Chris Debien







Février 2009

 




Luther Khëradön, pouvez- vous nous présenter votre royaume des Terres tranquilles et vous-même ?
Fils d'Adön, premier souverain des Terres Tranquilles, et d'Hazel la Flamboyante, je suis sorti de l'imagination tortueuse d'un « jeune » auteur d'Héroïc-Fantasy...
A ma majorité, j'ai hérité du royaume après une période de régence assurée par le magicien Karän lorsque mon père a été assassiné.
Je n'ai jamais connu ma mère, morte le jour de ma naissance, mais je m'efforce d'être digne de l'héritage de mes illustres parents.
Les Terres Tranquilles sont un vaste territoire, une mosaïque de peuples et de paysages unis sous la bannière d'Everlaine, la capitale érigée à la pointe de l'épée et de la diplomatie par Adön. Un territoire dont l'identité s'est forgée autour de la figure héroïque (un peu pesante pour moi) de mon père.
Un royaume où il faisait bon vivre jusqu'à ce que je sois victime d'un mystérieux attentat !

Luther vous êtes un jeune Roi. Quelle politique souhaitez- vous mettre en place pour votre début de règne  ?
De mon père, j'ai appris à respecter et à aimer la richesse d'une terre abritant plusieurs races, plusieurs cultures qui cohabitent tant bien que mal.
Il m'a aussi enseigné à apprécier, reconnaître, privilégier chez les autres, toutes ces qualités que l'on regroupe sous le terme d'humanisme : c'est pourquoi, je souhaite avant tout, mener une politique basée sur la concertation, la compréhension et l'égalité entre les races, les sexes et les castes...
En ce qui concerne ce dernier point d'ailleurs, même si je suis parvenu à bousculer quelques habitudes (en nommant un Invisible à la tête du Cénacle), je dois avouer que nous sommes encore loin d'une situation satisfaisante : les Elus conservent leurs énormes prérogatives héréditaires au dépends des Humbles et des Invisibles, trop souvent cantonnés dans un rôle de serviteur. Mais l'assassinat de mon père (auquel j'ai assisté lorsque j'étais enfant), me pousse encore à la prudence.
Toutefois, j'ai pu abolir la peine de mort, combler en partie le fossé qu'il existait entre les sexes et surtout, créer le Cénacle Thaumaturge, l'assemblée des magiciens, dans le but afin de développer l'accès et la compréhension des forces magiques qui semblent émerger dans notre monde.

Votre royaume est composé de nombreuses ethnies et castes. Comment se déroule leur cohabitation sur vos terres  ?
Plutôt bien, je pense... Chaque province est administrée par un Elu qui doit me rendre compte personnellement de l'état de son territoire et je tiens, chaque année, à visiter certaines d'entre elles.
Bien sûr cette disparité ne se fait pas sans mal, et il existe toujours des tensions raciales ou une certaine lutte de classe, mais je m'acharne à modifier peu à peu les postulats séculaires pour rester fidèle à mes idées.
J'ai d'ailleurs renforcé les pouvoirs du Conseil afin de développer un véritable débat démocratique où chaque ethnie est représentée. Et j'espère bien qu'un jour, le roi sera choisi par le peuple lui-même !

Luther vous vous intéressez de près à la magie. Vous disposez d'ailleurs de deux grands magiciens au Cénacle, Arax et Karän, mais ils ont une conception de la magie opposée : d'un coté L'Obscure et de l'autre L'Eclat. Quelles sont les principales différences entre ces deux magies dans leur idéologie et leur pratique ?
La magie est une chose émergente dans les Terres Tranquilles et personne, à vrai dire, ne semble en maîtriser les arcanes. C'est d'ailleurs la raison d'être du Cénacle Thaumaturge : à la fois lieu d'enseignement et de recherche.
Ce que nous savons aujourd'hui c'est que ce que nous nommons la magie désigne en fait deux énergies différentes, deux énergies aussi nécessaires l'une que l'autre : L'Eclat et l'Obscure.
L'Eclat puise sa puissance dans les forces naturelles et nécessite, pour être invoquée, un « vecteur » qui est généralement une gemme portée sur un gant (Les Poings de Pandör).
L'Obscure puise sa puissance dans un autre « vecteur » : le sang. Et les sorciers qui souhaitent l'utiliser doivent ainsi se scarifier pour lancer leurs sortilèges. C'est d'ailleurs ce qui vaut à l'Obscure une mauvaise réputation. Il est vrai que les sorts de l'Obscure sont plus destructeurs que ceux de l'Eclat...
Mais nos récentes découvertes font état d'une probable troisième voie : la Lahm dont nous ne savons rien à présent.
De plus, vous opposez Karän et Arax, mes deux principaux magiciens... Et vous avez raison !
Car ils s'affrontent sur bien des points : Karän est un sorcier d'expérience - il a connu mon père, il a assuré la régence - et il reste persuadé que la magie n'est affaire que des seuls sorciers.
Quant à Arax, il est plus jeune, plus idéaliste mais surtout c'est un Invisible c'est-à-dire le membre d'une communauté vouée d'ordinaire à l'esclavage. Le nommer à la tête du Cénacle a été pour moi une façon de bousculer l'ordre établi entre les castes et surtout de privilégier un aspect humaniste de magie : Arax pense, en effet, que chacun d'entre nous est capable d'utiliser la magie, à condition de suivre un enseignement adéquat.
Vous voyez que ce qui oppose ces deux magiciens n'est pas tant la nature de la magie qu'ils utilisent mais plutôt leur conception vis-à-vis de l'usage de cette magie.

