Marin Ledun







Novembre 2008





Marin Ledun a bien voulu nous accorder une interview en Live réalisé lors du dernier festival des Utopiales (Festival International de Science-Fiction de Nantes). Disponible, ouvert et bavard, il nous a captivé pendant la durée de cet entretien. Nous espérons que cette transcription sera fidèle au plaisir que l'on a eu lors de cette rencontre. Il faudra patienter début 2009 pour voir de nouveau Marin Ledun prendre la plume pour nous conter les aventures de Mona Cabriole, une œuvre collective. De la patience aussi il en faudra pour pouvoir lire son prochain livre solo qui paraitrait fin 2009 ou début 2010 : "La Guerre des Vanités" parution à la Série Noire.
Bonjour Marin Ledun, nous avons une question qui est devenue un rituel sur Plume Libre. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur qui est Marin Ledun ?
Je n'aime pas beaucoup parler de moi (visiblement gêné). J'aime vraiment pas parler de moi si ce n'est que l'on peut dire  que j'écris depuis le début des années 90. J'écris juste pour écrire et pas forcément pour publier quoi que ce soit. Essentiellement des notes de lecture, surtout sur des ouvrages en sciences humaines et sociales. Très peu de romans. De la science-fiction. En fait cela est venu d'une chanson de Meat Loaf où un homme et une femme dialoguent. Elle commence comme cela avec la voix de l'homme :
« On a hot summer night, would you offer your throat to the wolf with the red roses?" et après il y a un dialogue qui s'enchaîne avec la femme. Et moi cette phrase là, elle m'a fait énormément travailler mon imaginaire et c'est à partir de là que j'ai commencé vraiment à m'intéresser, à l'époque j'avais 16-17 ans, surtout à la SF, beaucoup à l'imaginaire et un petit peu à ce que j'ai découvert plus tard comme s'appelant le roman noir. Et avec le côté les loups avec les roses, et le coté érotique de ce dialogue. Pour moi c'est le début parfait d'un roman, d'un polar et puis d'un autre côté tout l'imaginaire lié au loup, au monstre, à la figure biblique de la bête etc.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours qui vous a mené à l'écriture ?
Cette chanson cristallise pas mal de choses. On peut rajouter un élément qui a été super structurant car en fait je ne serais jamais passé à l'écriture pour les autres. J'écrivais uniquement pour moi. Gilles Deleuze a un mot très juste là-dessus. Il explique qu'écrire, c'est écrire pour. C'est-à-dire à l'intention de (quelqu'un), mais aussi à la place de. Ce n'est donc pas une écriture pour soi. J'ai donc fait une thèse de doctorat, un gros pavé d'un million de signe, un an et demi d'un lent travail d'écriture, et j'ai compris que j'étais capable de mener un gros projet d'écriture à bout. Un cap a été franchi. J'ai fini ma thèse, après des échanges houleux avec des copains qui refusaient  de la lire car c'était imbitable. Et du coup c'est parti de là et je me suis dit : pourquoi ne pas essayer d'écrire un roman ?
L'édition de « Modus Operandi ». Un conte de fée ou bien un parcours du combattant ? Comment s'est fait la rencontre avec votre éditeur « Au Diable Vauvert » ?
En fait je suis un enfant gâté. Je ne pourrais pas dire si c'est un conte de fée ou un parcours du combattant. Cela s'est fait assez spontanément. En fait le jour où mon premier manuscrit a été fini en l'occurrence ce n'était pas « Modus Operandi » mais « Marketing Viral » mais qui a été publié après pour des logiques éditoriales. Je ne connaissais pas du tout ce milieu là, je ne m'y étais jamais intéressé. A qui envoyer mon manuscrit ? Mon entourage m'a suggéré de choisir en fonction des auteurs que j'aimais. J'ai sorti quelques livres de ma bibliothèque. Il y a avait des Ayerdhal, des Bordages, des Orson Scott Card, des Série Noire. J'ai posté mon manuscrit aux différentes maisons qui les publiaient. Et au final après moult pérégrinations, cela s'est fait très rapidement en quelques semaines. Apparemment j'ai eu beaucoup de chance. Plusieurs propositions plus tard, et j'ai fini par décider d'aller « Au Diable Vauvert » pour ces romans là précisément. (Enthousiaste) Attendez, je suis dans la même maison qu'Ayerdhal et Bordage. C'était un rêve d'adolescent, je les lisais avant. Jamais je n'aurais pu imaginer pouvoir publier avec eux. Le livre a quelque chose de sacré quand on est face à une bibliothèque.
