Nadine Mousselet

 





 Juillet 2008

 




 

 

 

Bonjour Nadine Mousselet ! Pour commencer, le petit « rituel » Plume Libre : Qui êtes-vous, Nadine ?

     Je suis née à Bruxelles en 1958. Mariée en premières noces à un breton, j'ai eu 3 enfants (deux garçons, une fille). Arrivée en France en 86, je me suis d'abord installée dans la région des Abers (29), puis à la suite d'un divorce, en Normandie où j'ai épousé un normand. Depuis 94 je vis à 11Km du Mont Saint-Michel dans la région de Pontorson. J'ai fait des études de sciences humaines et de psycho-pédagogie. J'ai d'abord été institutrice en Belgique, installée en France je n'ai pu enseigner car il n'y a pas d'équivalence des diplômes. Férue d'animaux, je me suis lancée dans l'élevage de Retrievers et particulièrement de Labradors. J'ai passé et obtenu un diplôme de juge canin, mais je n'ai pas exercé à ce titre me limitant au rôle d'assesseur lors des expositions canines.


Comment vous est venue l'envie d'écrire ?

     Pendant que je surveillais mes portées, j'avais du temps libre. J'ai donc écrit la biographie de ma grand-mère que j'adorais. C'était surtout pour lui faire plaisir.


Votre premier roman : Parcours du combattant ou conte de fées ?

     Après cela je me suis lancée dans la nouvelle policière suite à la lecture d'un appel à candidature pour un concours de nouvelles organisé par la ville des Sables d'Olonne. Il s'agissait d'un hommage à Simenon (belge lui aussi). C'est ainsi qu'est né "De la poudre aux Sables". Je n'ai pas gagné mais encouragée par des proches, j'ai fait "Trop tard pour toi Cassandra" et "Charmes des chemins de halage" qui ont été proposées et aussitôt acceptées par des journaux féminins. (Ces nouvelles se retrouvent dans les Nouvelles noires). Là, c'était le conte de fées : proposées, acceptées. A la suite de cela, il devenait tentant de s'essayer à plus gros : le livre. Amoureuse des chevaux et fan de romans policiers, j'ai marié les deux. Ainsi est né « Farandole meurtrière ». L'action se déroulait en Belgique. Commence le parcours du combattant...trouver un éditeur. J'ai essuyé des refus jusqu'au jour où les éditions Corlet ont aimé l'histoire, mais étant éditeur normand, il fallait que cela se passe en Normandie. J'ai donc délocalisé sans changer un mot à l'intrigue et le livre a été publié sous le titre « Chantage meurtrier à Avranches ». C'était un vrai cadeau bien que le délai d'attente ait été de deux ans, calendrier éditorial oblige. Comme j'avais du temps et que je m'étais prise au jeu, je me suis largement documentée sur les tueurs en série. Ayant des bases de psycho, le fonctionnement de ces personnes hors du commun m'a fasciné. J'ai donc approfondi. Cela m'a suffisamment travaillée pour que je restitue mon ressenti dans "Scalpées dans la baie" Corlet a toussé bien qu'ayant aimé l'histoire. Un thriller ne faisait pas vraiment partie de la ligne des polars régionaux en général plus softs. Après deux ans de nouvelle attente et d'interrogations, ils ont osé le pari. La suite vous connaissez...

 

Comment voyez-vous la place de la femme (auteure et personnage) dans le polar français ? Est-il difficile de faire sa place quand on est une femme écrivain ?

     J'ai eu l'honneur d'être la première femme éditée dans la collection polar de Corlet. On était en 2004...Peut-être les éditeurs français sont-ils plus frileux à éditer des femmes que les anglo-saxons qui le font depuis plusieurs décennies. Il paraît que l'on a 20 ans de retard sur l'Amérique...(sic) Quant aux héroïnes, elles ont souvent été des assistantes ou des faire-valoir d'un héros quelconque; parfois cela dure encore. Miss Marple nous a ouvert des voies. Heureusement aujourd'hui on progresse...On arrive même a une situation inversée. Des auteurs masculins choisissent pour héros des héroïnes et c'est tant mieux! Mais n'est-il pas plus difficile et donc risqué pour un auteur de se mettre dans la peau d'un héros de sexe opposé? Qui connaît mieux les réactions d'une femme qu'une autre femme et inversement.

