Kriss Gardaz

 




Les voyageurs des miroirs - Kriss Gardaz





Bonjour Kriss Gardaz, la première question est un rituel... Pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je suis une femme (si, si, c’est pas un hoax) de 42 ans (bon ok, là il y a erreur), enseignante, gourmande, rêveuse, parfois utopiste, parfois désespérée, amoureuse des livres, des questions sans réponses, des sourires, des arbres…
Enfant j’étais nulle en sport, m’inventais mille vies et me réfugiais dans les livres. Adulte, je suis toujours nulle en sport, j’invente encore des vies, mais plus pour moi, et surtout j’ai réalisé ce que je pensais être un rêve inaccessible : écrire des romans.

Comment êtes-vous venue à l'écriture ? Et pourquoi avoir choisi la littérature jeunesse ?
Ce que je vais vous dire, vous avez dû l’entendre des centaines de fois !!! Je ne suis pas « venue » à l’écriture. L’écriture a toujours fait partie de moi. Viscéralement. La première histoire dont je me rappelle parlait d’une taupe, je devais avoir 6 ou 7 ans. A l’adolescence, j’écrivais beaucoup de poèmes que je suis finalement assez contente d’avoir égarés ! Au collège, je me régalais lors des rédactions, choisissais toujours le sujet 3 et évitais les résumés. Vers 16 ans, j’ai eu l’ambition naïve d’écrire un roman. Mon héroïne s’appelait Marie Garnier, elle avait mon âge (de l’époque), était très intuitive, vivait à la campagne. Quand soudain surgit dans sa vie un événement extraordinaire. Vous n’en saurez pas plus car j’ai tout jeté, persuadée que cela ne donnerait rien de bon. Plus tard, j’ai acheté une nouvelle machine à écrire, commencé un roman policier qui ne m’a pas satisfaite non plus, un livre pour enfants, un peu gnan-gnan. J’ai noté des idées, jeté beaucoup de feuilles noircies. Je n’ai jamais cessé d’écrire.
Un jour, à l’aube de mes 40 ans, j’ai senti un besoin irrépressible d’aller au bout de mes envies. Depuis je m’astreins à une vraie discipline de travail, le temps qui passe ne me permettra sans doute pas de mener à bien tous les projets qui courent dans ma tête mais j’espère en voir aboutir plusieurs.
J’ai choisi, dans un premier temps, la littérature jeunesse afin de pouvoir partager cette aventure avec mes enfants. Cela fut, et reste, une expérience familiale fabuleuse, riche et intense. Je me suis également tournée vers les jeunes en pensant à tous les petits curieux qui avaient eu des étoiles dans les yeux lorsque je racontais une histoire en classe. Enfin, je crois aussi avoir écrit ce livre pour la petite fille que j’ai été !

Les voyageurs des miroirs - Kriss GardazVotre roman, Les voyageurs des miroirs, est tout d’abord sorti en auto-édition, quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?
La richesse des rencontres ; l’émotion du premier salon dans un lieu chargé d’histoires, à Dijon ; l’angoisse et l’attente des premiers exemplaires, cette impression qu’ils n’arriveront jamais ; la joie d’être allée au bout d’un projet d’écriture qui me tenait tant à cœur ; le bonheur de mes enfants, l’étonnement devant les premiers commentaires ; l’envie d’aller plus loin et la peur d’oser. Sentir que c’est maintenant ou jamais, se lancer et…


Depuis le début du mois de mai, votre roman est disponible aux éditions du Préau, comment s’est passée cette rencontre ?
Suite aux encouragements de plusieurs libraires chez lesquels j’avais laissé « Les voyageurs des miroirs » en dépôt-vente, j’ai recontacté quelques éditeurs. Je me rappellerais toujours du premier mail que Paskal Carlier m’a envoyé, dans lequel il me disait avoir eu un véritable coup de cœur pour mon roman. Je l’ai lu au moins dix fois pour être certaine de bien comprendre. Je ne m’étais pas trompée !!! Et, après avoir reçu l’aval des huit membres du comité de lecture, j’ai signé en juin 2012 un contrat pour l’édition de ma trilogie.
Je remercie Les Editions du Préau pour leur confiance, ainsi que les Editions Balivernes et Le Pré aux clercs.


