Benoît Séverac

 





 janvier 2010

 




 

Bonjour Benoît Séverac, la première question est devenue une sorte de rituel sur Plume Libre.  Pourriez-vous vous présenter ?

     Benoît : (j'ai failli m'appeler Bénézeth, parce que mes parents étaient occitanistes dans les années 60... l'employé de l'état civil a refusé, je lui suis éternellement reconnaissant !).
43 ans au compteur mais 15 ans dans la tête.
Prof d'anglais, le jour.
Ecrivain, la nuit. Mais quelle que soit l'heure, la tête en permanence dans mes histoires, mes synopsis, mes tournures de phrases... même au moment où j'écris ces lignes, je pense à mes écrits en cours.
Lecteur : un livre en permanence dans la poche (mon sac en fait). lecteur d'abord, évidemment, comme tous les écrivains.
Toulousain, mais citoyen du monde réellement... je veux dire par là que je suis de là où on me met. il suffit que je reste 15 jours dans une région ou une ville ou un pays pour que je commence à me sentir de "là".
Musicien, un peu. j'ai trop de respect pour les "vrais" musiciens pour revêtir le même titre. Disons que j'aime souffler dans ma clarinette et que je travaille juste ce qu'il faut pour jouer avec ma bande de quadra et quinqua de la pêche ô boucan, l'orchestre de rue que nous avons montée en 2006. Je lis des notes et je les joue, je ne fais pas véritablement de la musique.
Hédoniste nietzchéen : j'adore la vie et j'en jouis (gastronomie, fêtes avec mes amis, partage, bon vin... ) et le genre humain, même s'il me désole. Nietzche, c'est ça non ? Dépité parce que fondamentalement amoureux du genre humain... mais pas assez dupe pour que ça le remplisse de joie. Ca me fait passer par des cycles d'exaltation-dépression assez fatiguants.


Votre premier roman : parcours du combattant ou conte de fées ?


    Les deux mon colonel ! Mais je ne regrette rien. J'ai envoyé mon premier roman à 80 éditeurs, en vain. Il est resté dans mes tiroirs. Je l'ai relu quelques années plus tard : il ne vaut pas un clou. J'ai continué à travailler et à proposer des textes, nouvelles etc, et j'ai finalement rencontré la bonne personne au bon moment. C'était donc un parcours du combattant, nécessaire et salutaire. Une fois qu'on est édité, on oublie les difficultés passées, et ça devient un conte de fée. J'ai tendance à être conscient et reconnaissant du bonheur que j'ai d'avoir été édité. Je me dis que cette belle aventure peut cesser à tout moment, j'en profite donc à fond.



Comment conciliez vous, vie de famille, écriture, votre métier d'enseignant et vos activités de musicien ?

    Pfff. J'ai presque envie de jouer mon joker. J'ai l'impression d'avoir 3 vies : ma famille, mon boulot (de prof, celui qui me nourrit) et l'écriture. Si mes calculs sont bons, et si la durée moyenne d'un homme en France est bien de 77 ans, je devrais vivre environ 231 ans ! Plutôt sympa comme perspective.



Parlez nous de votre premier roman "Les chevelues" ?

     Une aventure magnifique : un retour de Rome en amoureux à 40 ans, la découverte de l'antiquité in situ, et un véritable choc culturel, esthétique, historique. Avant d'aller à Rome, je ne connaissais rien à l'antiquité, à part ce qu'on apprend dans Astérix et Obélix. J'ai voulu rendre hommage à cette civilisation, mais bien évidemment, impossible d'essayer d'avoir l'air érudit ! Je me suis donc documenté sur la période (plusieurs mois non stop, un vrai travail de Romain !) et j'ai décidé d'un lieu qui pourrait se prêter à un polar. J'ai besoin d'avoir un rapport intime avec les lieux que je décris dans mes romans. J'ai grandi dans le Comminges (sud-ouest de la france) ; c'est donc tout naturellement que j'ai pensé à St-Bertrand-de-Comminges, haut lieu du christianisme, connu pour sa cathédrale qui se trouve sur le chemin de St-Jacques de Compostelle, mais aussi connue pour avoir été une cité gallo-romaine importante sous Auguste. C'est un lieu mythique (c'est un athée incurable qui parle), il y a une atmosphère véritablement romanesque qui plane sur ces pitons aux pieds des Pyrénées. St-Bertrand s'est imposée.
C'est un roman à niveaux multiples : écrit comme un polar, dans un style relativement moderne, surprenant pour ceux qui sont habitués aux romans historiques, dont le propos est humaniste et profond j'espère. Ce sont les rapports entre les personnages, entre les êtres, qui m'intéressent. La trame policière n'est qu'un prétexte pour tendre un fil rouge que le lecteur pourra suivre ; pour mettre en tension le lecteur... mais c'est l'évolution des personnages et l'écho qu'ils peuvent avoir sur nous, aujourd'hui, qui donne une vraie dimension à mon travail. Je suis parti du postulat que les hommes, il y a deux mille ans, avaient les mêmes préoccupations, problèmes, sentiments que nous. Les ressorts des rapports entre les hommes n'ont guère changé finalement. Enfin, et surtout, c'est un hommage aux femmes qui sont les premières victimes des colonisations. Le titre "Les chevelues" n'est pas au féminin pluriel par hasard.

