Jérôme Bucy

 





 Juillet 2008



Bonjour Jérôme Bucy, première question rituelle sur Plume libre : Pouvez- vous vous présenter aux lecteurs ?
   
Bonjour.

Je suis né le 02 août 1961 à 05h15 (et pourtant, je ne suis pas matinal...) à Saint-Quentin dans l'Aisne où j'ai passé mes premières années avant de déménager fréquemment en Picardie puis en région parisienne. Je vis à Paris depuis douze ans. Enfant, j'ai été initié à la littérature policière par ma grand-mère maternelle et la lecture de Mort sur le Nil d'Agatha Christie. C'est peut-être la raison pour laquelle je me suis passionné ensuite pour l'Egypte et le Moyen-Orient, régions où je me rends très souvent aujourd'hui encore.
Pour ce qui est de ma formation, j'ai obtenu un Doctorat vétérinaire à Toulouse, puis j'ai étudié plus particulièrement le fonctionnement du cerveau et la psychiatrie à l'hôpital parisien Saint Louis/Lariboisière. J'ai également suivi des cours d'Histoire à la faculté de La Sorbonne à Paris. Au programme, le Moyen-Orient bien entendu : les croisades, la création de l'état d'Israël, la guerre des 6 jours... L'étude des relations entre les pays de l'Est au XXème siècle également : la Russie, l'Allemagne, les enjeux liés à la ville de Berlin...

Mes loisirs : dès que je le peux, je pars en voyage. J'y apprends beaucoup et pour peu qu'il y ait une certaine atmosphère, cela stimule mon imagination.


Quel a été votre parcours éditorial jusqu'à votre dernier roman La chambre d'ambre paru chez votre nouvelle maison d'édition Belfond ?
    Mes trois premiers romans ont été publiés par Liv-éditions, une maison d'éditions située en Bretagne (Le Faouët, Morbihan) :

- Jérusalem interdite, 2002
- Amères désillusions, 2003
- La maison des enfants rouges, 2004

Mon quatrième roman a été publié par Belfond (Paris XIIIème) :

- La chambre d'ambre, 2008

J'ai également écrit six nouvelles publiées à l'occasion du salon Mauves-en-Noir (Mauves sur Loire, Loire Atlantique) : La jeune femme à la 4L verte, 2003 ; Miroir trouble, 2004 ; Petit soldat, 2005 ; L'enfant sur le toit, 2006 ; Noir et blanc, 2007 ; Nuit bleue, 2008
 

Comment décririez-vous vos livres, et votre univers ?
    Mes livres sont des romans à intrigues, des romans « suspense » dans lesquels les principaux personnages mènent une quête (en plus de l'enquête proprement dite). L'action se situe dans des lieux que j'aime, des lieux m'ayant procurés des émotions que j'essaie de partager... des lieux dégageant une véritable atmosphère avec parfois un côté étrange ou angoissant. Des lieux chargés d'Histoire aussi (dans lesquels des événements historiques se sont déroulés) afin de pouvoir parler un peu de ces événements (juste un peu, en toile de fond).

Les romans « suspense » sont propices à l'étude de personnages qui, suite à un événement particulier, vont mettre leur quotidien entre parenthèses pour mener une quête, partir à la recherche de quelque chose. Cette recherche leur donnera un nouveau regard sur le monde, sur les autres, et bien souvent sur eux-mêmes. C'est cet autre regard que je traque, un nouvel angle de vue permettant de découvrir les autres, leur culture... ou de révéler des événements tenus secrets ou enfouis dans leur propre passé.
La description des lieux contribue à l'intrigue, au mystère, à l'atmosphère du roman. Elle permet au lecteur de mieux plonger dans l'univers romanesque. Pas facile de véhiculer l'émotion ressentie lors de la découverte d'un lieu sans y être allé soi-même et s'être laissé imprégner par l'ambiance, sans avoir pris le temps de discuter sur place avec les habitants... alors je fais souvent ma valise et je me rends sur place.
Mais il m'arrive parfois de modifier volontairement certains sites pour les besoins de la fiction ou pour renforcer l'atmosphère pesante, angoissante ou étrange de l'endroit.


Votre parcours professionnel est riche et varié (études de vétérinaire, de psychiatrie, d'histoire...) Cherchiez-vous votre voie ou était- ce une soif d'apprendre ? On retrouve d'ailleurs une grande trace de vos diverses expériences au cours de vos romans avec une place importante pour l'Histoire et la psychologie des personnages.
    Si chercher sa voie signifie en abandonner certaines pour en suivre d'autres, ce n'est pas mon cas. J'accumule et garde tout. Dans la mesure où les domaines étudiés (psychiatrie, Histoire...) me passionnent, je les intègre souvent dans mes romans.C'est donc plutôt une soif d'apprendre. L'impression qu'une vie n'y suffira pas.


