Valéry Joncheray

   Décembre 2008

 

L'auteur

Question rituelle de PL, Pouvez-vous nous dire qui est Valéry Joncheray ?

Je suis photographe. Pour être clair, je ne suis pas photographe depuis que sa grand-mère lui a offert un appareil quand il était gosse. Ce n'était pas un rêve de gosse. J'ai appris la photo sur le tas. J'étais au Beaux-arts et j'ai fait pas mal de boulot où j'utilisais la photo. Donc à force d'utiliser ce média, je trouvais cela sympa dans le sens où l'on pouvait faire croire n'importe quoi avec une image à travers le cadrage ou les différents réglages. On pouvait faire croire ce que l'on voulait montrer. Et donc après j'en ai fait mon métier. La photo c'est vraiment un média pratique

Comment êtes vous venu à la photo ? Quel rapport avez-vous avec la photo ?

Je ne suis pas du tout dans l'optique où le métier de photographe est sacralisé. Pour moi la photo est un moyen plastique comme un autre que j'ai abordé aux Beaux-arts au même titre que la sculpture, le dessin ou la peinture. La photo c'est un moyen d'exprimer quelque chose. J'ai pas un rapport spécial avec la photo. Je vois des scènes, je les imagine en photo et je les réalise. Donc pas de rapport spécial avec la photo.

La Photo

Qu'est-ce qu'une belle ou une bonne photo ?

Il y a une différence entre une belle photo et une bonne photo. Une belle photo cela doit être une photo qui correspond à des critères de beauté mais qui n'est pas forcément voulue ou est due à un coup de chance. Tandis qu'une bonne photo, c'est une photo que tu as pensé avant, que tu as conceptualisé et que tu as réussi à faire et qui est fidèle à l'idée que tu avais. Une bonne photo c'est tout le processus de l'imagination vers la réalisation. Après on peut faire des bonnes et belles photos complètement par hasard. On peut mettre six mois à imaginer une scène à l'extérieur, à attendre la météo favorable, à attendre tout un tas de critère et puis la faire par hasard,

Pour vous c'est quoi le plus important sur une photo. C'est plutôt le cadre ou le sujet ?

Il y a trois critères qui sont intéressants à définir dans une photo. Pour les jeunes photographes, pour ceux qui s'intéressent à la photo, on leur demande ce qui est le plus important : le cadre, la lumière ou le sujet. C'est assez varié et la photo est suffisamment large pour que les réponses soient variées et exactes. Par exemple quelqu'un qui fait de la photo de journalisme, pour lui le plus important cela va être le sujet. Peu importe la lumière, s'il est sur un reportage de guerre, il va pas attendre qu'il y ait une bonne lumière pour faire une bonne photo (rire). Il va plutôt attendre qu'il y ait du mouvement et il va se débrouiller pour que la lumière soit la mieux possible. Pour moi pour ce que je fais le plus important c'est la lumière. Quand il y a une belle lumière on peut toujours faire quelque chose de sympa. Après le sujet et le cadrage cela dépends de ce que j'ai à faire dessus.

Journée type de Valéry Joncheray quand il travaille ?

L'avantage du métier de la photo c'est justement qu'il n'y a pas de journée type. C'est intéressant car c'est très varié. Il y a des journées géniales où je suis en reportage à l'étranger sur des bateaux ou bien sur des thématiques avec des portraits de gens qui sont passionnants. Donc une journée très intense en rencontre. Et je peux très bien avoir des journées enfermées dans mon bureau à traiter les photos que j'ai faites. C'est très varié. Il n'y a pas de journée type.

Édition

Premier livre publié conte de fée ou parcours du combattant ?Est-ce que la démarche vient de vous ou bien est-ce une démarche de l'éditeur?

Un peu des deux. En fait ce livre cela vient du constat que j'avais un stock d'image sur la région nantaise et la Loire-Atlantique et plutôt que cela dorme sur un disque dur ou dans des boites à diapo, j'avais dans l'idée d'en faire un livre pour les réunir. Après de part les différents clients que j'avais, je connaissais cet éditeur et on en a parler ensemble. Donc c'est un petit peu des deux. J'ai provoqué les choses. C'est venu assez naturellement. Je n'ai pas galèré six mois pour trouver un éditeur qui m'a accepté en échange de pots de vin (rire).

Pourquoi la thématique de Nantes et l'océan ?

C'est chez moi, c'est un secteur que je connais bien. Je l'ai parcouru de long en large. Je connais beaucoup d'endroits en Loire-Atlantique que ce soit au niveau du littoral ou à l'intérieur des terres. Donc j'ai beaucoup de matière. La difficulté a plutôt été de faire un choix.

Comment s'est déroulée la collaboration avec l'éditeur ?

La collaboration s'est bien déroulé (rire).

