Frédérick Rapilly

Frédérick Rapilly





Juin 2011






Bonjour Frédérick Rapilly. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous et sur votre parcours ?

Je suis breton presque pur beurre (mon père était normand), né à Vannes dans le Morbihan voilà quelques décennies (18 mai 1968). Mon père qui s’appelait Patrick a fait rajouté un k à mon prénom pour faire râler l’officier d’état-civil, d’où ce… Frédérick. J’ai fait des études de droit européen à Rennes, puis de journalisme à Bruxelles et à Paris. J’ai beaucoup voyagé dans le monde entier notamment en Australie et à Bali. D’abord en touriste comme surfer amateur, puis comme reporter et grand reporter avant de devenir rédacteur en chef adjoint à Télé 7 Jours. Je dirige les pages Actu et j’y suis l’un des spécialistes des séries télé US.


Frédérick Rapilly - Le Chant des ÂmesComment est né votre premier roman « Le Chant Des Âmes »
(éditions Critic) ?
Quelques-uns de mes amis me disent que j’en parlais déjà lorsque j’étais étudiant. Franchement, je ne m’en souviens pas. Je me rappelle avoir lu il y a longtemps « Le Dahlia Noir » de James Elroy et « Le Parfum » de Peter Süskind, deux livres qui m’ont marqué. Je crois qu’ensuite j’ai mélangé des souvenirs de jeune journaliste lorsque je débutais à Ouest France près de la forêt de Brocéliande, avec mes premières expériences de DJ. J’ai participé à l’émergence de la musique techno en France. J’écoutais beaucoup de groupes anglais, et je possédais une collection de disques importante qui me valait d être souvent sollicité pour mixer – mal !- en soirée. Plus tard, j’ai fait des rencontres déterminantes dont celle de David S. Khara. Je l’avais connu quand j’étais étudiant. C’est lui qui m’a encouragé à présenter mon manuscrit aux Editions Critic.

 

Vous êtes journaliste, également auteur d’essais (« Le Mentalist de A à Z » aux Editions Du Rocher). En quoi l’écriture d’un premier roman est-t-elle différente ?
Pour les essais, il s’agit de collecter des informations, de les vérifier. Il n’y a rien à inventer, à imaginer. Un roman, c’est d’abord une histoire. Personne ne m’a expliqué comment s’y prendre. J’ai appris à écrire un roman en… l’écrivant. J’ai fait beaucoup d’erreurs. Tant mieux ! Ce qui m’a aidé, c’est d’avoir rencontré à Hollywood au cours d’un dîner plusieurs scénaristes de la série « Dr House » voilà trois ans. Je me posais beaucoup de questions sur l’écriture, sur ma légitimité… Ils m’ont fait comprendre que raconter une histoire, c’était comme de fabriquer un meuble : il fallait s’y mettre tous les jours, tranquillement, sûrement… Un mot après l’autre. Poncer, raboter… J’ai travaillé comme un artisan.



La construction du « Chant Des Âmes » est rythmée comme un morceau techno avec des plages de calme, des montées en pulsations et des descentes. Comment avez-vous travaillé le rythme et la musique de votre histoire ?
Je vais vous décevoir, mais je crois que c’est largement inconscient de ma part. J’ai peu de temps pour écrire, car j’ai un travail dans la journée. Souvent je me mettais à écrire la nuit un peu avant minuit, et pour me replonger plus vite dans l’ambiance du livre, je me mettais des morceaux de techno, de pop ou de rock ou de trip-hop comme Radiohead, Massive Attack ou Orbital… Il faut croire que la musique a fini par influencer mon écriture.


Vos personnages sont attachants et le duo fonctionne à merveille. Sont-ils nés facilement sous votre plume ? Sont-ils inspirés de personnes réelles ?
Facilement, non ! Mon héros, le journaliste Marc Torkan, a changé au moins trois fois de nom et autant fois de physique. Idem pour la photographe Katie Jeckson… Elle a même changé de couleur de peau et de religion en cours d’écriture. Le personnage de DJette, Jillian, s’est appelé un temps Jade. Ma sœur m’a dit que cela faisait trop actrice porno. Je l’ai écouté. Ce qui est vrai, c’est que tous les personnages sont inspirés de gens bien réels dont moi-même. J’ai pris parfois des traits physiques, ou de caractère. Ou je me suis appuyé sur des photos qui me plaisaient. La chose amusante, c’est que j’ai rencontré dans la réalité le personnage de Jillian, une jolie rousse, quelques mois après l’avoir imaginée. Pour le tueur en série, je vous laisse imaginer s’il est inspiré d’un personnage réel ou pas…


