Bonjour Sandrine Collette, commençons par le rituel de la première interview sur Plume Libre. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis une hyperactive contra-phobique et plutôt contente de l’être. Je travaille à l’université en région parisienne mais je passe près de la moitié de mon temps dans le Morvan. Je suis passionnée de chevaux et j’ai écumé le parc régional en randonnée, je restaure aussi ma ferme moi-même et j’ai mille mètres carrés de toiture dans les pattes, des tonnes de pierres de granit... Et puis j’écris.
L’écriture a-t-elle été toujours présente dans votre vie ? Quel a été le déclic pour vous lancer dans l’aventure du roman ?
J’ai toujours écrit, enfant, ado, adulte. De l’universitaire ou du « ludique ». Le déclic, ça a été de faire se rencontrer une envie d’écrire et un vécu brut qui était riche de matière.
Des nœuds d’acier est votre premier roman. Comment s’est passée la recherche d’un éditeur ? Conte de fées ou parcours du combattant ?
Incroyable, mais le conte de fées. J’ai envoyé le roman à deux éditeurs, l’un parce que j’avais un contact, l’autre après le conseil d’une amie travaillant dans l’édition. C’est ce deuxième éditeur qui a réagi en trois jours… je suis aussi tombée au bon moment : Béatrice Duval relançait la collection Sueurs froides et cherchait des romans du genre.
Pourriez-vous nous présenter votre roman ?
Théo, la quarantaine, un type pas sympa, se met au vert après quelques ennuis. Hébergé dans une chambre d’hôtes modeste tenue par une dame charmante, il découvre la région lors de longues promenades. Jusqu’au jour où, dénichant « le » coin perdu et « la » vue de rêve, il tombe sur un petit vieux qui lui offre un café. Il se réveille enchaîné dans une cave…
D’où vous est venue l’idée Des nœuds d’acier ?
Un peu d’imagination, un peu d’expérience de nature farouche.
Votre roman repose essentiellement sur ses personnages. Comment sont-ils nés, notamment les deux frères qui sont tout simplement stupéfiants ?
Quand j’ai commencé à écrire, ces deux frères étaient d’adorables petits vieux. Philosophes, paternels. Et puis le roman ne me plaisait pas et j’ai tout changé. Ils sont donc nés par hasard, en quelque sorte, par caprice. Dans la vraie vie, j’adore les mamies et papys et cela m’a été difficile d’en faire des monstres, mais c’était le jeu. Le seul personnage stable est Théo. A lui, j’avais quelque chose à dire : on peut être le plus dur et le plus puissant des hommes, il y a toujours, toujours un moment où l’on tombe sur plus fort que soi.
Votre roman aborde le thème de l’esclavage, qui paraît totalement invraisemblable de nos jours mais que vous arrivez à rendre totalement crédible et c’est ce qui « dérange », je pense, le plus les lecteurs. Qu’est-ce qui vous a poussé à traiter de thèmes aussi durs (l’enfermement, l’esclavage, la déchéance humaine…) ?
Je parle d’imagination : cela permet de construire une histoire, avec un fil, des séquences. Mais le cœur de mon roman vient de la transposition de constats réels (pas tous chez la même personne bien sûr !). La nature humaine, ce n’est pas un scoop, est infinie dans sa capacité de dureté : il suffit de regarder et d’écouter. J’ai observé l’absence d’issue dans plusieurs vies autour de moi, quelque chose de terrible, et j’ai voulu l’écrire à ma façon. Pour rendre justice à certains. Et pour servir de leçon à d’autres.
La nature est omniprésente dans votre roman tel un personnage à part entière. Elle passe de belle et lumineuse avec un côté réparateur pour Théo à totalement cruelle et sombre. Est-ce un sujet qui vous tient à cœur ?
La nature fait partie de ma vie depuis ma naissance. Pour mon premier roman, il était évident qu’elle tiendrait une place importante car elle me permet de prendre de l’ampleur, au quotidien, et cette fois dans l’écriture. Elle dépouille, elle transcende, elle écrase, elle remet les pendules à l’heure. Ce n’est pas elle qui s’adapte à l’homme, il faut faire avec. Et elle donne une idée de la dimension humaine : minuscule.
En commençant l’écriture de votre roman, aviez-vous déjà en tête les différents rebondissements, y compris la fin, ou vous êtes-vous laissée porter par vos personnages au fur et à mesure ?
Je n’avais pas les rebondissements en tête, ils se sont constitués petit à petit. En revanche j’avais le début et la fin, je savais où j’allais. Même si cette fin a presque entièrement changé elle aussi au fur et à mesure que le livre avançait.
Etes-vous vous-même lectrice et quels sont vos livres de chevet et vos derniers coups de cœur ?
Je lis dès que je peux, sans lien avec l’actualité littéraire, et pas vraiment du polar ! Je viens de fermer La mort du roi Tsongor de Laurent Gaudé et je commence Anima de Wajdi Mouawad. Mes « diamants bruts » : Le Grand cahier d’Agota Kristof, Le vieux qui lisait des romans d’amour de Luis Sepulveda, La grosse de Françoise Lefevre, Les demeurées de Jeanne Benameur, et d’autres encore…
Vous êtes d’ores et déjà invitée pour les Quais du Polar 2013. Vous attendiez-vous à participer à ce salon dès votre premier roman ? Comment vit-on l’engouement suscité par son roman ?
Je ne m’attendais à rien : à peine à être publiée. Les Quais du Polar, c’est l’inaccessible étoile, et voilà que cela arrive. C’est exaltant et surréaliste. Je navigue entre les petits nuages et mon côté terre-à-terre qui me rappelle à l’ordre régulièrement en me disant que tout est éphémère et qu’il faut transformer l’essai.
Quels sont vos projets ? Dans quel état d’esprit abordez-vous l’écriture du prochain roman ?
Mes projets, c’est bien sûr un autre roman, déjà en route. Mais le fait qu’on parle autant du premier est terrifiant : je n’ose plus me mettre devant l’ordinateur. C’est difficile de croire en soi. Ca va passer…
Merci beaucoup Sandrine Collette, nous vous laissons le mot de la fin.
Je vais être casse-pieds mais ce serait merci, merci, merci ! Aux lecteurs qui ont aimé ce roman, aux libraires et aux bloggeurs qui y croient à fond, et à Béatrice Duval et Caroline Lépée, éditrices sans pareil. J’aimerais bien rallonger la liste avec Cécile Gateff, Pauline Ferney et d’autres mais cela serait trop long…