Bon d'accord...(rire)

Non blague à part, c'est vraiment important de faire ce livre avec quelqu'un  avec qui on s'entend bien. Faut vraiment pas le faire que pour l'argent, si on en gagne tant mieux. L'éditeur, son boulot, va être d'organiser le choix des images, de gérer l'impression, de s'assurer du rendu et de la qualité des couleurs. Donc c'est vraiment important de bien s'entendre avec lui. Ce qui est important pour ce livre c'est que ce n'est pas moi qui ai fais le choix des images. J'ai dégrossi un peu car sur la région je dois avoir 20 000 photos environ et dans le livre il doit en avoir un peu plus de 300. Et après c'est une agence de communication, quelqu'un qui est habitué à monter les livres qui a choisi les images qui collaient bien entre elles. Et c'est très bien car cette personne là avait plus de recul que moi car je connaissais trop bien mes images pour faire un choix. Justement cette personne a fait des choix très judicieux auquel je n'aurais jamais pensé. Pour qu'un livre de photo marche il faut que les photos puissent parler entre elles au niveau des thèmes, des couleurs. Et moins on les connait avant mieux c'est.

Comment avez-vous appréhendé la découverte du monde de l'édition ?

Encore une fois c'est le premier bouquin pour moi mais j'ai tellement sur l'édition pour mes clients que je connaissais parfaitement les rouages de la chaine graphique, au traitement d'image ou de calibrage. J'aillais déjà souvent dans les imprimeries pour caler les brochures ou les documents où apparaissent les photos.

Quels sentiments à l'annonce de la parution ?

En fait c'est un travail qui s'est inscrit dans le temps. On a vraiment pris notre temps. On n'avait pas de contraintes. Ce n'était vraiment pas pour gagner de l'argent. Donc cela s'est fait tranquillement. L'inquiétude est venue quand tu vois les cromalins, en imprimerie, c'est le rendu réel des photos. On te montre les photos sur papier et on te certifie que le rendu sera fidèle à cela. Donc les cromalins c'est très important, c'est là où il y a une pointe de stress car tout doit être parfait. Après tout ce joue chez l'imprimeur, il faut que le calage soit parfait, que la mise en page soit parfaite. C'est vraiment important d'avoir un bon imprimeur car c'est lui qui assure la fidélité du rendu du livre. Donc si l'éditeur travaille avec un bon imprimeur, il n'y a vraiment pas de problème

Le choix des photos

Pouvez-vous nous parler de la vie d'une photo entre sa conception, sa réalisation et sa parution ?

Ce qui est décevant encore une fois c'est qu'il y a des photos que tu as préparé pendant 6 mois d'autres par chance donc le processus d'une photo peut être très varié. Par exemple si on prend une thématique sur la Loire. J'ai fait un reportage sur les pilotes de barges où l'on embarque sur des gros cargos où l'équipage est étranger et que l'on est en pleine mer, donc cette photo là est faite avec de l'embrun sur l'objectif, de la sueur sous les aisselles puis elle finit en fin de journée sur l'ordinateur. Puis elle est traitée, c'est-à-dire qu'elle est vérifiée sur l'ordinateur. Elle n'est pas retravaillé, éventuellement rééquilibré en couleur pour recalibrer un petit peu puis après il faut la faire visualiser par l'éditeur. On discute alors pour voir si elle est intéressante ou pas, on la valide ou pas. On regarde si une photo peut aller avec pour voir si un dialogue visuel peut avoir lieu dans le livre. Donc cela peut être un long processus.

Après au niveau imprimerie, il y a un retour à faire ?

Non, une fois les cromalins signés. Les cromalins, l'auteur les signe pour donner son accord. Une fois l'accord passé, on ne peut plus rien faire. Par contre s'il y a une différence entre le cromalin et le rendu on peut contester. Par exemple, le livre a été réédité il y a une différence de couleurs entre la première et la deuxième édition. La deuxième édition est un peu plus contrastée, le noir est un peu plus présent. C'est sympa car ce sont des images qui vivent suivant le rendu de l'impression.

Pouvez-vous nous raconter une prise de vue pour l'une des photos du livre ? Une qui vous a marqué ?

Il y a quand même des situations magiques et imprévues. Par exemple cette photo des deux grues Titan dans la brume. J'allais voir un client qui était tour Bretagne, j'avais mon appareil avec moi. Ce matin il y avait une brume très épaisse, il était très tôt (enfin 8h30 du matin). Il y avait juste ces deux grues qui sortaient de la brume. C'est vraiment le coup de bol, une vision incroyable. Par la suite j'ai essayé de le refaire mais du haut de la tour Bretagne car j'étais au 26ème étage pour la prise de vue. Même en prévoyant avec la carte météo, je n'ai jamais réussi à avoir la même qualité. Comme quoi un coup de bol s'apparente vraiment à un miracle parfois.

Comment avez-vous pris la photo représentant le canal de Nantes à Brest ?

C'est amusant parce que cette photo tout le monde m'en parle. Ce qui est intéressant c'est de savoir que quand j'ai pris cette photo je savais très bien que j'allais la montrer à l'envers. Donc on voit le reflet l'eau est tellement limpide qu'on a l'impression que le décor rendu par le reflet est le décor réel. C'est perturbant. Pour moi il y a bidouillage si après coup on se dit « Tiens ce serait marrant de la montrer dans l'autre sens » ce qui n'est pas le cas si avant la prise de vue je sais que je vais la montrer comme cela.