Est-il facile d’écrire un thriller se déroulant dans le milieu techno ? Quels sont les retours à la lecture de votre roman ?
Je connais un peu le milieu techno et je suis journaliste. Je me suis mis donc dans la peau de mon personnage principal qui découvre cet univers qui en fait est constitué d’une multitude de mondes qui s’ignorent. Je me suis rendu en Thaïlande dans des Full Moon Party, à Bali dans des fêtes au Ku-De-Ta et j’ai traîné dans des rave-parties. J’ai aussi interrogé des amis DJs comme Nicolas Ferron (alias Faces), Mamz’Hell, ou des journalistes spécialisés. J’avais aussi souvent fait des interviews de Daft Punk, de Moby ou Laurent Garnier dans le cadre de mon travail. Au niveau des retours, je n’ai pas eu encore de critiques négatives du milieu techno, mais surtout les gens comme ma grand-mère qui n’y connaît rien n’est pas gênée dans leur lecture. La techno est importante dans le livre, mais ce qui m’intéressait, c’était de faire découvrir une tribu avec ses codes, ses rites… Cela aurait pu être le milieu SM, une secte ou une communauté comme celle des "gamers" ou des adeptes de la pêche à la mouche. Dans mes histoires, je cherche à être exact mais je préfère l’efficacité d’un thriller à sa véracité. Sinon, j’aurai continué à écrire des essais.


Pouvez-vous nous expliquer le courant Teknokiller et la TeK-Life ?
Ce sont deux inventions de mon cerveau « malade. » Si j’en dévoile trop, je risque de donner les clés du « Chant des Âmes » et de gâcher le plaisir de la lecture. Ce que je peux dire, c’est qu’en gros la Tek-Life est le nom de code donné à une musique qui serait quasi irrésistible pour les danseurs. Quant au nom Teknokiller, il était au départ le titre de travail du « Chant des Âmes. » Je l’aimais beaucoup mais il était trop restrictif pour les lecteurs car il suggérait un roman sur la techno et ce n’en est pas un… Ce thriller commence à Brocéliande et s’achève à l’autre bout du monde. On y parle du fonctionnement de la presse, des nouveaux nomades, des DJs, de groupes sataniques, de surf, de rock, de la légende du roi Arthur, de fêtes dionysiaques en Ukraine, des nuits interlopes de Thaïlande, et de bien d’autres choses. Par contre, j’utilise maintenant le nom de Teknokiller quand je mixe comme DJ.


Votre intrigue est originale mais d’après vous y-a-il déjà eu des dérives ou votre fiction aurait-été moins loin que la réalité ?

En juillet 2010, il y a eu 19 morts lors d’une bousculade au cours de la Love Parade de Duisbourg en Allemagne. Et au Mexique, à Ciudad Juarez près de la frontière avec les Etats-Unis, il y aurait plus de 2500 jeunes femmes qui auraient disparues… Je crois que je suis très loin de la réalité.


Votre roman est aussi une invitation au voyage aux 4 coins du monde. Vous êtes-vous rendu dans ces pays pour écrire ? Dans les premiers chapitres, on ressent également une passion pour la Bretagne, pour ses décors, ses légendes. Est-ce une région que vous affectionné particulièrement ?
J’ai beaucoup voyagé. Je pratique mal le surf, mais depuis vingt ans j’ai fait le tour de la planète pour explorer des spots en Australie, à Bali, en Thaïlande, aux Canaries, à Hawaï… Sans compter mes reportages. « Le Chant des Âmes » a été écrit dans une douzaine de pays. Je l’ai commencé en France et je l’ai fini aux Canaries et en Californie. Quant à la Bretagne, c’est mon pays… Depuis que je l’ai quitté, je suis encore plus breton. J’ai été élevé au milieu des menhirs à Carnac, dans le Golfe du Morbihan. J’ai appris à surfer sur la Côte Sauvage à Quiberon, et comme tout Breton qui se respecte, j’ai rencontré quelques Dames Blanches tard la nuit en rentrant de soirée.



Sans dévoiler la fin du Chant des âmes, celle-ci laisse la place à un prolongement à cette histoire. Votre prochain roman Le chant des morts annoncé en 2012 reprendra-t-il des personnages de votre premier thriller ? Pouvez-vous déjà nous dire le sujet de ce prochain opus ?
J’ai signé avec mon sang un contrat avec mon éditeur, mais je ne sais pas encore très bien ce qui va se passer. J’ai des pistes, notamment géographiques. Je pense que je vais m’intéresser au passé de mon tueur en série et que le personnage de la photographe Katie Jeckson devrait prendre de l’importance. Je vois aussi un ami plus ou moins agent secret et un policier des renseignements généraux pour rendre la suite plus crédible… En tous cas, je ne laisserai pas les lecteurs du « Chant des Âmes » le bec dans l’eau. Beaucoup me demande cette suite. J’ai aussi une autre idée assez avancée de thriller qui se passe dans le milieu des escort-girls.


