Alexandre Moix

Alexandre Moix

 

Bonjour Alexandre Moix, nous avons une question qui est devenue un rituel sur Plume Libre ... Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur qui est Alexandre Moix ?
Un grand enfant de 35 ans qui adore écrire et réaliser des films et qui fait tout pour continuer à croire qu'il y a des monstres dans les égouts, des manoirs hantés un peu partout, des fantômes à l'Opéra, des esprits qui font tourner les tables, un trésor enfoui à Rennes-le-Château et des lutins qui vivent à l'intérieur des prises de courant et qui courent dans les fils à toute vitesse pour allumer la lumière dès qu'on appui sur un bouton. J'aime la poésie de l'enfance, un peu moins le monde des adultes avec sa dictature du sérieux. Je préfère Pif Gadget à Managment !

Qu'est ce qui vous a poussé à l'écriture ?
Je suis né dans les livres. Petit, chez parents, je voyais des montagnes de livres grimper jusqu'aux plafonds. Mon père, amoureux de littérature, possédait des bibliothèques qui m'impressionnaient. Donc, je suis arrivé à l'écriture par la lecture. J'ai beaucoup lu. A l'adolescence, pendant que mes copains passaient leurs soirées devant des jeux vidéo, je passais les miennes avec Boris Vian, Stendhal, Zweig, Baudelaire, Proust, Rousseau, Maupassant, etc... Tous ces écrivains sont vite devenus mes meilleurs amis et plus tard, une véritable seconde famille. Je me sentais bien avec eux. Puis l'envie de les imiter, de faire comme eux, est arrivée. C'est Proust (le choc !) qui en fut le déclencheur. Bizarrement, l'écrivain le moins imitable de tous les temps est celui qui m'a donné le plus envie de devenir écrivain.


Vous avez d'abord commencé par le journalisme, comment en êtes-vous venu à la fiction?

J'ai d'abord beaucoup écrit dans mon coin avant de faire du journalisme. Je m'entraînais aussi dans des journaux que j'ai fondés au collège ou à la Fac. C'est comme pour le piano. Avant de savoir bien en jouer, il faut passer par des années de galères à répéter des gammes et des morceaux insipides. Puis, quand je suis arrivé à Paris, baïonnette au stylo, je suis allé cogner aux portes des journaux. Je pense que le journalisme est la meilleure école d'écriture qui soit. Ça apprend à être clair, précis, sans fioriture, avec la contrainte du nombre de mots. Mes années à « Sciences et Avenir » et au « Nouvel Observateur » m'ont beaucoup appris.

Avant « Les Cryptides » vous avez écrit un autre livre (Second rôle) qui est une sorte de clin d'œil à ceux qui ont jalonné votre passé (on ne va pas faire l'étalage de votre famille aujourd'hui c'est à vous que nous nous intéressons :o) , était-ce un « mal » nécessaire » ?
Au contraire. Ecrire ce livre a été un vrai bonheur. D'ailleurs je ne peux écrire que si tout va bien. Je serais incapable d'écrire en état de mal être, de dépression. Certains y parviennent et ont même besoin de ça, moi pas. Mon moteur, c'est le bonheur, la tranquillité d'esprit, le bien être. « Second Rôle » est un roman générationnel qui, sur fond d'absence de relation avec un frère devenu connu, trace le portrait d'un trentenaire dans ses difficultés à vivre dans le monde actuel. Je parle de la famille et des ravages psychologiques que peuvent provoquer les préférences des parents pour un de leur enfant plutôt que pour tel autre. J'explique aussi que certains « morts » que l'on admire peuvent s'avérer parfois plus importants que certaines personnes vivantes qui nous entourent. Pour ma part, François Truffaut a été pour moi quelqu'un de très important. Lui et ses films m'ont réconforté et épaulé plus que certains de mes proches. J'allais puiser dans son œuvre ce que la vie était incapable de m'apporter : de l'affection. Il y a aussi les films de Pagnol et de Claude Sautet, l'acteur Patrick Dewaere (à qui j'ai consacré un documentaire) et des écrivains comme Proust qui ont été également très présents. Tous ces « morts » m'ont soutenu à certaines périodes. Ils m'ont facilité l'existence quand d'autres autour de moi s'ingéniaient à me la pourrir. C'est pourquoi, ils apparaissent dans mon livre. 

