Résumé éditeur :
Nous ouvrons le livre et nous atterrissons abruptement sur un ring de boxe, où un flic, visiblement obsédé de boxe, va affronter un tout jeune homme de vingt ans, lui qui vogue dans la bonne quarantaine. Les coups pleuvent, mais Le Mur, surnom du flic qui sait encaisser directs, uppercuts et autres droites sans broncher va miraculeusement gagner le match. Mais à quel prix. Dans les vestiaires, alors qu'il tente de reprendre ses esprits avec l'aide de son soigneur, un personnage plutôt louche, Le Pakistanais, va lui proposer une combine assez crapoteuse pour toucher sans grand effort ce qui lui permettra de ne pas avoir à rationner pour se payer ses petits plaisirs de pauvre type solitaire. Après un moment de révolte, Le Mur accepte : il s'agit de donner une bonne leçon aux amants de quelques femmes, dont le mari, cocu, n'ose pas régler lui-même ses comptes... Pas très brillant. D'autant que très vite le Mur va comprendre qu'on est très loin d'une histoire de nanas et de cocuage. L'aventure prendra une toute autre tournure quand le troisième homme à tabasser, se révèle être un très vieil Algérien, tenant à peine sur ses jambes, qui va lui révéler qui sont les deux hommes qu'il a furieusement amochés... George, Le Mur, est bouleversant dans sa douleur et son humiliation quand il comprend qu'il a été cyniquement manipulé, sans savoir par qui ni pourquoi ; Brahim Bendjema et Pascal Verini, dans leur quête de vengeance pour l' un, et d'oubli pour l'autre, sont d'une justesse impressionnante dans leur violence, leur dureté, leur méfiance, leur fragilité... Le lecteur, lui, d'abord désorienté, se sent de plus en plus horrifié, ému, avec une envie de rire pour ne pas pleurer.
Je dois avouer qu’avant de lire Le Mur, Le Kabyle et Le Marin, je ne connaissais pas l’œuvre d’Antonin Varenne. Ce n’est pas faute d’avoir lu des critiques élogieuses ou d’être attiré par ses romans précédents comme Fakirs, mais il a fallu une rencontre avec Antonin Varenne pour découvrir enfin son univers. C’est en entendant l’auteur raconter la genèse de son roman à un lecteur lors du Quai du Polar à Lyon que j’ai été conquis.
Le Mur, Le Kabyle et Le Marin est, en partie, basé sur le témoignage et les confidences du père d’Antonin Varenne sur la guerre d’Algérie. Cette période trouble de l’histoire, cette sale guerre qui hante de nombreux souvenirs. Un passé pesant resté longtemps sous silence. C’est à partir de 1957 qu’Antonin Varenne retrace les années de service en Algérie d’un jeune militaire. Avec toutes les sensations, l’éloignement d’un amour, des siens, de son pays. On suit au même rythme que le personnage, les découvertes macabres de cette guerre, son endoctrinement, les tortures, cette peur quotidienne. Le lecteur prend ce récit en plein visage comme une déflagration de mine ou de grenade. On se demande ce que nos pères ont vraiment vécu et quels sont leurs horribles secrets enfouis dans leur mémoire ? Qu’aurions nous fait à leur place ? Faire partie des résistants, comme le personnage principal en refusant de participer aux tortures mais en y étant à jamais marqué, ou participer à l’horreur ?
Cette partie algérienne fait aussi la part belle aux relations humaines. Les amitiés se développent dans ce chaos absolu, parfois même avec le camp adverse. C’est un récit dur, poignant et émouvant que réussit Antonin Varenne. Antonin Varenne suit le parcours des rescapés de cette guerre. Que sont-ils devenus ? Sont-ils encore hantés par ce passé ? On découvre aussi une notion politique à ce récit bien documenté, avec les révélations sur d’anciens tortionnaires d’Algérie et leurs prises de pouvoir dans des services d’ordre et partis d’extrême droite.
La seconde partie du roman, se déroulant de nos jours, montre le combat quotidien d’un simple flic partageant sa vie entre ses visites aux prostituées et ses combats pour se payer ses petits plaisirs. Les scènes de combat de boxe, que l'on suit dans la tête du personnage, sont d’un réalisme et d’un visuel saisissant. Le prologue du roman propulse le lecteur en plein centre du ring et l’envoie directement dans les cordes pour sortir littéralement K.O de ce roman. On suit également le parcours de ce flic dans l’illégalité ; la police est égratignée sur ses dérives avec les arcanes du pouvoir.
Le Mur, Le Kabyle et Le Marin est un roman noir remarquable qui va au-delà du polar. Un vrai témoignage sans concessions, entre horreur et humanité, c’est un récit hommage et respectueux à ses vies brisées, marquées par cette guerre, des deux côtés.
Le Mur, le Kabyle et le Marin - Parution mars 2011. Éditions Viviane Hamy
Parution mai 2013 - Editions Points