Hervé Gagnon

 




 
Avril 2009

 




Bonjour Hervé Gagnon, la première question est devenue au fil du temps un rituel. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ?

    Je suis docteur en histoire et muséologue. Depuis 1987, je dirige ma propre entreprise de mise en valeur de la culture et du patrimoine. Comme bien des écrivains, je suis arrivé à l'écriture un peu par hasard et j'y ai pris goût. Vous remarquerez d'ailleurs que j'ai utilisé « écrivain » et non pas « auteur ». Je ne vois comme un artisan, non comme un artiste. J'aime polir mes romans pour la satisfaction du travail bien fait, créer des choses originales. 


Auteur de plusieurs publications et communications en histoire et en muséologie, vous êtes venu à l'écriture du roman jeunesse d'une façon un peu particulière. Pouvez-vous nous expliquer comment est venue cette idée ?
    L'idée n'est pas de moi. Elle vient de mon fils Thomas, qui m'a mis au défi de lui écrire un roman « chair de poule » quand il avait huit ans. Évidemment, j'ai accepté, pour lui faire plaisir. Je n'ai jamais cessé d'écrire depuis.


L'envie d'écrire a-t-elle toujours été présente ?
    Avec le recul, je crois que oui. J'ai toujours pris plaisir à écrire, qu'il s'agisse de monographies historiques ou de manuels scolaires. J'aimais la créativité que cela impliquait, le fait d'équilibrer un texte, de construire un tout cohérent. Je crois que l'écriture de romans n'est que le prolongement naturel de cela.



Pour un historien, jouer avec les événements comme vous le faites dans « L'élu de Babylone »  tout en gardant le fond historique doit être jubilatoire. Quelles sont les difficultés d'un tel choix ?
    J'y trouve une grande satisfaction, en effet. L'historien est contraint par les faits et leur interprétation. La méthode historienne est très rigide. Dans le contexte d'un roman, j'ai la liberté de colorer les zones grises et de remplir les trous à ma guise. Je me surprend souvent à narguer mon diplôme de Ph.D., qui est suspendu au mur juste devant moi !



Comment est né le personnage de Manaïl ?
    Un personnage se développe au fil d'une série. Ce fut particulièrement le cas pour Manaïl mais aussi pour Ermeline, que vous connaîtrez à compter du tome 3. En concevant Le talisman de Nergal, je me suis inspiré des récits médiévaux du Graal. Je voulais que le Manaïl soit un peu comme Perceval et Lancelot, que sa véritable quête ne soit pas celle de l'objet mais bien un voyage en lui-même, un parcours au fil duquel il découvre sa vraie nature. C'est de cette façon que Manaïl se transforme, évolue, et devient peu à peu un homme.



L'intrigue se déroule à Babylone dans le premier tome, Jérusalem au temps des templiers pour le second et en explorant le site de la série (http://www.talismandenergal.com/serie.html) on apprend que Manaïl voyagera entre différentes époques pour terminer en 3600 avant notre ère. D'où vous est venue cette idée de voyage temporel ?
    Je désirais me faire plaisir ! J'avais envie d'explorer plusieurs périodes, d'en tirer l'essentiel, de déformer juste un peu les faits. Évidemment, pour cela, je devais me fixer des règles afin d'éviter les paradoxes. J'y suis arrivé (enfin, je l'espère !) en adoptant une conception non linéaire du temps, c'est à dire que j'en ai évacué la relation causale pour faire en sorte que chaque moment du temps existe simultanément. De cette manière, Manaïl pouvait modifier des choses dans chacun des kan où il évoluait sans pour autant modifier la suite des événements.