Dans « Second Rôle », vous racontez les déboires et les difficultés d'un trentenaire dans la société actuelle. C'est si dur de passer le cap des 30 ans ?
30 ans est un symbole. Le symbole du passage à l'homme sérieux. C'est l'âge où l'on est vraiment censé être un adulte pour toujours. A 30 ans, on attend de vous que vous soyez devenu enfin un type sérieux, avec un métier sérieux, une vie sérieuse, une femme sérieuse, que vous soyez un mari sérieux dans un couple sérieux et un père sérieux capable d'une éducation sérieuse pour des enfants qui deviendront eux-mêmes un jour sérieux. A 30 ans, votre destin est scellé. Votre avenir, sûr et limpide. A 30 ans on ne tergiverse plus. C'est l'âge où l'on commence d'ailleurs à prendre son enfance et son adolescence de haut. 30 ans est l'âge où l'on se renie soi-même. C'est l'âge de la trahison : on méprise celui que nous étions il n'y a pas si longtemps. A 30 ans, on n'a plus le droit d'avoir la naïveté de l'aviateur qui se prend au jeu du Petit Prince. Il est préférable d'être le « Businessman » qui fait des calculs sur sa planète.


Pourquoi avoir choisi la littérature jeunesse pour votre second roman ?

Parce que j'aime le monde de l'enfance. J'aime sa poésie, son insouciance. C'est un univers reposant dans lequel je me sens bien. Tout y est possible. L'absurde, l'irrationnel. Avec ce deuxième roman, j'ai découvert ce qu'est vraiment la Page Blanche : celle où il n'y a rien, où tout reste à faire, où tout est possible. C'est comme un mini big-bang. Un premier mot lancé sur une feuille et c'est tout un univers qui explose et se forme à partir de rien. Ce que j'aime dans la littérature jeunesse c'est l'humilité qu'elle inspire. Le fait que les lecteurs se fichent pas mal de l'auteur. Preuve que les enfants et les adolescents ne s'intéressent qu'au contenu. Les histoires et les personnages ont plus d'importance que l'auteur. C'est une belle leçon pour les écrivains de littérature adulte, qui sous prétexte de s'être fait un nom une fois en début de carrière, continuent d'écrire de mauvais livres. En jeunesse, si un livre marche, on ne le doit qu'aux lecteurs. C'est gratifiant. Mais, j'adore aussi écrire de la littérature adulte. La suite de « Second Rôle » est d'ailleurs en attente.


Passons maintenant aux Cryptides, une série de livres qui donne la part belle aux animaux mystérieux et extraordinaires. Le premier, « A la poursuite du Kraken » nous confronte à l'une de nos plus grosses interrogations : qui se cache dans nos fonds marins ? D'où vous sont venues l'idée et surtout l'envie d'écrire sur ce thème ?

Les Cryptides (4 premiers tomes sont déjà prévus) est le titre d'une série de fictions, basée sur un thème qui n'a jamais été abordé : la « cryptozoologie », cette science marginale qui a pour sujet les animaux énigmatiques (les Cryptides) dont la science officielle refuse d'admettre l'existence. Certains Cryptides sont célèbres : le monstre du Loch Ness, le Yéti, le Kraken, le Grand Serpent de mer, Big Foot, etc... Depuis toujours l'humanité a été confrontée à ces monstres légendaires. Elle leur a donné le nom de dragon, de chimère, de griffon, d'homme sauvage... Ces noms font sourire mais... Savez-vous que certains cryptides sont devenus de véritables animaux et ont regagné le terrain de la zoologie ? Le varan de komodo, le calmar géant, le tapir, l'okapi, le grand panda, le coelacanthe, la girafe, étaient considérés avant comme des monstres improbables. De 5000 à 8000 espèces sont ainsi inventoriées tous les ans.
Alors, mythe, réalité ou dissimulation ? J'ai découvert la cryptozoologie quand j'étais journaliste à « Sciences et Avenir ». Le Muséum d'Histoire Naturelle de Lausanne, en Suisse, venait d'ouvrir un département de cryptozoologie. J'ai couvert l'évènement. J'ai été immédiatement fasciné par cette discipline pleine de poésie qui soulève en nous un tas d'interrogations. Et je me suis dit que ce serait une idée formidable pour une série de romans jeunesse. C'est un thème en or.  !