J'ai rencontré Grégoire Hervier tout à l'heure qui est aussi publié « Au Diable Vauvert » et il chantait les louanges de cette maison d'édition.
C'est une excellente maison d'édition, ils ont un catalogue fantastique qui attire des publics extrêmement variés. Je me souviens de mon premier titre acheté, « La parabole du semeur » d'Octavia E. Butler. J'ai découvert « Au Diable Vauvert » comme cela. C'est aussi grâce à eux que je suis arrivé à Ayerdhal et Bordage. Par la SF et l'imaginaire, en quelque sorte. Puis il y a eu aussi Vaquette, Alexa D. Jestaire, William Gibson, de sacrés noms !
Avant cela vous avez eu « La démocratie assistée par ordinateur » de paru aux éditions «Connaissances et Savoir ». Pouvez-vous nous parlez un peu de cet essai ? Est-il accessible à tous les publics ?
C'est la publication de la thèse de mon doctorat, en partie retravaillée. C'est une thèse qui est je pense passionnante mais sans doute chiante à lire. Je m'excuse du gros mot. Je la conseille aux gens qui ont déjà l'habitude de lire de la sociologie. Elle traite des questions de l'introduction de la technique dans la sphère politique de la fin du XVIIIème siècle à nos jours qui couvre le vote électronique, les machines à voter, l'histoire des techniques de manipulation des foules, les sondages d'opinion, Internet, etc. C'est une thèse de doctorat donc c'est un peu pointu. Il est donc nécessaire que les lecteurs soient des gens déjà intéressés. Il y a dû avoir 10 personnes au monde qui l'ont lue. Enfin, j'exagère. Sans doute plus.
Pourtant elle est en vente ?
Il y a beaucoup d'élus, des gens qui travaillent dans les collectivités locales qui sont intéressés par ces problématiques. Des hauts fonctionnaires, des spécialistes en management, etc.
Comment avez-vous vécu la sortie de « Modus Operandi » ? Angoissé, heureux ?
Je n'étais pas particulièrement angoissé mais plutôt très excité. Trop sans doute. Un premier roman c'est particulier car on attend avec impatience sa sortie. On voit cela comme un événement qui est en fait un micro-micro-micro événement dans l'univers et même déjà dans l'univers de l'édition. Et à la fois c'est le moment où l'on se sépare du manuscrit. A partir du moment où il est publié il y a à la fois le coté excitation, la découverte de la couverture, la découverte de ce qui va se passer avec la sortie etc. C'est le moment où le bouquin ne nous appartient plus. En plus la durée de vie des bouquins, je parle des objets marchands, aujourd'hui est hyper limitée pour être plus terre à terre Donc c'est un événement qui passe très vite. Et puis, on passe vite au suivant.
Comment vous êtes vous rendu compte de l'écho que rencontrait le livre ?
En fait il y a trois types de retours. Il y a d'abord l'enthousiasme de l'éditeur qui est en contact avec beaucoup de personnes à travers ses distributeurs et ses diffuseurs. C'est un aspect que je ne maitrise pas trop. Il y a le retour des libraires. Quand on a un libraire qui commande 5 ou 10 livres, voire dix fois plus, parce qu'il a adoré et qu'il le signale à l'éditeur, c'est hyper stimulant. Et puis après il y a justement des forums type Plume Libre ou Polars Pourpres où les gens en discutent sans pour autant que je lance le sujet. Alors là je m'aperçois que non seulement le livre ne m'appartient plus mais qu'il est en train de devenir quelque chose, autre chose. C'est là que l'on mesure le plus je pense. Après il y a les salons mais quand on est un nouvel auteur c'est ...