    

Dans votre deuxième roman, "Rendez vous au 10 avril", vous privilégiez, du moins dans une première partie, les souffrances de votre personnage plutôt que l'intrigue ?

     Ca ne m'étonne pas que vous ayez ressenti cela. Comme je le disais plus haut : l'intrigue m'importe peu. Les rebondissements, les surprises, le suspens, les morts à chaque chapitre... j'aime bien les lire quand c'est bien écrit, mais ce n'est pas "mon truc". En tant qu'écrivain, je crois davantage en la profondeur de mes personnages. Ce qui me marque, en tant que lecteur cette fois, ce sont les personnages et leur psychologie, pas les aventures qu'ils vivent. Pour moi, les grands succès de la littérature (je ne m'inclue évidemment pas dans la liste) sont toujours liés à des personnages principaux et secondaires forts.




Ce roman se déroule dans le Toulouse des années 20. Trouver la documentation a-t-il été difficile ?

    J'ai été favorisé, j'avais un avantage. L'action se déroule en grande partie à l'Ecole Vétérinaire de Toulouse en 1921... Je travaille à l'Ecole Vétérinaire de Toulouse (l'anglais est un enseignement obligatoire). J'ai donc eu accès à un tas de documents grâce à des collègues férus d'histoire et qui ont connu l'ancienne école qui se situait à Marengo, derrière la gare Matabiau.



Vos collègues ont-ils émis des doutes quand ils ont su que vous situez l'intrigue dans l'Ecole Vétérinaire de Toulouse ?
     Non, globalement, mon travail est bien accueilli. Mes collègues ont compris que ce roman était un hommage, à ma façon, noir certes, mais un hommage tout de même à cette institution, qui m'est chère et qui est devenue mienne. Quoi qu'il en soit, c'est un milieu relativement "feutré", les choses ne sont pas toujours exprimées de façon très explicite. Mais je sais que la plupart de mes collègues a un regard bienveillant sur ce que j'écris ; j'imagine qu'ils sont fiers que leur école figure comme "lieu principal" dans un polar. C'est plutôt sympathique, non ?



Ce roman est très noir, c'est l'effet recherché ?

    Absolument. C'est comme ça que je l'ai écrit et je suis heureux qu'on le lise de cette manière. Je n'ai pas une vision très optimiste de la société.



Vous avez remporté de nombreux Prix Littéraires (Les Chevelues : Grand Prix Littéraire de la ville de Toulouse, 2008 - Prix du salon du livre de la ville de Saint-Lys, 2008 - Prix Calibre 47 du salon Polar'Encontre, 2009 / Rendez-vous au 10 avril : Prix Mémoire d'Oc, 2009 - Sélection officielle Prix du Polar de Cognac, 2009).
Est-ce que cela a changé quelque chose dans votre travail d'écriture?


    Changé mon travail d'écriture, je ne crois pas. Mais changé mon regard sur mon travail, indéniablement. Les prix sont très encourageants, rassurants (un écrivain doute beaucoup je crois) et ils donnent un grand sens des responsabilités. On se dit, après un prix, qu'on ne peut pas décevoir. Qu'il faut faire au moins aussi bien.



Quels sont vos derniers coups de coeur littéraires et/ou cinématographiques ?

    Ce sont les questions les plus difficiles pour moi, j'ai envie de citer tant d'ouvrages ! Je ne donnerai que le dernier donc, ce sera plus simple : j'ai adoré "La règle de Seth" d'Hervé Jubert... C'est un ouvrage non publié pour l'instant, Hervé est un ami, il me l'a fait lire à l'état de manuscrit. Avant cela, pour vous donner un titre disponible en librairie, même si ce n'est pas récent, j'ai beaucoup aimé le "Book of Love" de William Kotzwinkle. C'est le titre français, contrairement aux apparences.  Au cinéma... Un prophète d'Audiard.



Merci Benoît Séverac, vous avez le mot de la fin.

    Un grand merci pour cet entretien. Et merci à ceux qui l'auront lu jusqu'au bout (désolé d'avoir été aussi bavard). Je suis ravi d'avoir répondu à vos questions, même si finalement, ce qui compte, ce sont les livres, pas les auteurs.
 


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