Shafak Elif

 




La bâtarde d'Istanbul

 






D'un côté, nous avons la famille Kazanci qui habite Istambul et qui se compose principalement de femmes : la grand-mère, la mère, les 4 filles et même la petite-fille.
Les quatre sœurs forment un patchwork incroyable : Zeliha la cadette avec ses tenues improbables et sa fille Asya, « la bâtarde »..., Banu qui parle avec les Djinn, porte le voile et rend visite à son mari de temps à autres, Feride qui change de couleur et de coupe de cheveux en fonction de ses maladies et de ses changements d'humeur et enfin Cevriye, professeur. Tout ce beau monde vit ensemble, tandis que le fils est parti vivre aux Etats-Unis pour éviter la malédiction qui plane sur les hommes de la famille.
De l'autre, les Tchakhmakhchian, une famille arménienne émigrée aux Etats-Unis mais qui reste très attachée à ses origines, ses traditions et ses valeurs. Seule ombre au tableau, le fils qui a divorcé de Rose, une américaine avec qui il a eu une fille, Armanoush surnommée Amy par sa mère. Sa mère qui n'a rien trouvé de mieux que de se remarier avec un turc, nommé Mustafa.
C'est bon vous arrivez à suivre ? Et quand Amy, qui cherche à comprendre d'où vient son peuple, part à Istambul et rencontre Asya et sa famille, les choses ne vont pas aller en s'arrangeant.

Vous l'aurez compris au travers du portrait de ces deux familles, c'est surtout à Istambul qu'Elif Shafak nous transporte. Istambul, ville « frontière » entre l'Orient et l'Occident avec ses coutumes et ses contradictions. Et quoi de plus marquant pour nous parler de ses différences que les sœurs Kazanci, dont l'ainée porte le voile tandis que la cadette des mini-jupes multicolores et des haut talons...
L'auteur en profite également au travers de la famille Tchakhmakhchian pour revenir sur le génocide arménien perpétré par l'empire ottoman lors de la 1ère guerre mondiale. C'est d'ailleurs paradoxal de voir que la famille qui a émigrée aux Etats-Unis semble plus attachée à ses traditions que celle restée en Turquie.
Sous ses dehors de roman léger rempli d'humour, ce roman revient donc sur une page d'histoire, méconnue sans doute pour nombre d'entre nous (c'était mon cas), mais qui reste toujours aussi douloureuse pour les familles qui l'ont vécue.
Mais La bâtarde d'Istambul est également une invitation au voyage et à la découverte de la cuisine turque. Les odeurs d'épices semblent s'échapper des pages qui se tournent au gré des plats qui sont décomposés pour nous.

Un livre, à l'image de la ville d'Istambul, rempli de contradictions entre tradition et modernité, raconté tantôt avec gravité, humour ou encore légèreté et qui nous offre la possibilité de nous instruire et de découvrir d'autres cultures tout en nous faisant passer un excellent moment.

A noter que suite à la publication de ce livre, Elif Shafak, auteure turque née en 1971, a été amenée devant la justice turque au titre de l'article 301 du code pénal turc, pour avoir « insulté l'identité nationale » au travers des propos tenus par certains de ses personnages arméniens. Après avoir encouru une sentence de trois ans de prison, elle a finalement été acquittée.


La bâtarde d'Istambul - Parution août 2007 - Editions Phébus
Parution septembre 2008 - Editions 10/18 (collection Domaine Etranger)



 Du même auteur : Biographie, chronique, interview

                                                
 
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