Un peu dur ?
C'est pas que c'est un peu dur, c'est que les gens ne vous connaissent pas. Ils ne vont pas spontanément se déplacer faire 10 ou 20 kilomètres pour vous rencontrer, c'est normal. A coté de cela il y a Bordage qui a des queues interminables (rires).
C'est vrai qu'il rencontre toujours un grand succès ici (aux Utopiales)
En plus il est du coin. Ce sont des gens qui ont beaucoup de livres, moi c'était un premier livre. Tout cela est un peu paradoxal, j'imagine. Une sorte de grand écart entre la solitude de l'écriture et le bruit et la fureur des salons et des dédicaces. Je ne sais pas trop quoi en penser, à vrai dire.
A Plume Libre, on est tombé direct sous le charme. Aviez-vous conscience dès le début de tenir une formidable histoire et un personnage inoubliable ou bien est-ce que cela s'est dessiné au fur et à mesure de l'écriture ?
La trame, l'histoire ? En fait j'ai écrit d'abord l'épilogue de Modus Operandi. Le premier truc que j'avais en tête c'était la fin. Je savais exactement ce qui allait se passer. Sauf qu'en fait cela ne se passait pas du tout dans ce contexte là. C'était un contexte type complètement imaginaire dans un futur plus ou moins proche, c'était un bouquin complètement différent mais j'avais déjà la fin, la chute. Et la thématique, naturellement. Et puis je me suis dit que si je voulais que cette chute soit un peu plus percutante il fallait peut-être que je fasse une histoire beaucoup plus terre-à-terre, beaucoup plus concrète pour que tout le monde voit où je veux en venir. Du coup je suis parti sur cette enquête avec ce flic mais le flic s'est dessiné petit à petit. Au début j'avais une vague idée de flic mais comme ce n'est pas forcément mon monde, pas du tout d'ailleurs, ce personnage là s'est inventé petit à petit. Il a vraiment pris forme au fil de l'écriture. Très caricatural, très dur, presque désespéré.
Cela donne à la fin un personnage bien fouillé, bien complexe.
Cela dit ce personnage là c'est aussi un agrégat de plein de gens que je connais. Je veux dire, un personnage il ne tombe pas de nulle part. Une sorte de synthèse atemporelle, qui se fiche de l'époque, du temps, des lieux.
Donc gros succès critique. Gros succès public ?
Il est sorti en poche, il sort en Espagne aux éditions El Anden à la fin de l'année. Donc c'est très encourageant. C'est un pas vers un gros succès, au sens où l'objectif, c'est d'être lu. Comme je vous le disais tout à l'heure : écrire pour...
Du coup y a-t-il une pression particulière pour le deuxième ? Mais comme vous avez écrit le deuxième (« Marketing Viral ») en premier on va dire pour le troisième ?µ
Non, pas vraiment. J'ai encore trop de choses à dire et à écrire...*
Vous ne parliez pas d'une suite de « Marketing Viral » dans votre blog ?
J'en parle un peu. En fait parce que mon problème à moi c'est qu'à partir où je rentre dans un univers par exemple l'univers de « Modus Operandi » il y a un monde qui se crée. Un monde que je ne connaissais pas au départ et qui apparait d'un coup et qui se dessine au fur et à mesure de l'écriture. J'ai un projet que je ferais peut être dans 10 ans, peut être jamais où les personnages secondaires de « Modus Operandi » deviendraient les héros des autres suites. Je ne peux pas trop dévoiler la chute de « Modus Operandi » mais il y a une histoire imaginaire, une histoire réelle. Il y a des personnages réels, des personnages imaginaires qui peuvent devenir des personnages d'autres romans. Pour toujours continuer à parler de Grenoble, de ce quartier.
Cela me rappelle la trilogie réalisé par Lucas Belvaux (Un couple épatant / Cavale / Après la vie) qui avait pour cadre Grenoble aussi.
J'ai été en contact avec lui. On avait échangé sur « Modus Operandi ». Pour discuter de ce livre qui le touchait et de son univers. Il m'a donné des conseils pour d'éventuelles adaptations.