Vous êtes également passionné de thriller. Vous faites des chroniques dans Télé 7 jours ainsi que sur votre blog http://thrillermaniac.over-blog.com/. Quels sont vos derniers coups cœur et vos références ?
J’adore John Burdett dont les intrigues se passent en Thaïlande et en Asie. Son dernier, « Le parrain de Katmandou » (Presses de la Cité) que j’ai déjà lu en anglais vient de paraître. J’aime beaucoup le sud-africain Deon Meyer, et les américains Robert Crais et Don Winslow. Chez les Français, j’ai beaucoup lu les premiers Maxime Chatham, Jean-Christophe Grangié… Et bien sûr, je vous recommande « Le Projet Bleiberg » de David S. Khara sorti aussi chez Critic. Sinon, en vrac, parmi mes références, il y a en polar : James Ellroy (« Un tueur sur la route »), Michael Connelly (« Le Poète ») à qui j’avais été demandé une dédicace voilà des années, Kem Nunn (« Surf City »), Stieg Larsson (« Millénium »), Robert Harris (« Fatherland »), Maurice G. Dantec (« Les Racines du Mal »), Patrick Graham (« L’Evangile selon Marie »)… Par contre, j’avoue, je n’ai jamais lu Dennis Lehane. Tout le monde m’engueule d’ailleurs à ce sujet. Et j’ai un faible pour Ray Bradbury, Steinbeck, Boris Vian, William Boyd et Michel Houellebecq.


« Le Chant des Âmes » sort chez Critic Editions, qui a réalisé un énorme coup avec « Le projet Bleiberg » de David.S.Khara. Ne ressentez-vous pas trop de stress ou pression d’être le Thriller suivant après ce gros succès? Pouvez-vous nous parler de Critic Editions ?
C’est David S. Khara qui m’a proposé de rejoindre Critic. Mon manuscrit avait fait le tour des maisons d’édition à Paris (Fleuve Noir, First, Stock, Michel Lafon…). Beaucoup se disaient intéressées mais personne ne donnait suite. J’avais perdu de vu David qui, vingt ans après la fac de droit de Rennes, a vu mon nom dans Télé 7 Jours et a repris contact avec moi en souvenir des journaux étudiants que nous faisions (et aussi des fêtes !!!). Il n’était pas encore connu. Il n’avait même pas sorti de livre. Quand il a été numéro 1 des ventes sur Amazon et coup de cœur de Gérard Collard de La Griffe Noire, la première chose qu’il a faite, c’est de m’appeler pour me dire qu’il me préparait la voie… David, il veut emmener tout le monde avec lui ! Depuis ses ventes ont explosé, et « Le Projet Bleiberg » va devenir un film. Si j’en fais la moitié, ce serait déjà inespéré… Quand aux Editions Critic, c’est encore un petit navire mais ils ont hissé la voile et j’ai embarqué avec eux. J’espère que l’on ira loin, tous ensemble.



« Le Chant des Âmes » est très visuel, on pense donc inévitablement à une éventuelle adaptation cinématographique. Avez-vous des projets dans ce domaine ?
J’adorerai, bien sûr ! D’après ce que je sais, un agent de studios américains a déjà demandé le livre et s’est renseigné pour mettre une option mais rien n’est fait. J’adore ce qu’a fait Jonathan Demme du « Silence des Agneaux » de Thomas Harris, et « Les Rivières Pourpres » de Mathieu Kassovitz, ce n’était pas mal non plus. Peut-être que « Le Chant des Âmes » pourrait inspirer une série télé comme « Millénium. » Pour l’instant, je suis encore un nain du polar, j’attends de voir si je vais séduire des lecteurs et ce que l’on va me proposer…



Vous donnez votre BO du Chant des âmes à la fin de votre roman. S’il fallait ne retenir qu’un titre, lequel retiendrez-vous ? Quels sont les morceaux qui tournent actuellement sur vos platines ?
Pour « Le Chant des Âmes » ? Il m’en faut deux : de la techno avec « Tombstone » des Midnight Juggernauts et une ballade pop mélancolique avec « Where the wild roses grow » de Nick Cave avec Kylie Minogue ! Actuellement, j’écoute le dernier album des remixes de Depeche Mode, les Irlandais de Japanese Popstars (électro), les Belges d’Applause (rock/électro), Arnaud Rebotini (électro), Danger Mouse et Daniele Luppi (pop), du reggaeton, et « J’ai triste » par Miossec (une reprise des Valentins). Et quand je n’ai pas la pêche, je me mets Etienne Daho (« Bleu comme toi », « Le premier jour ») ou du Saint Etienne (« Like a motorway », « Only love can break your heart »)…



Quelle est la dernière phrase que vous avez-écrite ?

« Est-ce que tu m’aimes ? »

Frederick Rapilly merci, on vous laisse le mot de la fin.
Désir…

Du même auteur : Biographie, chronique, interview

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