 

Comment est née Laura Claes, votre héroïne ? Une femme de plus de 40 ans, au nom pas banal, qui se lance dans une nouvelle carrière, des études ... Vous êtes vous inspirée de personnes réelles ?

 

     Laura Claes (prononcer Claas... « a » long) a un nom d'origine belge. Un clin d'œil à mes origines. Peut-être aurais-je aimé m'appeler Laura... Donc, oui, Laura...c'est un peu moi. La vie m'a donné l'occasion de faire des métiers différents, d'étudier des choses à 40 ans qu'il ne me serait pas venu à l'idée d'étudier à 20. C'est une énorme chance de n'être pas figée dans un carcan.

 

Pourquoi mettre en scène une femme dans un contexte très brutal à chaque fois ?

     Encore une fois, question de feeling...

 

Dans votre premier roman, Scalpées dans la Baie, Laura Claes est touchée personnellement par une série de crimes. Pourquoi avoir choisi un tel point de départ (plutôt horrible) pour lancer Laura ?

 

     Imaginez : Une diplômée de 40 ans, frappe à la porte de la police ou de la gendarmerie et dit « Coucou, je voudrais travailler avec vous ! »... On sait bien que dans la réalité, les profilers sont d'abord des enquêteurs de terrain qui après de longues années d'expérience font des formations de psycho, de droit et de criminologie. Enfin et seulement après cela ils peuvent envisager le profiling. Pour garder une certaine vraisemblance à l'acceptation de Laura par les forces de l'ordre, il fallait un événement choc, en l'occurrence la mort de Cynthia. Celle-ci, associée à la force de persuasion et aux capacités professionnelles de Laura pouvait rendre possible son travail de profiler.

 

Chacun de vos romans est très documenté, presque « clinique » (procédures, autopsies, façon dont se mènent les enquêtes ...). Quels sont vos moyens de documentation ? Avez-vous vous-même évolué dans le milieu policier et judiciaire ?

     Mon mari a été à la PJ avant de devenir pilote d'hélico à la Sécurité Civile. J'ai pu ainsi glaner quelques infos. Mais ma documentation est surtout livresque et bien sûr il y a Internet. Mon toubib me renseigne pas mal sur le côté médical et un major de gendarmerie a accepté de me tuyauter un peu. J'ai aussi rencontré un commissaire et un juge lors d'une conférence sur le mensonge lors des interrogatoires. Après c'est une question de forme. Je tiens beaucoup à la vraisemblance des différentes techniques et analyses. Tout doit être crédible et vérifiable. Si un légiste lit un de mes bouquins, je veux qu'il s'y reconnaisse et ne trouve pas d'erreurs majeures, idem pour les policiers. J'essaye de faire du thriller réaliste.



Le moins qu'on puisse dire, c'est que les aventures de Laura sont très sanglantes ! Les crimes que vous décrivez sont particulièrement atroces. Pourquoi ce choix ?

 

     J'ai choisi de faire de Laura une spécialiste des tueurs en série. Quelle que soit la nature de leur déviance, ces gens-là apportent une souffrance infinie à leur victime. Je crois que sans faire de paranoïa, il faut être conscient que chacun ou chacune d'entre nous peut rencontrer un jour ce genre de personnage. Il paraît que le risque de rencontrer un tueur en série est équivalent à celui de mourir dans un accident d'avion. Cela semble peu... Les crimes décrits sont sanglants certes, parfois inspirés de faits réels (quand c'est le cas, note en bas de page à partir de Festin Mortel). C'est dur mais la réalité l'est malheureusement parfois encore plus. Si mon héroïne s'attaque à des Serial Killers, alors les crimes doivent être sanglants. Question de réalisme.

 

Dans vos romans, vous montrez une collaboration étroite entre policiers et gendarmes, pourtant réputés « frères ennemis ». Où est la vérité ?

     C'est ce en quoi je crois. Si chacun garde ses infos dans un cadre restrictif, les criminels ont de beaux jours devant eux. SALVAC, le FNAEG sont d'excellents début de coopération.