Comment se déroule votre processus d’écriture ? Avez-vous en tête l’intrigue de vos livres dès le début ou évolue-t-elle au fur et à mesure ?
Pour Les Voyageurs des miroirs, j’avais une vague idée du titre, le point de départ, un troll qui pleurait derrière un miroir. Et rien d’autre. Au fur et à mesure de l’écriture, des intrigues se sont nouées dans ma tête, des personnages se sont invités, des envies ont surgi. La première partie, sur le monde des trolls, fut pendant quelques semaines un livre à part entière. Sauf que je n’étais pas satisfaite ! Pour moi rien n’était abouti et l’idée d’un roman plus important prenant sa place dans une trilogie s’imposait de plus en plus.
Je connaissais le début, la fin et le titre du deuxième tome, Les chats d’argent, alors que je n’avais pas terminé le premier. Je savais quels seraient les personnages récurrents, quels mondes j’avais envie de développer. C’est tout. Le processus est le même pour le troisième et dernier tome dont je dévoilerai le titre un peu plus tard… je ne voudrais pas donner trop d’indices aux lecteurs !! Encore que parfois il ne faut pas se fier aux mots…
Tout en suivant un fil directeur très net, je continue à me laisser porter par une idée, un ressenti, une sensation, un mot, une photo. Parfois un personnage impose sa présence, parfois c’est l’inverse, je dois le laisser de côté parce que je ne me sens pas bien avec lui à ce moment-là. Je prends beaucoup de notes avant de commencer la rédaction d’un roman, je fais des plans. Grosso modo je me tiens à cette trame mais ce qui m’intéresse c’est d’être moi aussi portée par l’aventure. Je sais quand je suis vraiment « dedans » car alors, tout se met parfaitement en place. C’est comme si, dans la journée, les gens me donnaient involontairement des indices pour le chapitre en cours. Et j’adore les jeux de piste !!


Les personnages du roman sont très attachants mais aussi pleins de surprises. Comment sont-ils nés?
Bonne question mais très vaste !! Mes personnages sont nombreux. Allez, melting-pot...
Rose et Andy Jersey sont nés de mes propres enfants, c’est d’ailleurs eux qui ont choisi les prénoms. Le nom de famille est un hommage à Victor Hugo.
Droopy est MON chat! Car je suis allergique aux poils de chat et j’ai toujours rêvé d’en avoir un. Je lui ai trouvé un nom de chien, ça m’amusait. Je l’ai fait un peu bougon mais drôle. « I’m happy !»
Mamig est l’image idéale que j’ai d’une grand-mère, celle qui raconte des histoires, qui n’est jamais dérangée par la venue de ses petits-enfants… et qui vit dans un manoir breton. Parce que c’est en Bretagne que l’une de mes grands-mères m’emmenait toujours en vacances.
Peg est le surnom d’une amie qui cuisine très bien.
Georges Portemont a réellement existé, c’était un résistant « petit bonhomme tranquille ayant accompli des exploits extraordinaires ». Evidemment il n’a pas vécu les mêmes aventures que dans le roman ! Ou alors c’est qu’on me cache des choses !!
Ochrotomys est né le soir où j’ai entendu des rongeurs dans ma cuisine. Comme je voulais affronter ma peur, j’ai décidé de créer un héros très sympa capable de se métamorphoser en souris dorée.
Nanikana, l’axolotl, est apparu au moment opportun alors que je m’ennuyais un peu chez une vieille dame, que j’aime beaucoup soi-dit en passant. Il me fallait un personnage surprenant, je l’ai trouvé en visionnant un diaporama ! Son nom est inspiré de la rivière Harricana.
Galiok, le troll qui pleure, est très vieux, c’est le plus ancien personnage. Je l’ai inventé lorsque mon beau-fils était petit. Il avait été effrayé par le troll dans le film d’Harry Potter, je voulais le rassurer et casser les clichés.
Bon allez le dernier (de ce melting-pot, pas du roman !) : Passème est un clin d’œil à Gulliver et à l’Odyssée d’Ulysse. A l’inverse de Polyphème, il est sage et empli d’humanité.


Le miroir possède une symbolique très forte, dans vos romans il ouvre les portes sur une multitude d’autres mondes, pourquoi ce choix ?
Je n’aime pas me regarder dans la glace. Je fais toujours des grimaces, suis surprise par le reflet, me demande parfois si ce que je vois correspond à la perception que les autres ont de moi ou si des doubles, plus conformes à mon ressenti, n’existent pas derrière. L’imagination évite de se retrouver face à soi-même ! Dès le début, j’ai donc choisi d’intégrer un miroir à mon histoire. La première image qui m’est venue était celle d’un troll pleurant derrière un verre bombé. S’en est suivie une multitude de questions. Pourquoi pleure-t-il ? Où habite-t-il ? S’agit-il d’un monde minuscule mais présent sur notre Terre ?... Sur le moment je n’ai pas pensé au miroir d’Alice, je savais juste que mon héros, à l’époque il n’y en avait qu’un, allait passer de l’autre côté et chercher la provenance de ces pleurs mystérieux.
Puis, comme cela m’amusait et que j’ai toujours été fascinée par l’hypothétique existence de mondes parallèles, je me suis dit qu’il pouvait y avoir plusieurs miroirs magiques. Ces miroirs, dits de sorcières, seraient des portes sur d’autres mondes, divergents dans leur évolution de celle de notre planète. A partir de là, tout était possible. Une infinité de destins pouvait se jouer, une infinité d’aventures se vivre. Néanmoins je me suis fixé une limite : inventer des mondes pour une trilogie, pas plus. En tout « Les Voyageurs des miroirs » se rendront sur 7 Terres différentes. Sept, chacune avec sa langue, son habitat, son fonctionnement politique, sa population….de quoi m’occuper un moment déjà !

