Marc Lévy

 





 Juin 2008

 




 

 

 

Marc Levy, Vous venez de sortir votre nouveau roman : Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites.
C'est votre huitième en dix ans, les ventes de ses sept précédents, toutes éditions et langues confondues, dépassent les 15 millions d'exemplaires.
     Mon passage à l'écriture est un peu particulier et la chance y est pour beaucoup. Quand mon fils était petit, j'inventais une histoire que je lui racontais le soir. Et puis il a grandi et la télévision a remplacé l'histoire du soir. J'ai alors eu envie d'en écrire une autre, cette fois pour l'homme qu'il deviendrait un jour ; mon idée étant de lui remettre le manuscrit quand il aurait l'âge que j'avais en l'écrivant... faire un pied de nez au temps et rêver que le temps d'une lecture nous ayons le même âge et soyons les meilleurs copains du monde.



Pouvez-vous nous raconter comment cette exceptionnelle aventure à commencer ?
    Quand j'ai commencé à écrire ce qui deviendrait « Et si c'était vrai », je n'avais pas l'intention d'en faire un roman, et je pensais encore moins qu'il serait publié.
Poussé par ma sœur scénariste, j'ai envoyé le manuscrit aux Editions Robert Laffont, qui m'ont répondu, huit jours après, vouloir publier le livre. J'ai alors démissionné du cabinet d'architecture que je dirigeais pour me consacrer à l'écriture.
Il fallait que je sois cohérent avec moi-même, sinon tout ce que je voulais transmettre à mon fils dans le livre aurait été un mensonge.
Et si c'était vrai a connu un grand succès et depuis je n'ai cessé d'écrire.



Quelles sont vos influences littéraires ? De quels auteurs vous sentez-vous le plus proche ?
     Je ne sais pas si je peux dire que j'ai été influencé par certains romans, mais certains auteurs que j'admire énormément, comme Romain Gary, Prévert, Hemingway, Poe m'ont sûrement donné l'envie de lire et plus tard d'écrire.



Votre succès est-il une pression supplémentaire lors de l'écriture d'un nouveau roman ?  Ou cette reconnaissance vous apporte t-elle une certaine confiance,  vous donnant plus de liberté dans votre création ?
     Le succès d'un livre ne garantit pas du tout celui du suivant. À chaque roman, il fait tout recommencer à zéro, chaque nouvelle histoire est un nouveau défi. Alors oui, il y a une obligation de travailler beaucoup pour mériter la chance que j'ai. Néanmoins, ma liberté d'écriture n'est pas liée à cette reconnaissance dont vous parlez, mais simplement à l'envie d'inventer, d'imaginer, de créer des histoires et de m'amuser en les racontant, de faire mon travail sérieusement, mais sans jamais me prendre au sérieux.


Au fil de vos huit romans vous avez créé un nouveau genre dans la littérature française. Comment le définiriez-vous ? Comprenez vous aujourd'hui qu'il inspire d'autres auteurs et quel est votre sentiment là dessus?
     Je crois simplement que j'ose mélanger les genres, la comédie, le romantisme, le fantastique. De là à inventer un nouveau genre... Mais puisqu'il semble que j'ai ouvert une voie, alors j'en suis très honoré.

 

Quelles ont été les différentes étapes de l'écriture de Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites ? A quoi ressemble une journée type de Marc Levy pendant une  période de travail ?
     Je ne parlerais pas vraiment d'étape. Les idées d'un récit me viennent de la vie de tous les jours. J'aime écouter, observer ce qui se passe autour de moi. Mais une idée n'est pas encore une histoire. Je vis d'abord avec les personnages, le temps que leur personnalité se forge, que l'intrigue se noue et se dénoue, jusqu'à ce que la structure du récit m'apparaisse enfin. Quand mes recherches sont achevées, quand je peux répondre à la question « Que raconte vraiment cette histoire », c'est que je suis prêt. Je range alors mon bureau, je choisis la musique qui va m'accompagner et je commence à écrire d'une traite le premier brouillon, et puis ensuite je le remanie, le corrige, le malmène. Vous voyez, mes journées d'écriture n'ont rien d'excentrique.

 

Pouvez vous nous présenter votre dernier roman : Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites ?
     C' est l'histoire d'une jeune femme qui à 4 jours de son mariage espère que ce père auquel elle n'a pas parlé depuis 20 ans viendra à la cérémonie. Elle apprend par un appel téléphonique du secrétaire particulier de ce dernier qu'il n'en sera rien, mais pour une fois Anthony Walsh a une bonne excuse, il est mort. Ce père distant a toujours eu un don très particulier pour surgir dans la vie de sa fille et en orienter le cours, à sa façon. Alors que Julia apprend que les obsèques ont été programmées le jour de son propre mariage, elle ne peut s'empêcher de voir là un ultime clin d'œil de son père. Pourtant, elle n'est pas au bout de ses peines. Le lendemain des funérailles, elle reçoit un colis chez elle dont le contenu va bouleverser le cours de sa vie et l'entraîner dans un voyage bien au-delà des frontières. C'est un roman tendre sur la relation père fille, sur la relation que l'on entretient aux premières amours, sur les non-dits, sur le pas vers l'autre, sur les petits mots de la vie.