Les héros de ce livre sont 4 : Adèle 17 ans, les jumeaux Boris et Béa 14 ans et Tom 10 ans ... Pardon nous oublions le principal ... Nono 3 ans. Pourriez-vous nous les présenter et comment sont-ils nés dans votre esprit ?

Wow.  Adèle (17 ans) est la cousine de Boris, Tom et Béa. Elle avait un an à peine quand ses parents sont morts dans d'étranges circonstances (on apprendra plus tard comment). Elle est jolie, brune, les cheveux au carré. C'est l'aînée des quatre. Débrouillarde, intelligente, rusée, elle est passionnée de biologie et de médecine. Elle est sait parler plusieurs langues, se fait l'interprète du groupe et intervient le cas échéant auprès des autorités (police, administration...) en jouant de sa maturité et de sa séduction. Ses défauts : elle aime le confort et déteste camper, par exemple. C'est une fille courageuse. C'est la meneuse du groupe.

Boris, lui, a 14 ans. C'est le frère jumeau de Béatrice (dit Béa). Il est sportif, aventurier dans l'âme. C'est une tête brûlée que les autres doivent régulièrement rappeler à l'ordre et qui prend des risques insensés qui pourraient parfois mettre l'équipe en danger. Boris est indiscipliné et turbulent. Il n'a jamais peur de rien et passe son temps à chercher des poux à Béa, sa jumelle.

Béatrice (dit « Béa »). Elle a 14 ans, c'est donc la sœur jumelle de Boris et la maîtresse de Nono, son suricate apprivoisé. Béa est un peu enrobée. Ses frères et sa cousine ainsi que ses parents la réprimandent toujours quand ils la voient manger. Elle est gourmande. C'est une forte tête. Elle boude facilement et déteste les exercices physiques (marches, randonnées en vélo...). Elle est néanmoins, un excellent faussaire capable de contrefaire tous les documents possibles (cartes de presse, passeport, cartes de police etc.). C'est une véritable artiste très habile de ses mains, capable de fabriquer des pièges, des empreintes digitales... Elle a pour passion la photographie.

Tom a 10 ans. C'est le cadet de la bande. C'est un rêveur plutôt réservé et timide. Hypermétrope, il possède des lunettes grossissantes. C'est un petit génie. Personne ne l'écoute et on lui coupe facilement la parole. Il a pourtant presque toujours raison. Féru de sciences et de littérature, il dévore tous les livres qui lui tombent sous la main. Il est pour beaucoup dans la réussite des enquêtes. Très intuitif, Tom sait se concentrer et faire usage de logique. Casse-tête, rébus, énigmes, codes secrets, rien ne lui résiste. Il a la tête bien pleine et bien faite. Tom est petit pour son âge et semble avoir huit ans ; mais n'a cependant aucun complexe avec sa petite taille. Bien au contraire, elle lui offre l'avantage de pouvoir se glisser partout, de se faufiler dans des endroits trop étroits pour les autres.

Nono, le Suricate. Il a 3 ans. C'est la mascotte de la série. Il est doué d'une intelligence, d'un flair et d'une habilité remarquables et passe son temps à faire le pitre. Gérald Abelmans, le grand-père des enfants, l'a offert à Béa pour ses 12 ans. Il avait sauvé l'animal d'une inondation en Namibie qui avait détruit le terrier de son clan. Mais Nono n'est pas un suricate comme les autres. Ses capacités, notamment intellectuelles, dépassent et de loin, celles de son espèce. Nono sait ouvrir les portes, manipuler les clefs, comme certains singes, mais surtout, il est doté de précognition et sent de loin la présence des Cryptides quelle que soit leur espèce, mis à part l'oiseau Roc, son prédateur naturel. Son plus grand défaut : il adore les brochettes de Shamallow au miel. .


Comment avez-vous choisi les prénoms de vos personnages ?