Si vous aviez le choix, dans lequel des trois mondes évoqués dans votre roman, voudriez–vous atterrir ?
Le monde le plus magique aurait ma préférence pour y vivre mais je souhaiterais atterrir dans celui des géants. Pour plusieurs raisons.
C’est un monde dur et effrayant, j’aimerais le voir évoluer. Tant de combats restent à mener, tant de gens à sauver… de la dictature ou d’eux-mêmes ! C’est un monde où on rencontre de vrais héros, ceux qui par leur solidarité et leur courage prennent des risques : Gunnar le rouge, Zongda la potière, Passème le sage, Friggème la poétesse et Griddème bien sûr dont l’amitié est plus forte que tout.
C’est aussi le monde que j’ai ressenti le plus intensément en écrivant, celui que je trouve le plus abouti sur un plan littéraire.


Chaque monde a son propre langage, comment sont-ils nés ?

Le premier nom troll que j’ai inventé m’est venu grâce à un poème de ma fille, affiché dans mon bureau. Je cherchais une idée, j’ai levé la tête et vu le mot baguette, spontanément j’ai pensé à Bagok, je trouvais que cela sonnait bien « troll ». J’ai ensuite eu envie d’inventer quelques mots d’une langue qui serait propre à ce peuple et décidé de garder soit le g soit le k dans chacun des mots trollesques.
Pour les fées, il me fallait un langage aérien, les deux ailes (ou LL) s’imposaient ! Et hop c’était parti pour une recherche de mots plus légers. C’est le langage que j’ai le plus développé puisque dans le dernier tome je propose un exercice de conjugaison féerique. Avis aux amateurs !
Pour les géants, j’ai observé quelques mots dans des langues nordiques, je voulais que ce langage soit complètement différent des deux autres. J’ai mis beaucoup de D, de R, très peu de E. Encore une fois, le but était de m’amuser, souvenir d’enfance où l’on invente des messages secrets et codés.


Deux autres tomes sont en préparation, pouvez-vous déjà nous dire quelques mots sur les nouveaux mondes que vont explorer Rose et Andy ?
Que les lecteurs qui ne veulent pas en savoir plus arrêtent immédiatement de lire cet article !!
Pour les autres, Andy, Rose et Droopy retourneront dans l’un des mondes déjà visité. Vu ma réponse à la question précédente, il est facile de deviner lequel… Ils se rendront également dans un monde moyenâgeux et un monde…..ah,ah, surprise !


Un petit mot sur la couverture, réalisée par Fanny Etienne-Artur, qui est sublime, avez-vous eu votre mot à dire ?
Mon éditeur m’a imposé cette illustratrice professionnelle qu’il connaît bien et je l’en remercie !!! Fanny avait lu « Les voyageurs des miroirs » et souhaitait en illustrer la couverture. J’avoue être passée par toutes les phases de doute et de crainte. Pas simple de confier ses « bébés » à une inconnue ! Un jour j’ai reçu quatre esquisses avec un petit mot très sympa et la mission d’en choisir une. Je peux vous dire qu’à ce moment-là j’ai su que Paskal avait du nez et je l’aurais volontiers embrassé (sur le nez justement, soyons raisonnable) ! Il se dégage de l’illustration finale une beauté et une poésie qui ne peuvent que mettre en valeur mon roman. J’adore !


Êtes-vous vous-même lectrice et quels sont vos livres de chevet et vos derniers coups de cœur ?
J’ai été une dévoreuse de livres et reste une grande lectrice. Actuellement sur ma table de nuit il y a… (pause, je vais voir) : « Une femme aimée » d’Andréï Makine, « La mémoire est une chienne indélébile » d’Eliott Perlman, « Les contemplations » de Victor Hugo pour les soirs de blues et un magazine.
Mes derniers coups de cœur ont été « Mapuche » de Caryl Férey, « La vérité sur l’affaire Harry Quebert » de Joël Dicker et « La solitude du docteur March » de Géraldine Brooks.


Que diriez-vous aux lecteurs qui n'ont pas encore lu votre livre ?
Ouh la la !!! Courez vite l’acheter, on a le droit ?
Sans rire, j’espère qu’ils trouveront autant de plaisir à le lire que j’en ai pris à l’écrire. C’est ce que je mets parfois en dédicace parce que c’est ce que je pense profondément. Savoir que le soir, quelqu’un est en train de se glisser avec volupté dans son lit, « Les voyageurs des miroirs » à la main est une joie sans nom pour moi qui ai vécu ces sensations en tant que lectrice. A ce propos, futures lectrices et futurs lecteurs, n’hésitez pas à laisser un commentaire sur mon blog ou sur ma page facebook !


Quels sont vos projets à venir ?
Je poursuis actuellement l’écriture du dernier tome de la trilogie, je compte encore plusieurs mois de travail quasi quotidien. Ce troisième roman sortira vraisemblablement à l’automne 2014, soit un an après le tome 2.
Ensuite, j’avais espéré me reposer un peu mais des idées trottent et retrottent dans ma tête, je sais donc que je m’attellerai à un nouveau défi : écrire un thriller !


Merci beaucoup Kriss Gardaz, nous vous laissons le mot de la fin.

Je terminerai donc en vous remerciant de m'avoir posé toutes ces questions. Grada bow!!
 
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