Luther, avez-vous quelque chose à dire à Chris Debien qui relate vos aventures dans Les Chroniques de Khëradön  ?
Oui ! J'aimerais qu'il me laisse un peu souffler, de temps à autre ! Car les tribulations qu'il me réserve au fil de sa plume ne sont pas de tout repos !
Et puis je me demande toujours ce qu'il va inventer de nouveau pour me mettre en difficulté...

Chris Debien qu'avez-vous à répondre à Luther  ?
Et bien, tout d'abord que c'est une sensation assez déroutante et émouvante de se retrouver face à l'une de ses créations... Et je remercie d'ailleurs chaleureusement Stfoch de cette initiative pour le moins enrichissante !
Ensuite, j'aimerais lui dire merci car se plier à de telles aventures pendant 380 pages (et encore il n'a pas vu ce qui l'attendait dans les deux autres tomes de la saga) sans se mettre en grève ou réclamer un minimum syndical, relève d'une grande confiance !

Chris Debien, vous revenez à la Fantasy après un passage par le thriller (L'affaire du boucher du vieux Lille) et la science-fiction (Skyland). Cela vous a manqué ? Quelles sont les grandes différences d'écritures d'un style à l'autre ?
En fait, l'envie d'écrire de la Fantasy me taraude depuis de nombreuses années déjà, mais l'occasion de développer un véritable projet ne s'est présentée qu'il y a environ deux ans (merci à mes éditrices !). C'est donc avec une immense joie que je me suis lancé dans l'écriture des Chroniques.
Quant aux différences d'écritures entre ces trois romans, elles trouvent essentiellement leurs sources dans les objectifs que je m'étais fixés :
- pour le « Boucher », il s'agissait de mon premier roman, écrit il y a près de dix ans maintenant (même s'il n'est paru qu'en 2006 !). J'y ai donc développé une histoire assez proche de moi, se déroulant dans un univers que je connaissais bien avec un «héros » qui me ressemblait beaucoup : une sorte d'autobiographie romancée en quelque sorte... Le style s'est imposé de lui-même, axé sur l'envie de susciter des émotions, des sensations quasi-charnelles chez le lecteur. Mais, à la relecture, l'écriture me semble un tantinet trop « chargée ».
- Skyland, quant à lui, est avant tout une novellisation (même si tout le monde m'a laissé de grands espaces de liberté) : je me suis approprié l'univers du dessin animé pour y raconter des histoires dans un objectif de pur divertissement. J'y ai mis tout ce que, gamin, j'aurais aimé voir dans un dessin animé. Le style s'y est épuré pour les besoins du récit et du lectorat ciblé (à partir de 9 ans).
- Enfin, « Les Chroniques » sont un projet à part : plus réfléchi, plus structuré mais aussi plus angoissant. Car, pour la première fois, je me suis permis de marcher sur les traces de mes maîtres (Tolkien, Vance, Moorcock...). Pour l'occasion, j'ai tenté d'y développer un style à la fois visuel et « gothique » sans (je l'espère) être trop surchargé. Et surtout plus, j'y ai expérimenté un nouveau mode de narration calqué sur celui de la série télévisée Heroes.

Comment sont nées Les Chroniques de Khëradön ? Sur combien de tomes se dérouleront elles  ?
Les Chroniques puisent leurs origines dans plusieurs phénomènes :
-    tout d'abord, dans la frustration extrême d'un lecteur passionné de Fantasy qui désirait créer son propre univers,
-    puis dans les diverses rencontres que j'ai pu faire lorsque je naviguais dans les eaux troubles du jeu de rôle,
-    et enfin, dans l'opportunité qui m'a été offerte par mes éditrices chez Hachette...
Bref, beaucoup de travail, des tomes d'inspiration et un zeste de chance !
Par ailleurs, les aventures de Luther Khëradön et de ses compagnons, sont prévues pour se dérouler sur trois tomes, pas un de moins, pas un de plus !
En effet, je me sens à l'aise dans cette construction en trois actes et je déteste les séries qui traînent en longueur... Je me suis donc « engagé » à publier l'intégrale de la trilogie en une année environ !