Oui où dans la trilogie les personnages secondaires d'un film devenaient les héros d'un autre film.
Oui mais là c'est particulier, je ne peux pas trop en dévoiler c'est un peu compliqué (rires)...d'en parler. Et du coup « Marketing Viral » est aussi un projet qui est sous forme de trilogie même si les personnages sont différents. Avec trois thématiques « Marketing Viral » est sur la question du corps, la soumission des corps. Un troisième volet viendra clore cette histoire. Je ne sais pas si je la publierai un jour...
Mine étonnée de l'intervieweur
Oui j'écris, je ne fais que cela. Donc la suite qui serait plus sur le contrôle des esprits. Il y a encore un troisième tome qui serait plus sur tout ce qui touche à la rationalisation et la marchandisation de l'humain. Il y a par ailleurs une suite qui est déjà quasiment terminée une suite directe de « Marketing Viral » et de la suite des aventures de Jézabel. Mon problème c'est ça c'est que je crée des tas d'univers qui me plaisent et que j'ai envie de poursuivre sans pour autant l'avoir prévu au départ ce qui ne fait pas plaisir à mon éditeur qui aimerait que je suive une ligne droite. T'as commencé par « Modus Operandi » tu nous fais « Modus Operandi » jusqu'au bout et le problème c'est que l'imaginaire, l'envie d'écrire la façon dont cela sort c'est indépendant de ma volonté et c'est difficile à canaliser mais s'il faut que je fasse des efforts, j'avoue avoir un côté électron libre.
D'une manière générale comment vivez-vous les remarques sur vos livres ? Est-ce que cela peut influer sur votre écriture ?
Il y a trois personnes qui ont une influence sur ce que je fais : c'est ma compagne ma première lectrice donc si elle me dit « Ecoute là ça colle pas », je l'écoute en premier. Je cherche à voir si elle a raison, après on discute (rire). Je cherche à voir si c‘est cela. Ensuite il y a l'éditeur et après ma mère mais ça c'est autre chose.
Votre blog parle étonnamment peu de littérature, on sent plutôt des préoccupations très sociales. Comment utilisez-vous votre blog ? Quel point pensez-vous que cela amène ? Vu l'attaque sur les nouvelles technologies dans « Marketing Viral » on aurait pu penser Marin Ledun anti-technologie ?
C'est l'anarchie ce blog (rire). Au départ l'idée ce n'est pas de parler de mes livres. Un blog c'est souvent pour faire sa propre promotion. Donc ça j'y échappe pas, il y a forcément une part d'autopromotion d'une certaine manière mais le but c'était surtout de parler de tout le reste. Vous savez quand vous écrivez un bouquin, il est au départ deux fois plus épais que ce qu'il fait au final. Il y a tout un tas de matière, de documentation que l'on ne peut pas placer parce que ce n'est pas une thèse de doctorat. Plein de liens à faire avec le monde réel. Un bouquin est toujours en rapport avec le réel. C'est frustrant de ne pas en parler donc c'est ça l'idée. Sur le blog il y a eu des trucs sur les Roms à Grenoble. Dans « Modus Operandi » les Roms c'est que dalle, cela fait quelques lignes, je ne fais pas un manifeste la dessus mais il se passe beaucoup de choses là-dessus à Grenoble donc l'idée c'est de pouvoir amener une discussion. Après je n'ai pas envie de maitriser le truc, d'être hyper directif donc si les lecteurs ont envie de ramener cela au livre, moi je réponds à chaque fois avec plaisir. S'ils n'en parlent pas, ils n'en parlent pas, quoi ! D'ailleurs ce ne sont pas que des lecteurs qui viennent sur le blog, parfois ils viennent avec les mots clé... Donc l'idée du blog est vraiment de parler de ce qu'il y a autour et pas seulement de faire de la promotion même si j'ai envie de signaler que j'ai un bouquin qui va sortir là prochainement. Encore une fois, j'écris pour.
Comment percevez-vous internet sur la consommation de livre notamment à travers un bouche-à-oreille accéléré ? Pensez-vous que c'est un bien ou plutôt une menace en détruisant plus rapidement des livres ?