L'Histoire est très présente dans votre œuvre, vous en explorez les méandres du passé de l'Allemagne. Qu'est-ce qui vous passionne,  dans cette période particulièrement ?
    Je suis né en Picardie, et mes grands parents, mes grands oncles et grands tantes se sont beaucoup impliqués lors de la seconde guerre mondiale dans la défense de leur région envahie par les Allemands.
Je n'ai jamais connu mon grand-père maternel, fusillé par les Allemands tandis qu'il tentait de leur voler des armes en 1944. Mon père l'a peu connu également et a été élevé en orphelinat.
Parmi les frères et sœurs de mon grand-père, nombreux sont ceux qui ont fait de la résistance, ont été fusillés ou enfermés dans des camps.
On m'a raconté beaucoup d'histoires sur eux quand j'étais gosse, ça m'a marqué.
Difficile maintenant de tirer un trait sur le passé. Alors j'en nourris mes romans.


Les personnages principaux de vos  romans sont tous en quête de leur propre histoire, de leur propre identité. Ils ont un caractère très travaillé  pour ne pas dire « dérangé » pour certains. Pouvez-vous nous expliquer votre façon de les créer. Avez-vous besoin de faire leur profil avant ou s'impose-t-il dès le début dans votre esprit ? 
    Avant d'initier l'écriture d'un roman, j'élabore un plan très détaillé où les éléments clé de l'histoire, les principaux ressorts de l'intrigue et les personnages majeurs sont minutieusement décrits. Et en général, j'essaie de m'y tenir. A mon avis, pour que le suspense fonctionne, la part d'improvisation doit rester marginale... ce qui n'empêche pas à certains caractères de se préciser au cours de l'écriture. Les personnages de roman sont comme nous : en fonction des dialogues qu'ils établissent entre eux ou des détails de leur quotidien, ils nous révèlent certains aspects de leur personnalité profonde.


Le mariage de l'Histoire et de la psychologie dans vos romans est-il pour vous, une façon de faire partager vos passions ? Pourquoi avoir choisi le polar comme forme ?
    Effectivement, marier Histoire et psychologie (ou psychiatrie) permet de partager mes passions même si ce n'est pas délibéré. En effet, ces domaines sont suffisamment riches pour pouvoir être explorés à maintes reprises au fil des romans.

Les polars ou romans « suspense » ont été mes premiers livres d'enfant et c'est ce type de roman qui m'a procuré mes plus grands plaisirs de lecture. Le suspense permet de développer tous les aspects des autres genres littéraires (que ce soit les romans historiques, d'aventures, d'amour...) avec en prime l'engagement de surprendre le lecteur à la fin. C'est une littérature interactive dans laquelle le lecteur suit le héros dans sa quête, tente de déjouer avant lui les pièges qu'on lui tend, essaie de déceler les fausses pistes... et ce jeu du chat et de la souris entre lecteur et auteur me plaît bien.


Avez- vous un autre genre qui vous tente ?
    Pas pour l'instant. Le roman policier, suspense, thriller, noir... est un genre tellement riche que je suis encore loin d'en avoir fait le tour.


Dans La maison des enfants rouges, l'ambiance et la comptine nous font penser à Agatha Christie et  Dans La chambre d'ambre,  par certains cotés, à Shutter Island de Denis Lehane. Ce sont  des références volontaires de votre part ou inconscientes ? De quels auteurs vous sentez- vous le plus proche ?
    Ce n'est pas volontaire. Peut-être inconscient. En tout cas, cette remarque me fait énormément plaisir, ces deux auteurs m'ayant procuré d'intenses plaisirs de lecture : Agatha Christie, la vieille dame du crime et des histoires à énigmes qui a exploré tant de pistes ! Quant à Shutter Island, un travail d'orfèvre, rien à dire. Un petit frisson en repensant au prologue et à l'épilogue. Chapeau !
Je ne me sens pas particulièrement proche d'un auteur en particulier. Mais j'ajouterais à votre liste Serge Brussolo dont les univers me fascinent.


