'attendre à trouver dans la littérature. Est il plus facile de faire évoluer des personnages « écorchés » que trop lisses ?
Je ne croyais pas avoir créé des femmes écorchées, mais plutôt libres. Indépendantes et détachées du regard des autres, surtout quand ce regard n'est pas amical.


Quels sont les auteur(e)s qui vous ont inspirés ?
Inspiré, je ne sais pas, mais je suis nourrie de littérature américaine.


Vous avez essayé tous les styles, même le polar historique. Est-ce que le fait d'écrire à différentes époques change beaucoup de choses ?

Ecrire des livres historiques change beaucoup de choses, ne serait-ce que par la quantité de documents à réunir, quand on veut comme moi, cerner la vérité historique


Dans plusieurs de vos livres, notamment L'étoile du temple et Ciel de cendres, vous décrivez le massacre des juifs, on sent bien que cela vous tient à cœur (qui cela ne toucherait-il pas ?). Est ce pour vous une façon de décrire les atrocités à travers le temps ?
Décrire ou plutôt mettre en garde contre la haine et le fanatisme dont se rendent coupables les hommes qui recherchent les causes de leur médiocrité ou de leurs échecs chez le voisin. Si l'on a tenté d'expliquer le racisme comme découlant de la peur ressentie envers quelqu'un qui ne vous ressemble pas, on n'a pas encore compris pourquoi l'antisémitisme perdurait puisqu'il touche des compatriotes, des gens avec qui l'on vit, que l'on connaît.


En parlant de Ciel de Cendre votre dernier roman paru chez « Albin Michel, qu'est ce qui vous a pousser à écrire ce livre ?

C'est la commémoration de la mort de S. Petlioura en 2006 à l'Arc de Triomphe en présence d'officiels français, alors que les membres de la LICRA venus protester contre cette cérémonie étaient refoulés sans ménagement par le service d'ordre. Dans mon livre j'explique qui était cet ataman, responsable de la mort de 40 000 juifs ukrainiens alors qu'il se battait pour l'indépendance de l'Ukraine et que les Juifs étaient cette fois encore ses compatriotes. Ce révisionnisme m'a insupporté et j'ai voulu écrire pour que l'on sache comment l'Histoire est manipulée.

Tchernobyl et la folie des hommes, nous sommes loin du polar tout en restant dans un sentiment de noirceur. Pourtant on ne peut faire autrement que de s'attacher à ces trois hommes, trois destins fauchés par la vie. Comment faites-vous pour mettre un peu d'humanité dans ce monde de brutes ? Reste-t- il un peu d'espoir pour l'homme ?
L'humanité c'est chacun d'entre nous qui devons nous en occuper. Chaque jour combattre notre face obscure qui attend presque rien pour ressurgir. Mon histoire personnelle me permet de le savoir. Oui, dans nos démocraties, j'espère. Pas dans les trop nombreux pays qui méprisent l'existence des autres. Pas dans ces pays qui justifient leur haine au nom d'un Dieu ou d'une idéologie.


Ici pas de femme en 1er plan. Pourquoi ?

Elles ne se sont pas imposées, j'ignore pourquoi


Qui sont vos derniers coups de cœur littéraires ? Cinéma, musique ?
Les films récents qui m'ont beaucoup plu. Dont will be blood. Julia. No country for the old man. Que des films noirs.


- Merci beaucoup, pour toutes vos réponses, vous avez le mot de la fin ...
Le mot de la fin chère Delphine, est que répondre par mail à une pourtant si bonne interview relève de l'exploit, quand : on est sans cesse interrompu par le téléphone, et que l'on est suffisamment distraite pour taper sur n'importe quelle lettre du clavier et faire une fausse manœuvre que je n'arrivais pas à rectifier.

 Du même auteur : Biographie, chronique, interview

Go to top