Oui une menace, c'est vrai. Je ne sais pas trop quoi en penser. J'ai l'impression qu'il existe des espèces de garde-fous. Sauf exception, les gens vont plus facilement prendre du temps, perdre du temps, gagner du temps à parler d'un livre qu'ils ont aimé que prendre du temps, perdre du temps à parler d'un livre qu'ils n'ont pas aimé. Sur Plume Libre ou sur Polars Pourpres parfois sur des blogs perso, les gens quand ils n'ont pas aimé un bouquin cela va faire une ligne. Ils ne vont pas s'embêter à développer sauf si vraiment ils ont une dent contre l'auteur ou dans le cas de quelqu'un de particulièrement cynique ou malsain. Mais Internet, les forums, tout ça, c'est jamais que la poursuite d'un phénomène qu'on connaît bien par ailleurs : le bouche à oreille. Avec des modérateurs, des arguments, peut-être plus. Et surtout de formidables possibilités de liens, vers d'autres choses. Mais il y a aussi beaucoup de bruit, d'entropie. On s'y perd un peu sans doute.
Votre opinion en tant que lecteur et en tant qu'auteur sur le début des lecteurs d'eBooks ?
A titre personnel je trouve cela débile, stérile et avant tout une histoire de gadget et de fric. Je pense que c'est un marché pour des gens qui ont envie de le développer. Encore que sous réserve, certains livres sont adaptés à ce support. Je ne connais pas assez le sujet. Par contre, il y a un truc qui m'intéresse pas mal, que je trouve assez sympa. Ce sont les livres audio qui se développent beaucoup parce qu'on est au volant de sa bagnole ou dans un endroit où c'est difficile de lire. Je trouve cela assez sympa. Mais il faut que cela se développe pour que cela soit raconté par des gens qui lisent super bien et puis cela ne peut peut-être pas se faire avec tous les livres. Mais en fait je ne suis pas très technologie. Je n'y connais rien, cela ne m'intéresse pas. A la fois incompétent et peu intéressé. Il y a un côté gadget qui m'agace. Et toujours cette idée derrière qu'on peut faire de l'argent avec. Le livre est assez industrialisé, comme ça, non ?
C'est un peu paradoxal parce que vous avez fait une thèse en rapport avec l'informatique et les libertés.
Ce doit être un truc psychanalytique. Il faudrait que j'aille m'allonger chez mon psy (rire). Cela m'interroge. Je ne peux pas nier que toutes ces choses là se développent. J'ai bossé là dedans pendant huit ans concrètement dans une grosses entreprise de télécoms. Donc du coup j'y suis sensible. Mais par exemple je n'ai pas de portable. Je refuse d'avoir un portable. C'est un fil à la patte. C'est un outil de contrôle social. Il y a aussi des gens qui souffrent dans ces boîtes de télécoms qui offrent des tas de services nouveaux tous les mois, au prix de politiques managériales désastreuses pour leurs salariés. Les mobiles créent du lien, mais détruisent beaucoup d'autres formes de liens sociaux, notamment dans leur rapport au temps, à la patience, au désir que crée l'attente..