A la lecture, on pense au maître Tolkien et son seigneur des anneaux mais aussi à Dune d'Herbert, des références assumées et même revendiquées. Est-il difficile d'écrire de la Fantasy sans être comparé aux classiques, comment fait- on pour être original et planter ainsi son propre univers  ? 
J'ignore s'il est possible de ne pas être comparé aux classiques (c'est le sport préféré de certains critiques) mais je sais que j'ai pu enfin commencer à écrire le jour où je me suis dit que cela importait peu !
Je n'ai d'ailleurs pas cherché à développer un univers débordant d'originalité pour ne pas risquer d'y perdre le lecteur et l'histoire. En effet, je reproche souvent à la Fantasy de multiplier les « effets spéciaux », les beaux décors, les mondes complexes, au détriment du récit et de la profondeur des personnages.
Je me suis ainsi acharné à ne pas présenter des archétypes (et ça vous pourrez plus amplement le vérifier dans le second tome) mais plutôt des êtres « humains » confrontés à des difficultés qui les dépassent. Les Terres Tranquilles sont, de prime abord, un monde de Fantasy « classique » mais plus on avance dans le récit, plus l'originalité y fait incursion. Je pense, en effet, qu'il est difficile pour des lecteurs non initiés de prendre en compte tous les aspects d'un univers trop riche dés le départ. J'ai donc choisi de les accompagner dans cette découverte, pas à pas.

Dans ce premier tome l'éveil du Roi, il y a de nombreux personnages féminins (La mère, l'amante, la guerrière, la sorcière, l'Entité ...) Elles ont toutes des rôles clés dans cette histoire. Les femmes auraient-elles enfin le pouvoir dans la Fantasy ?
C'est en tout cas mon intention ! J'ai voulu par-dessus tout éviter les BALPGJAR (blondes-à-la-poitrine-généreuse-jolies-à-regarder) qui ne servent que de décor. Les femmes occupent donc une importance majeure dans les Chroniques (et encore plus dans le second tome), tout comme dans notre quotidien !

Vos personnages sont tous bien campés, avec de vraies personnalités. Comment se passe leur construction ? Votre métier de psychiatre vous aide t-il  ?
Encore une fois, ce qui guide mon écriture, c'est l'émotion : j'ai donc voulu créer des personnages capables d'engendrer, de susciter des émotions fortes au lecteur.
Je me suis ainsi servi de « bouts de vrais gens » pour façonner mes propres personnages... Et ces « bouts », je les ai évidemment pris dans le matériel à ma disposition c'est-à-dire tous ces gens que je rencontre lors de mes gardes aux urgences ou de mes consultations à l'hôpital.

Avec l'histoire des Chroniques et un illustrateur comme Pascal Guidault, on pense à une éventuelle adaptation en bande dessinée. Y a-t-il quelque chose de prévue à ce sujet ? Ou attendez-vous plutôt un appel de Peter Jackson pour une version cinéma  ?
Et bien si vous avez moyen de donner mes coordonnées à Peter Jackson, je suis preneur !
Sinon, plus sérieusement, il est vrai que l'idée d'une bande-dessinée nous titille furieusement Pascal et moi. Mais je n'ai pas envie de faire une adaptation proprement dite pour l'instant : j'aurai plutôt envie de créer une nouvelle histoire dans cet univers, pourquoi pas une « prequel » axée sur Graäne et les Tisseuses de Destin ?

Quels sont vos autres projets  ?
Pour l'instant, tout mon temps est consacré aux Chroniques : je me suis engagé à finir la trilogie en un an et je souhaite m'y tenir. Car je pense que les lecteurs seront ravis d'avoir une saga complète qui ne traine pas en longueur.
Après ? Et bien, j'ai envie de revenir au polar et je dois confesser que je suis en train de développer un projet littéraire ambitieux avec une grande maison d'édition dont je tairai le nom...

Vos derniers coups de cœur littéraire, cinématographique, musical... ?
Monster du grand Patrick Bauwen, bien évidemment !
Et puis Evanescence, Muse ou la BO de 300, de Conan ou du Seigneur des Anneaux qui m'ont accompagné pendant toute l'écriture des Chroniques !
Quant au cinéma, j'avoue ne pas avoir mis les pieds dans une salle obscure depuis un certain temps en dehors des inévitables Dysney où m'entraînent mes enfants. Mais mes derniers coups de cœur vont à No Country for Old Men et Le Premier jour du reste de ta vie.

Vous avez le mot de la fin.
Merci à Plume Libre de m'héberger encore une fois et à la sacro-sainte patience de Stfoch !
Et qu'Everlaine soit avec Vous !

 
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