 

Dans vos romans il y a souvent une part de fantastique. Est-ce pour réveiller la part d'enfant qui est en chacun de nous ou pour amener à regarder à nouveau, les choses autour de nous que nous ne voyons plus ?
     Les deux. Pour moi il est important de garder en soi cette part d'enfance que l'on appelle la capacité à s'émerveiller, de garder sa spontanéité, cette faculté à dire les choses telles qu'on les ressent, à ne pas avoir peur de l'inventivité ; tout comme il est important pour moi de ne pas laisser filer l'instant présent, de regarder autour de moi, de laisser beaucoup de places aux autres.

 

Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites, aborde les problèmes de communication entre les personnes.
Est-ce pour vous l'une des conséquences négatives de notre ère de sur communication (Internet, téléphone portable...) qui éloigne plus les êtres qu'elle ne les rapprochent ?
     On peut en effet réfléchir au problème de communication entre les personnes dans nos sociétés, mais je ne pense pas que les nouvelles technologies de télécommunication soient en cause. Je trouve formidable que l'on puisse appeler quelqu'un qu'on aime n'importe où et n'importe quand. Je trouve fantastique de pouvoir discuter tout en regardant la personne à qui l'on parle, grâce à une petite caméra installée sur son ordinateur. J'aime pouvoir envoyer un message à quelqu'un et savoir qu'il va être reçu immédiatement, même au bout du monde... La lettre, le petit mot écrit sont aussi merveilleux, mais le courrier n'arrive pas toujours très vite... surtout quand on habite à Londres... Cela dit, le plus important n'est pas le moyen de communiquer, mais ce que le message dit... ou ne dit pas.



Si vous vous retrouviez face à un Marc Levy Humanoïde, d'avant 1998. Quelles seraient les choses qu'ils se diraient l'un à l'autre ?
     Je regarderai lequel des deux a meilleure mine que l'autre !

 

Votre roman précédent Les enfants de la liberté vient de sortir en poche chez Pocket.
Pouvez-vous nous parler de ce livre qui tient une place à part dans votre œuvre ?
     J'ai découvert cette histoire assez tardivement. J'avais plus de 20 ans. Par modestie, mon père ne nous avait jamais parlé de cette époque. Je crois qu'il a voulu peupler notre enfance d'une autre que la sienne, et puis il n'a jamais voulu être un héros, mais notre père à ma sœur et moi.

Lorsque j'ai commencé à écrire, l'idée de raconter cette histoire extraordinaire m'est apparue comme une évidence. Mais je ne me sentais pas prêt. C'est une histoire vraie et je ne voulais pas risquer de trahir la vérité de ceux qui l'ont vécue, les choix et la vie de ces jeunes résistants. Je ne voulais pas non plus écrire un livre d'histoire, je ne suis pas historien, mais raconter, le courage, la fraternité, la liberté, cet amour de la différence de l'autre qui caractérisaient ses enfants de la liberté. Il m'a fallu apprendre à écrire avant d'entreprendre un tel récit. Tout cela m'a pris du temps.
Mais ce roman me permettait aussi d'aborder des thèmes et des valeurs qui me sont chers et il fallait que je le fasse. Et puis j'avoue que j'avais aussi  un peu peur de la réaction de mon père qui n'était pas au courant de ce projet, lui qui avait toujours été si discret sur cette partie de sa vie.

 

Quel regard portez-vous sur les adaptations cinématographiques de vos romans : Si c'était vrai ? Et Mes amis Mes amours ? Quelle a été votre participation ?
     C'est simple, à partir du moment où j'accepte que l'une de mes histoires soit adaptée, elle ne m'appartient plus.