C'est étrange on aurait pu penser Marin Ledun l'auteur de « Marketing Viral » comme un véritable geek de l'informatique
Encore une fois, j'ai bossé là dessus. Mais ça ne m'attire pas. Par exemple, j'ai découvert MySpace récemment. Concrètement, j'en avais entendu parler, il y a deux ans. Facebook j'en ai entendu parler, je n'ai jamais été voir ce que c'était. Même Internet ! J'ai fait des études en Sciences de l'information et de la communication. Quand Internet a explosé, cela a été le sujet de nombreux cours. J'ai utilisé pour la première fois concrètement Internet à l'époque où j'ai eu un contrat de recherche au Canada, c'était en 98 ou 99 alors que j'étais en DEA et que j'aurais déjà dû l'utiliser depuis longtemps. On me regardait comme un extra-terrestre. Je me souviens d'une collègue de classe qui m'expliquait qu'elle écrivait des lettres instantanées sans payer à son copain qui vivait en Angleterre. C'était en 1997. A l'époque, je tournai au stylo plume et à la Poste. J'étais sidéré. Je n'ai compris qu'elle parlait du mail qu'un an plus tard ! Alors que ça existait depuis des années. Je suivais les cours, mais fondamentalement, ça ne m'intéressait pas. Trop gadget. Je ne vois pas ce qu'il y a de révolutionnaire là-dedans. Je m'y suis mis par force avec le boulot, c'est devenu une habitude quotidienne, mais je regrette l'époque où je guettais le facteur et où je postais des lettres manuscrites pleine de passion ou d'espoirs. Je suis un has-been total sur ce genre de truc. Alors je sais l'utiliser mais je ne suis pas informaticien. Je n'ai jamais joué en réseau. Même avec Pac-Man sur Amstrad quand j'étais gosse, tous mes copains jouaient avec mais perso je détestais. J'ai dû faire un jeu vidéo dans ma vie, c'était MotoRacer et c'était à une époque où je devais vraiment m'emmerder (rire). Je ne critique pas mais ce n'est juste pas ma tasse de thé. J'ai trop de truc à faire : d'abord lire.
Sur votre blog vous annoncez une suite à « Marketing Viral ». C'est le prochain qui devrait sortir ?
Alors ce n'est pas le prochain qui devrait sortir car le monde de l'édition est un monde compliqué. Je ne vais pas en dire plus. Grosso modo, « Marketing Viral » se termine sur un point d'interrogation par rapport à l'avenir de Jézabel et de sa fille. Je poursuis cela. Dans « Marketing Viral » il se passe du temps, un certain nombre de mois entre la fin du roman et l'épilogue. Je vais travailler dans ce laps de temps et révéler le vrai visage de Jézabel qui n'est peut être pas celle que l'on croit.
Donc le prochain qui parait ce sera quoi et quand ?
Le prochain qui parait, il n'y a pas de date encore, disons entre avril et mai 2009 c'est une participation à une collection qui s'est monté il n'y a pas longtemps qui a démarré en juin dernier aux éditions « La tengo » qui s'appelle Rock et polar avec une héroïne qui s'appelle Mona Cabriole qui est journaliste à Paris. Chaque épisode se passe dans un quartier de Paris donc vingt auteurs. Vous pouvez vous rendre sur le site http://www.la-tengo.com/. Il y a Antoine Chainas qui va en faire un, j'en fais un qui doit sortir au début de l'année en tout cas avant juin prochain. Arthur H autrement, le chanteur qui en a fait un. Donc je participe à cela, je suis très content de le faire, c'est un exercice imposé assez difficile, c'est la première fois que l'on m'impose des personnages donc pour moi c'est une grosse souffrance. L'action se déroule à Paris dans le 5ème arrondissement, d'où le titre, La fenêtre du cinquième. J'y aborde la question difficile des sans-papiers et de certains trafics. Mais cela n'a rien d'historique. Je pars d'un fait divers douloureux et intolérable, ces personnes qui préfèrent sauter par la fenêtre plutôt que de retourner dans le pays qu'ils ont fui. Et après, j'en fais une histoire purement fictive, dans l'esprit de la collection.
Il y avait une bible ?
Oui, il y a une bible hyper contraignante pour moi alors qu'elle ne l'est pas du tout en fait, elle est même assez ouverte mais j'ai du mal à faire sans mes personnages à moi. Et puis un autre bouquin qui lui sortira dans un an qui est déjà terminé qui va s'intituler « La guerre des vanités » qui est différent de « Modus Operandi » mais dans le même ordre d'idée mais plus ambitieux, plus épais et plus noir si c'est possible (rire). Plus noir mais pas forcément plus glauque.

Pourtant « Modus Operandi » était déjà bien noir

Noir dans le sens roman noir c'est-à-dire critique social. Donc La Guerre des Vanités paraîtra à la Série Noire fin 2009, début 2010. C'est un projet assez ambitieux. Un roman très noir, encore assez différent des deux premiers. Il y sera question de recherches sur le cerveau, d'une petite ville ardéchoise de 10 000 habitants, de secrets de famille, de suicides d'enfants...