 

Tous vos romans se passent dans la belle Normandie. Pas trop de problèmes avec l'office de tourisme ? Plaisanterie mise à part, comment réagissent vos lecteurs normands devant les « horreurs livresques » commises dans un cadre qu'ils connaissent bien ?


 

     Pas de problème avec l'Office du Tourisme..! Du moins pas encore..! Les lecteurs amateurs de thrillers adorent. C'est aussi le principe du polar régional. Se balader dans des lieux connus, c'est encore plus prenant. Ainsi on peut suivre les enquêteurs ou même le tueur en bas de chez soi ! Parfum de frissons...D'ailleurs certains lecteurs sont demandeurs d'un « Laura » dans leur ville.


Vos romans sont édités par une maison d'édition « régionale ». A quand les aventures de Laura paraissant sur le réseau national ?

Les éditions Corlet m'ont donné ma chance et je leur en serai éternellement reconnaissante. Cependant ils émettent un refus catégorique à l'idée d'une diffusion nationale. Moyens, distributeurs, commercialisation ? ? ? Bien sûr, j'aimerais avoir une publication nationale ! A bon entendeur...


Parlez-nous un peu de votre dernier roman, Sex Killer, qui vient de paraitre ?

    « Sex Killer » se passe à Caen. Un homme est retrouvé émasculé sur un parking de bus en face du Manoir des Gens d'armes. Laura et ses équipiers sont appelés devant ce crime hors du commun. Au domicile de la victime, on retrouve des charges de sorcellerie : plume de coq, corde nouée...De quoi lancer nos enquêteurs sur des pistes très noires et peu communes... Je vous laisse découvrir la suite.

 

Quels sont vos projets pour cette année ? Et l'année prochaine ?

     Ancienne institutrice, j'ai eu envie d'écrire un « Jeunesse ». Un policier (évidemment !) sage et pédagogique, destiné aux 9-12 ans. Il devrait être publié chez Corlet en collection jeunesse en octobre...à suivre. Titre : « Une aventure de Céline et Cédric - Laïka et la société secrète de Normandie » Puis bien sûr un autre « Laura » au printemps prochain. Une sombre histoire de momies dans les criches d'Agon-Coutainville. Et qui sait...pour changer un peu, un polar breton... Mais cela ne dépend pas que de moi. Après tout, je ne fais qu'écrire, le reste n'est pas de mon rayon !

Quels sont vos derniers coups de cœur en matière de roman ? Cinéma, musique ?

Livres document : Helen Morisson - Ma vie avec les Serial Killers

Roman en cours : Kathy Reichs - Meurtres au Scalpel
En attente : Frank Thilliez - Deuils de Miel
                 Barbara Abel - Un bel âge pour mourir
                 ...et le rayon de Sofy !

Musique : Brel, inégalé et inégalable ; Era ; Goldman, et du classique tous genres confondus quand j'écris (...eh oui !)

Ciné : Très peu mais des policiers évidemment. Par contre fan de certaines séries comme « Esprits Criminels » ou certains « New York » Pour les Experts Manhattan ou à la rigueur Las Vegas mais pas Miami (pour moi cela sonne tellement faux !)


Merci Nadine, vous avez le mot de la fin...

     Avez-vous observé une cour de récréation ? Il n'y a pas de milieu plus sauvage ! Contrairement à l'idée répandue par notre civilisation, l'homme n'est pas foncièrement bon. Les lois, les règles canalisent notre côté le plus noir. Qui n'a pas dit un jour : Celui-là je le tuerais volontiers ! Certains franchissent la limite. Cela a toujours existé et existera toujours. Le plus célèbre des tueurs en série, Gilles de Rai n'était-il pas Français ? Profiler reste un métier d'avenir et si les tueurs ont du souci à se faire grâce aux progrès de la scientifique, il n'en reste pas moins que la lutte entre le bien et le mal est une réalité qui perdurera jusqu'à la fin de l'humanité. Espérons que d'ici là, la justice française réalise les résultats qui peuvent être obtenu aussi grâce à la psycho-criminologie. Pour l'instant elle semble encore timide sur ce sujet. Toujours 20 ans de retard... Merci de m'avoir lue et bons thrillers à tous !


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