Les dernières pages de vos livres sont à chaque fois une claque pour le lecteur, êtes-vous donc un tantinet  sadique ou alors aimez-vous faire durer le suspens ?
    C'est vrai, j'aime faire durer le suspens et j'attache beaucoup d'importance à l'épilogue. J'essaie de le rendre surprenant ou émouvant. J'essaie de chahuter le lecteur pour qu'il garde quelque chose de la lecture. Y a-t-il pire qu'un livre qui ne vous laisse rien ?
Je tente donc le tout pour le tout dans les dernières pages... tout en ayant à cœur de maintenir une certaine cohérence par rapport à ce qui précède. L'épilogue doit étonner tout en restant logique et crédible. C'est toute la difficulté mais également une grande part du plaisir que j'éprouve en préparant le plan de l'intrigue. Mais je suis très certainement sadique également...

 

Comment est née l'idée d'un roman sur La chambre d'ambre ?
    La Chambre d'ambre est une véritable énigme historique : des panneaux d'ambre sculptés au XVIIIème siècle, d'une valeur inestimable, qui ont été exposés pendant deux cents ans au Palais de la Grande Catherine de Russie à Saint-Pétersbourg. Ces panneaux ont été volés par les nazis pendant la seconde guerre mondiale et n'ont jamais été retrouvés depuis.Cette énigme, très populaire dans les pays de l'Est, est quasiment inconnue en France. Je la connaissais et j'avais envie de la partager.La « huitième merveille du monde », puisque c'est le nom qu'on donne à ces panneaux d'ambre, a été façonnée par les maîtres ambriers de Gdansk, une ville polonaise au bord de la Baltique. Situer l'action de La Chambre d'ambre en Pologne, c'était aussi l'occasion de parler de l'atmosphère très particulière de ce pays envahi et pillé à maintes reprises, témoin d'événements particulièrement terribles au cours du siècle dernier. C'était également l'occasion de décrire la vision que j'avais de la Pologne avant de m'y rendre. Difficile dans ce roman maintenant de faire la part du réel et du fantasme... mais mon imagination est certainement pour beaucoup dans l'ambiance du roman, même si la ville de Gdansk est fascinante en soi.

Le point de départ de l'histoire se situe dans une ancienne prison, lieu d'interrogatoires musclés dans les années cinquante, puis transformé en hôpital psychiatrique. C'est dans ce lieu glacial qu'on découvre Lorelei, une jeune patiente présentant des cauchemars récurrents où le corps mutilé d'une femme apparaît. Très vite, le cauchemar deviendra réalité.


La chambre d'ambre est écrite à la première personne. Est-ce l'histoire qui vous l'a imposée ou est-ce un exercice d'écriture auquel vous souhaitiez essayer ?
    La première personne facilite - me semble-t-il - l'identification du lecteur au héros. Dans La Chambre d'ambre, ce héros est un détective privé dont on comprend dès le prologue que sa propre histoire est lourde et terrible, sans en connaître les détails. S'identifier à quelqu'un que l'on ne connaît pas très bien, un homme qui se dévoile lentement au fil des pages, c'est difficile. Je pensais que cela contribuerait à l'atmosphère pesante du livre qui repose sur ce personnage - Ludovic - et sur l'univers oppressant de l'hôpital psychiatrique. A vous de me dire si vous l'avez ressenti ainsi. 


Allons -nous retrouver un personnage de La Chambre d'Ambre dans un futur roman ?
    Pas dans le cinquième roman que j'ai déjà initié. Mais dans le futur, qui sait ? Il suffit d'expulser un personnage pour lui donner l'envie de réapparaître. Alors...

 

Quels sont vos projets ?
    Un cinquième roman dont je n'ai écrit qu'une cinquantaine de pages et dont je ne peux pas encore parler. Allez, juste une information : l'action débute à Paris.

 

Quel est votre regard sur le monde des forums, sites sur Internet et des rencontres lors des salons ?
    Les forums et rencontres lors des salons sont des lieux privilégiés de partage entre auteurs et lecteurs, l'occasion d'échanger : le lecteur peut approfondir certains passages du livre ou le point de vue de l'auteur ; l'auteur peut appréhender la façon dont le lecteur s'est approprié son livre. C'est formidable !

En ce qui me concerne, j'indique en général mon adresse e-mail à la fin de mes romans afin de favoriser ce partage juste après la lecture de l'épilogue. Les forums et les salons permettent parfois d'aller plus loin.

A la faveur de ces discussions, j'ai parfois un regard différent sur certains de mes romans. Mes histoires s'animent alors d'une vie propre dans l'esprit des lecteurs.


Vous avez le mot de la fin
    Pas si facile de mettre un point final... je préfère le début des histoires, pas le moment où tout s'arrête. Je vais donc appeler Agatha, la vieille dame du crime, à la rescousse. Et citer son roman qui reste mon favori. La nuit qui ne finit pas.

La citation : In my end is my beginning. A méditer...


   Du même auteur : Biographie, chronique, interview

 

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