En fonction de leur psychologie et de leur physique. Boris est un prénom dur qui lui va très bien : bagarreur et têtu. Tom correspond bien à sa petite taille. Béa fait « enrobée ». Adèle m'évoque une fille jolie et très intelligente. Quant à Nono, ça vient certainement d'un souvenir de dessin animé quand j'étais petit.


Votre série touche un jeune public (12 ans) mais de plus en plus de livres « Jeunesse » séduisent également les adultes (nous on a beaucoup aimé). Que pensez-vous de cet état de fait ?

Je pense que la littérature jeunesse a toujours attiré les adultes. Jules Verne, Stevenson, Dickens, Collodi, Poe, Maupassant, Gaston Leroux, Conan Doyle, H.G. Wells, Saint-Exupéry, Selma Lagerlöf, Marcel Aymé, Henri Bosco, Alain-Fournier... ont écrit pour la jeunesse et ont pourtant été lu par des adultes. Puis c'est comme si, tout à coup, la littérature s'était mise à devenir une affaire de « grandes personnes » dans la période « existentialiste » d'après-guerre. La littérature jeunesse est devenue un sous-genre. Il a fallu attendre Harry Potter, je pense, pour s'apercevoir que c'était une littérature de qualité pouvant s'adresser aux parents comme aux enfants. !

Les animaux mystiques et mystérieux : vaste programme ! Comment se sont passées vos recherches ?
Je lis beaucoup et j'amasse énormément de documents. Je commence au départ, par un vrai travail de journaliste.

La publication de cette série : parcours du combattant ou rêve doré ? 
Rêve absolu ! Mon éditeur (Plon) n'a pas hésité une seule seconde. Il a été le premier enfant à avoir les yeux qui brillent et à y croire.


Que pourriez-vous dire aux lecteurs afin de leur donner envie de découvrir votre livre ?
Si vous avez aimé Si vous avez aimé Harry Potter...
Si vous avez aimé Da Vinci Code... 
Si vous avez aimé Le Club des Cinq...
Alors, vous adorerez « A la poursuite du Kraken » ! . 


Les trois livres qui forment la suite des aventures de nos jeunes héros sont-ils déjà prêts ou il vous reste encore un peu de travail sur le sujet ?

Ils sont en cours d'écriture.


Quels sont vos projets pour l'année 2009 ?
La suite. 


Pour celles et ceux qui ont lu et adoré « A la poursuite du Kraken » Auriez-vous un petit scoop sur ce qui les attends dans le prochain ?
Que les égouts de Paris ne sont pas si déserts qu'on le croit...

Votre roman « Second Rôle » est en cours d'adaptation au cinéma. Avez-vous travaillé vous-même sur le script ?
Oui. J'ai moi-même tout réécrit. L'adaptation telle quelle était impossible. Ce qui marche dans un livre ne fonctionne pas nécessairement au cinéma. Ce sont deux langages différents.


Après des documentaires et deux courts métrages, vous passez à l'écriture de votre premier long. Vous pouvez nous en dire un peu plus ?
Non, malheureusement, il est beaucoup trop tôt pour en parler.  ?


Une adaptation des Cryptides est-elle prévue ?

Pas pour l'instant. Mais si Luc Besson, par exemple, avait envie de s'y coller, je ne dirais peut-être pas non. 


Quels sont vos derniers coups de cœurs littéraires, musicaux et cinématographiques ?
Mes derniers coups de cœur restent bien souvent mes premiers : Le petit prince, Le Grand Maulnes, A la recherche du temps perdu... Ah, si ! J'ai beaucoup aimé L'alchimiste de Michael Scott chez Pocket Jeunesse et Les Croix de bois de Roland Dorgelès que je n'avais jamais lu. En film, rien ne me transcende. Alors je me retourne vers les incontournables chefs-d'œuvre : Les 400 coups, Amarcord, La Belle équipe, les films de Pagnol, Duvivier, Renoir, Carné... En musique ? Julien Doré qui est totalement déjanté et qui possède une vraie folie.


Vous avez le mot de la fin ... 
« Il ne suffit pas, pour écrire, d'attirer l'attention et de la retenir. Il faut encore la satisfaire ». Joseph Joubert

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