Comment choisissez-vous les époques évoquées dans chaque tome ?
    Par un mélange de préférences et d'obligations. Comme tout historien, j'ai des époques de prédilection, que j'aime plus que les autres, où je me sens à l'aise ou encore qui piquent ma curiosité. J'ai ainsi choisi de situer le début de la série à Babylone parce que j'aime beaucoup la Mésopotamie ancienne, ses grandes civilisations et ses mystères. Pour le tome 2, Le trésor de Salomon, je me suis tout naturellement dirigé vers les Croisades et les Templiers parce que j'ai toujours été profondément intrigué par ces moines-soldats et par les légendes qui les entourent. Dans le tome 3, Le secret de la Vierge, le choix était moins libre. J'avais besoin d'un lieu sacré chrétien dont je pourrais exploiter l'architecture et la géométrie. Notre-Dame s'est imposée d'elle-même et le hasard a voulu qu'elle venait à peine d'être complétée lorsque la peste Noire a frappé Paris. Pour le tome 4, La clé de Satan, je me suis offert un luxe : celui du 19e siècle londonien, que je connais bien et que j'aime énormément. Là se trouvaient les Francs-Maçons dont j'avais besoin pour prolonger la lignée des constructeurs exploitée dans le tome précédent, mais aussi un des personnages qui me fascine le plus : Charles Dickens. Dans le tome 5, La cité d'Ishtar, je me suis payé le luxe de travailler dans deux époque que je maîtrise bien : la Nouvelle-France et Montréal au 19e. Le choix n'était pas innocent puisque Charles Dickens est de passage à Montréal en 1842. Enfin, pour le tome 6, Le secret du Centre, les époques se sont imposées à moi car j'avais besoin d'éléments très précis : un symbole d'éternité que j'ai trouvé chez les Aztèques et le plan de Washington de 1792 tracé par Pierre l'Enfant.



L'époque Mésopotamienne est une période de l'Histoire dont on parle peu (en comparaison de l'Egypte des Pharaons) mais fait partie des plus riches et intéressantes. Pourquoi avoir choisi cette civilisation comme point de départ de cette aventure ?
    À l'époque où j'ai débuté le Talisman de Nergal, je sortais de la rédaction d'un manuel scolaire dont un chapitre était consacré à la Mésopotamie. J'aimais beaucoup cette période, ses dieux, ses temples, ses accomplissements. Elle m'apparaissait fertile et malléable. Je l'ai choisie sans vraiment y réfléchir. Ou peut-être est-ce elle qui m'a choisi...



Aviez-vous déjà en tête la fin des aventures de Manaïl ou l'histoire se transforme-t-elle au fil du temps ? 
    Honnêtement, non. Je disposais d'un plan général. je savais où je voulais me rendre, comment je désirais conclure. Le chapitre final de la série était d'ailleurs écrit avant même que je termine le tome 2. Mais j'ignorais la route qui m'y mènerait. Je crois que l'écriture, si elle doit être méthodique, doit aussi laisser place à l'improvisation. Au fil de la série, les personnages ont développé leur personnalité propre et leurs réactions naturelles se sont précisées, différentes des miennes. Ils m'ont souvent imposé des choix que je n'avais pas prévus et que, en toute honnêteté, je ne désirais pas. Ces choix m'ont poussé dans des directions imprévues avec lesquelles j'ai dû composer. Maintenant, je suis le seul (avec ma directrice littéraire) à connaître le dénouement de la série !



Le Talisman de Nergal est votre premier livre publié en France, comment s'est déroulé cette aventure ?
    Très facilement. J'ai appris par mon éditeur canadien (Hurtubise) que les droits avaient été acquis par Michel Lafon. Dès ce moment, les gens de Lafon ont été très sympathiques et m'ont mis à l'aise.  J'ai eu le plaisir de les rencontrer à leurs bureaux le mois dernier et nous avons longuement discuté de la série, de ce qu'ils désiraient en faire, etc. J'ai même donné plusieurs entrevues.


Qu'avez-vous envie de dire aux lecteurs français qui ne connaissent pas encore votre série ?
    Que j'espère qu'ils prendront plaisir à la lire. Car, au fond, c'est la raison fondamentale pour laquelle on écrit.


Merci beaucoup Hervé Gagnon, nous vous laissons le mot de la fin.
    J'aimerais connaître les réactions des lecteurs français. Je les invite à m'en faire part sur mon blogue, qu'ils trouveront sur le site de la série : www.talismandenergal.com.
 
 
 
 


Go to top