Pour Et si c'était vrai, je n'ai pas participé à l'adaptation cinématographique du roman, ni à l'écriture du scénario ou au choix des acteurs. J'ai préféré utiliser le droit de regard que m'avaient courtoisement offert les studios Dreamworks, pour observer et apprendre. Je ne me voyais pas, en ma qualité d'auteur de jeune romancier, aller donner mon avis aux scénaristes de métier et encore moins au producteur (c'est juste Steven Spielberg !)
Mes Amis mes Amours fut une aventure différente. D'abord,  j'avais écrit un scénario avec mon meilleur ami Philippe Guez  et je pensais réaliser le film moi-même. Mais je me suis senti très vite à l'étroit dans le format d'écriture d'un scénario qui doit répondre à de nombreuses contraintes de temps et de production. Alors, pour la raconter jusqu'au bout, cette histoire est devenue un roman.
J'ai aussi très vite découvert que si romancier est une activité de soliste, celle de réalisateur s'apparente à un chef d'orchestre. Il faut du talent et de la technique. Je ne m'en sentais pourvu ni de l'un ni de l'autre. Réalisateur est un métier, pas un hobby, et même entouré, bien entouré, un film demande facilement deux ans de votre vie. Je ne suis pas prêt à abandonner l'écriture aussi longtemps. C'est ma sœur, Lorraine Lévy, scénariste et réalisatrice qui a repris le flambeau. Elle a réécrit sa version du scénario et a réalisé le film. Je suis très fier du travail qu'elle a accompli et je trouve le film vraiment réussi.
P.-S. Il sort le 2 juillet !



Vous avez déjà vous-même réalisé un court métrage : La lettre de Nabila. Cette expérience vous a t-elle donné l'envie de passer derrière la caméra pour un long métrage ?
    La Lettre de Nabila a été une aventure inoubliable, d'abord parce que j'ai eu la chance de faire ce court métrage entouré d'amis, de gens de talents et que ce film était destiné à une campagne de communication pour Amnesty internationale. Mais à nouveau, ce n'est pas parce que l'on aime le cinéma que l'on devient automatiquement cinéaste.

 

Vous avez également écrit des paroles de chansons. Est-ce une chose que vous avez envie de renouveler ? Cet exercice d'écriture est-il totalement différent de celle d'un roman ou y a-t-il certaines connexions ?
     J'ai eu la chance d'écrire trois chansons, l'une pour Jennifer, puis pour Grégory Lemarchal et enfin une sur le dernier album de Johnny Hallyday. J'ai surtout eu la chance de le faire avec Yvan Cassar qui est un compositeur doué d'un talent inouï et d'une humanité à la hauteur de son talent. Je replonge dès que possible !


Quels sont vos projets ?
     Partir à la rencontre des lecteurs dans une tournée de librairie qui va me conduire de Brie Comte Robert à Hanoï, quelques jours de vacances et puis.... le prochain roman ! 

 

Quels sont vos derniers coups de cœur cinématographiques, musicaux, ou littéraires ?

     Je vous dirai cela dans un mois, je sors d'un long tunnel d'écriture où je n'ai rien vu, rien lu, petite exception, Pas ce soir je dîne avec mon père, qui est un petit bijou, au cinéma, « Les Citronniers » un film à voir et revoir. Mais j'ai plein de romans dans mes bagages...


On connaît également votre engagement humanitaire. On vous laisse nous présenter une action ou une cause qui vous tient à cœur.
     Difficile de faire un choix parmi les associations que j'aime. Mais puisqu'il le faut, parlons en premier des équipes de recherche de l'institut Pasteur. Actuellement l'Institut œuvre à la découverte de vaccins contre le cancer, je sais que cela paraît incroyable, improbable, mais c'est pourtant vrai, et chaque année de nouvelles victoires sont obtenues. Ainsi, un vaccin contre le cancer du col de l'utérus a été mis au point. Quelle victoire ! Un jour peut-être, le travail de ces chercheurs aboutira sur un vaccin contre la leucémie, le cancer du poumon, des os, contre tous les cancers. Les équipes de l'institut cherchent aussi des vaccins contre des maladies qui touchent des millions d'enfants le monde. Nous le savons, la recherche a besoin de moyens, à la rentrée débutera le Pasteur Don. Donner des moyens financiers à l'Institut Pasteur c'est se donner l'espoir qu'un jour prochain, le paludisme ne tuera plus, que de plus en de plus de cancers pourront être prévenus par des vaccins.

Je voudrais aussi vous parler d'une association petite par la taille, mais grande par ce qu'elle symbolise et accomplit. Elle s'intitule Média Handicap, le jeune Sebastien Proyart en est son président, en dépit de la maladie qui le fait souffrir depuis de nombreuses années, Sébastien accumule les défis sportifs, en surmontant son handicap avec le courage qui le caractérise il porte un espoir d'une vie digne à des milliers de jeunes handicapés. Enfin, un dernier mot pour citer l'association Gregory Lemarchal, car la mucoviscidose est une maladie qui peut toucher n'importe quel enfant, il faut là aussi continuer la recherche et ne pas baisser les bras.


Vous avez le mot de la fin.

     Un bel été à tous.

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