Que pouvez-vous dire aux personnes qui n'ont pas encore lu votre livre pour les convaincre de le faire ?

J'ai pas besoin de convaincre, je ne tiens pas absolument à ce qu'on l'achète. Ce qui me fait plaisir c'est quand j'ai des retours. Ce qui me plait c'est de voir une thématique sur Nantes et la Loire-Atlantique qui est un sujet vu et revu, mais qui est là traité à ma manière avec des images surprenantes. Ce qui peut motiver à acheter un livre comme cela c'est la curiosité.

Depuis celui-ci un autre livre est sorti sur la Vendée cette fois. Est-ce que vous avez d'autres projets dans le domaine de l'édition ?

Il y a plusieurs livres qui sont en projet avec le même éditeur sur des thématiques variées : l'eau, les plus petites îles du monde.

En dehors de la couverture, l'une des premières photos est celle du grand couloir du musée des Beaux-arts où vous avez effectué vos études. Nostalgie ? Volonté de payer son dû ? Comment percevez-vous l'apport de ces études par rapport à votre métier ?

Non pas de nostalgie. Encore une fois la photo est là car elle fonctionne avec les autres de la page. Avec l'éditeur on a composé les dix ou quinze premières pages du livre avec les photos les plus démonstratives pour rassasier le lecteur en image. Pour après partir sur des choses un peu plus nuancées, un peu plus dures à découvrir. Les Beaux-arts cela a été vital pour moi, extraordinaire comme expérience mais pas du point de vue de la photo. Dans cette école, on apprend aux élèves à voir les choses. Donc on repart de zéro. On réapprend à voir les couleurs, on réapprend à voir les formes, à se faire une opinion, à être critique. Après quelque que soit l'art plastique quand on traite un sujet, on sait ce que l'on veut exprimer. C'est pour cela qu'aux Beaux-arts on n'apprend pas un métier au sens technique du terme. On apprend à voir les choses au sens artistique.


Divers

 

On parle beaucoup du mariage musique-roman. Auriez-vous un thème pour lecture de cet ouvrage ?

C'est une bonne question. Peut être parce que je suis à fond dedans en ce moment mais je trouve que les musiques de Yann Tiersen iraient bien avec le livre. C'est enivrant, c'est joyeux, légèrement décalé, c'est recherché.

Comment percevez-vous le succès de vos collègues comme Plisson ou Bertrand ? Réducteur ou ouverture sur le monde de la photo ?

Je trouve que l'on a toujours à apprendre des autres. Il ne faut pas tomber dans le piège de trop critiquer parce qu'il a réussi et parque qu'on est jaloux. Après c'est pas une question de réussite mais une question de personne. Il y a des photographes que j'apprécie peu mais qui font des photos géniales c'est le cas de l'un des deux que tu as cité et puis il y en a d'autres qui ont vraiment une bonne démarche. Ils ont réussi, tant mieux. Pour moi tout cela c'est plus de l'ouverture.

Vos derniers coups de cœur en matière de littérature, ciné...

C'est pas très sérieux pour quelqu'un qui a fait un parcours artistique mais en ce moment je n'ai pas du tout le temps d'aller dans les expositions ou dans les événements donc j'ai pas grand chose à dire la dessus. J'ai pas lu de livre depuis un bail. Plume Libre si tu m'entends aide moi (rire). Si je bouquine toujours quand même des brides de livres de voyage. J'ai une belle collection de ce type de livre. Je suis vraiment fan de cela. (il va chercher dans sa bibliothèque des livres). Alors par exemple Paul Theroux j'aime bien. Ce genre de narration brute de fonderie sur ces aventures. Il a écrit beaucoup de livre sur les voyages en chemin de fer. Ici il a fait un voyage sur les îles du Pacifique, il écrit avec une plume acérée. C'est parfois assez drôle, parfois assez dramatique. J'aime bien lire des témoignages de personnes qui se sont rendus sur place et qui interprètent à leur manière. Alors le livre que j'ai déjà lu trois ou quatre fois et que j'adore c'est « L'expédition du Kon-Tiki » de Thor Heyerdahl qui date de 1951. C'est l'histoire d'un scientifique norvégien qui embarqua sur un radeau de bambou à partir du Pérou pour se laisser dériver jusqu'à une île de Polynésie pour prouver que les Polynésiens viennent bien de ce continent. Un truc de malade. Sinon il y a une encyclopédie des expéditions en Polynésie donc de Cook à Bougainville. C'est raconté dans la langue de l'époque. Il y a des scènes assez cocasses (notamment l'accueil des femmes des îles) mais raconté avec retenue et la classe de l'époque.

Le mot de la fin

Là je n'ai rien qui vient. Ah si longue vie à Plume Libre.

 

 

 


 

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