De plus en plus d'auteurs notamment dans le domaine de la SF ont une double casquette d'auteur pour « adulte » et d'auteur « jeunesse ». Est-ce que la littérature jeunesse serait un domaine qui vous tenterait ?
Auteur jeunesse ? Oui cela m'intéresse. Je n'en ai jamais fait. J'ai deux gosses qui me le demandent. Et j'ai découvert que beaucoup d'auteurs adultes se mettent à faire de la jeunesse
Par exemple Pierre Bordage
Lui dans son cas c'est un peu différent, c'est une commande. C'est une star. Il y a de nombreux auteurs qui s'y mettent car leurs gosses leur demandent « Raconte moi une histoire papa » ou maman d'ailleurs. C'est le premier public. Si tu lis une histoire à ton gamin et qu'il s'ennuie, tu vois que tu as loupé ton truc. En tout cas c'est un truc qui m'intéresserait. Et puis ça permet de boucler les fins de mois...
Est-ce la première fois que vous venez aux Utopiales ?
C'est la première fois que je viens aux Utopiales. J'en entends parler depuis neuf ans et je rêvais d'y venir en tant que lecteur et là j'y viens en tant qu'auteur. Donc c'est une première dans tous les sens du terme. Je suis ravi. C'est un salon fantastique !
Comment se sont passées vos interventions dans les débats sur « Le savoir en réseaux » , « Polar et SF » ?  Est-ce que c'est un exercice qui vous est facile ou bien vous faites vous violence pour y participer ?
Je suis pas du tout timide sauf quand il s'agit de parler de moi. Mais pour ces sujets là au contraire je suis trop bavard (rire). Comme en plus j'ai eu l'occasion de bosser sur ces sujets-là ou bien de les aborder à travers mes études. J'ai donc plein d'anecdotes, plein de trucs à raconter. Donc oui, la dessus cela ne me gène pas du tout. Même si je suis plus à l'aise à l'écrit qu'à l'oral, c'est certain. Je ne suis pas un grand orateur. Mais j'ai envie de parler de ces choses là et de soulever des polémiques et là il y a des intervenants super intéressants. D'un autre coté je ne me sens pas légitime pour le faire. Je suis embêté par exemple pour parler de sécurité de réseau. Il faudrait que je sois soit un chercheur hyper pointu qui ait travaillé là-dessus soit un écrivain qui n'écrive que sur la sécurité, soit un technicien spécialiste des technologies de cryptage. Et ce n'est pas le cas. J'ai l'impression d'être un individu lambda qui parle juste parce qu'il est écrivain. Toi si ça se trouve tu es dix fois plus spécialiste que moi sur la question.
Je suis informaticien...
Et bah voila (rire), tu l'es déjà dix mille fois plus que moi. Donc ce n'est jamais évident en ce sens. Je suis un peu gêné. Alors du coup tu as envie de te lâcher et de raconter des anecdotes et de délirer. C'est pour cela que je parle de Marilyn Manson, de Meat Loaf, de trucs qu'un chercheur ne peut pas se permettre. Et puis j'en profite pour piquer les autres intervenants. J'ai cette liberté, liée à ma formation, de pouvoir aborder des questions plus larges, sociologiques, de poser des questions qui piquent un peu...
Êtes-vous plus festival ou rencontre en librairies ?
En fait j'aime bien les deux. Les deux ont leurs avantages. Les salons car on rencontre beaucoup de gens que ce soit des lecteurs, des libraires. Il y a plein d'échanges hyper riches. On prend des contacts. J'ai un projet de bande dessinée avec un artiste rencontré à Montigny-les-Cormeilles l'an dernier, qui a aimé mon travail du coup je lui ai proposé un manuscrit et on bosse là-dessus. Cela n'aurait pas pu se faire sans ce salon. Et à la fois les dédicaces en librairies, c'est hyper intimiste. En général il n'y a que toi et on peut vraiment parler du bouquin. Les lecteurs présents ils parlent du bouquin. Cela flatte l'égo. En plus c'est une reconnaissance et d'autre part c'est très enrichissant. On parle entre humains. C'est cela qui m'importe. Nous ne sommes que des humains. Tout le reste, c'est du spectacle.
Justement comment vous percevez les lecteurs qui viennent à vous ? Ce sont plutôt des curieux, des passionnés ?
Il y a les deux. C'est souvent des passionnés. J'étais lecteur avant d'être écrivain donc du coup je me retrouve pas mal en eux. Je ne faisais pas de salon mais s'il y avait un truc à la librairie du coin, j'allais parfois voir. En espérant ne pas être déçu par le personnage parce que parfois les bouquins sont géniaux mais l'auteur est un sale con (rire). Ce qui est peut être mon cas d'ailleurs. Sinon tout cela est plutôt positif.
Vos derniers coups de cœur ?
Cinéma, je vis dans un bled donc je n'y ai plus vraiment accès, c'est assez limité. Mon dernier coup de cœur il remonte à « Le bon, la brute et le truand » non je rigole, j'exagère un peu (rire). Je me repasse en boucle Twin Peaks qui est sorti en DVD. Je n'ai que le premier coffret. Niveau bouquin j'ai adoré Spin de Wilson. J'en parle sur mon blog à un moment donné. J'ai vraiment adoré. Là j'ai attaqué Velum de Hal Duncan qui est présent sur le salon qui est un jeune auteur écossais et c'est énorme, j'aime vraiment beaucoup. C'est vraiment un ovni un peu comme « L'échiquier du mal » de Dan Simmons. Un livre monstre.
Vous faites de la guitare...
Oui mais pour moi seulement ces dernières années, en attendant la rencontre qui me donnera envie de recommencer en groupe. On ne peut pas tout faire.
Justement beaucoup d'auteurs ont aussi une autre activité artistique notamment musicale. Pensez-vous que le coté « moine au monastère » pousse les auteurs à trouver un moyen de contact avec le monde réel ?
Moi ce qui me plaisait quand je faisais de la musique, j'étais dans plusieurs groupes mais des petits groupes, rien de connu du tout, des mini-groupes du rock au punk ; on faisait pas mal de compositions, beaucoup de punk ; ce qui me plaisait c'était les répétitions car c'est un moment fantastique où chacun laisse libre cours à tout et où cela peut partir en live total pour le meilleur comme pour le pire. Les concerts un peu, mais c'est moins ma tasse de thé. Après l'écriture est une activité assez solitaire et moi la musique je ne la vivais pas comme une activité solitaire du coup il n'y a pas forcément de lien en ce qui me concerne.
Il y a beaucoup d'auteurs qui écrivent en musique, est-ce votre cas ?
Non, non impossible. Je ne peux pas. Vous pouvez hurler à coté de moi cela me pose pas de problème. Je suis un dingue de musique et j'écoute la musique. Je ne l'entends pas, je l'écoute. Donc si vous me mettez un rythme à côté, j'écoute. Si un pic-vert viens faire toc-toc-toc sur l'arbre d'à côté avec la fenêtre ouverte, tant qu'il ne le fait pas de manière régulière cela va mais si cela devint rythmé alors cela ne va pas être possible (rire).
Au contraire est-ce que vous auriez une musique à conseiller pour lire vos livres ?
J'en avais parlé un peu sur mon blog. Après chacun fait ce qu'il veut. Modus Operandi va avec un album d'un groupe de rock progressif qui s'appelle Marillion à l'époque du chanteur Fish, album sorti au milieu des années 80 Script For A Jester's Tear . Notamment une chanson qui s'appelle Chelsea Monday. J'ai écris ce bouquin là en pensant à cette chanson. Elle était le fil conducteur. Je n'en parle pas forcément dans le bouquin même si il y a deux trois citations directes ou indirectes. Mais faut aimer Marillion. Sinon je n'ai pas vraiment de conseil. « Marketing Viral » c'est écrit avec du Incubus, de Metallica, du Slayer, du NOFX, du ISP...
Que des trucs calmes.
J'adore les trucs hyper calmes (rire)...
Marin Ledun merci beaucoup pour cette interview. Je vous laisse le mot de la fin.
Donc le mot de la fin : merci !

 Du même auteur Biographie, chronique, interview

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