Louise Mey

 

 
 
Louise Mey

 

Bonjour Louise Mey, afin de mieux vous connaître, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous et sur votre parcours ?
    J’ai 33 ans. J’ai grandi et je vis à Paris. Je déteste les pédiluves à la piscine et ne sais pas faire les omelettes.


Qu’est-ce qui vous a poussée à l’écriture ? Et pourquoi dans le thriller ?

    J’ai la chance de venir d’une famille où on plaçait la lecture et les livres très très haut sur la liste des sujets importants (on m’encourageait toujours à lire alors qu’à l’inverse, personne ne s’est jamais spécialement donné la peine de m’apprendre à faire une omelette). Je suppose que par mimétisme, je me suis mise à inventer des histoires.
Je crois qu’on en a tous quelque part en soi… au moins quand on est petit, qu’on se sent légitime à inventer. Après il faut être encouragé, bosser, et avoir de la chance. J’ai eu les trois ; cela fait de moi une privilégiée !
Et pour le thriller/polar… je n’ai pas de réponse ! C’était l’histoire la plus mûre je suppose, celle qui était prête à sortir de mon crâne, et que j’étais prête à travailler assez pour en faire quelque chose de (j’espère) bien !


Les ravagé(e)s de Louise MeyVous venez de publier Les ravagé(e)s chez Fleuve éditions. Pouvez-vous nous présenter ce roman ?
    Les Ravagé(e)s suit une brigade spécialisée dans les crimes et délits sexuels dans le Nord de Paris : une enquête en particulier, qui va s’étaler sur plusieurs mois ; et toute la vie de la brigade qui s’articule autour.


Le sujet des Ravagé(e)s est très dur, pourquoi avoir fait ce choix ?
    Je ne trouve pas que ce soit un sujet exceptionnellement dur, dans le sens où les dynamiques de pouvoir et de violence à l’œuvre dans les agressions sexuelles sont souvent évoquées dans les œuvres de fiction.
Peut-être que c’est le point de vue, le fait de s’attarder, qui rend le texte « dur » ? Dans la « vraie vie », les viols sont des faits divers dont on parle souvent mal et sur lesquels on s’attarde peu. Dans les livres, les BD, les comics… des victimes de viol qui servent de point de départ à une enquête, ou de justification à des vengeances par exemple, je pense qu’il y en beaucoup…
D’ailleurs, il existe un site qui s’appelle « Women in Refrigerators » (femmes dans des réfrigérateurs). C’est une scénarise américaine, Gail Simone, qui avait commencé à répertorier tous les personnages féminins de comics, qui sont tués, ou privés de leurs pouvoirs, ou blessés, bref diminués, piétinés… juste pour servir l’intrigue.
Dans ce sens, je ne pense pas que Les Ravagé(e)s soit spécialement plus dur.
Ceci étant dit, il est vrai qu’il s’agit d’un sujet propice à un #TW (un trigger warning) : on parle de viol et de violences sexuelles, ce qui peut déclencher des émotions difficiles chez les survivant-e-s d’abus.


Si la brigade dans laquelle travaillent Alex et Marco est fictive, vous vous appuyez sur des chiffres qui sont eux bien réels et largement effrayants, comment s’est passé votre travail de recherche ?
    Internet ! Je dis merci à Internet. De très nombreuses études, très documentées, sont accessibles en ligne ; de nombreuses statistiques d’organismes reconnus, également. Sur la loi, les structures des administrations...
Ensuite on consulte les sources, les liens connexes, et on tombe dans l’océan des violences faites aux femmes. Au fur et à mesure, j’ai ajouté des choses… mais il fallait savoir s’arrêter. Sinon j’aurais pu inclure passage après passage inspiré de faits divers et d’actualités, et vous auriez dans les mains un pavé de 8 000 pages, avec un tome 2 en cours d’écriture… (enfin non, parce qu’aucune maison d’édition n’aurait accepté de le publier).
Les féministes utilisent souvent la métaphore de la pilule de Matrix : une fois qu’on commence à faire attention à ces questions (culture du viol, féminicide…), on les repère partout.


Habituellement, le viol est une horreur plutôt « réservée » aux femmes… D’où vous vient ce choix d’inverser le sexe de la victime et que, pour une fois, les hommes ressentent la peur de se faire agresser à chaque coin de rue ?
    J’évoquais plus haut la façon dont le corps des femmes est piétiné, utilisé, pour des besoins narratifs.
C’est très difficile de faire comprendre à un homme hétérosexuel, valide, blanc, ce que cela peut signifier de ressentir l’espace public comme un lieu de danger. Même les mieux intentionnés ont du mal à saisir.
J’ai lu un article qui disait « c’est comme être un lézard qui vit avec un Husky dans une pièce pas super bien chauffée. Tu peux survivre, tu peux vivre, mais le moment où tu iras voir le Husky pour lui dire que tu as froid, tout le temps, et que tu aimerais vraiment bien fermer la fenêtre et mettre du chauffage, il ne va même pas comprendre de quoi tu parles ».
Le harcèlement de rue, c’est ça : on ne peut pas invoquer un effet-miroir. Et pousser la réflexion au maximum, c’est de se dire « il faudrait que ça aille vraiment loin pour que ces dynamiques s’inversent ». Si on le prend comme ça, peut-être qu’on peut lire Les Ravagé(e)s comme une hypothèse. Après, je ne suis pas sociologue, juge ni gendarme ; j’ai juste écrit une histoire.


En commençant l’écriture d’un roman, avez-vous déjà en tête les différents rebondissements, y compris la fin (qui est surprenante), ou vous laissez-vous porter par l’écriture au fur et à mesure ?

    Quand j’ai commencé à écrire, j’avais déjà tout, c’est-à-dire les personnages principaux, les gros axes de l’intrigue.
Après, il y a des personnages qui sont arrivés, qui ont évolué ; ou des anecdotes, des développements qui sont arrivés « en plus », presqu’à mon insu (oui je sais chaque fois que j’ai lu ça dans une interview j’ai levé les yeux au ciel mais c’est vrai. Ça arrive : parfois un type anonyme qui devait juste ouvrir une porte se retrouve avec un nom, un âge, un plat préféré et un poisson rouge qui s’appelle Guwer’ch. Je ne lèverai plus jamais les yeux au ciel).


Qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs qui n’ont pas encore lu votre roman ?
    Je garantis que vous n’y trouverez aucune femme dans un congélateur. C’est une promesse ferme : je viens de faire un contrôle-F-Rechercher et le terme « congélateur » n’apparaît pas une seule fois.
Vous y trouverez Alex, Marco, Chloé, Ana ; des matins qui piquent un peu et des soirs où il pleut ; des raviolis un peu mous en boîte ; une boxeuse Belge ; des gens qui font de leur mieux pour avancer. Egalement mais en quantités moindres, de l’amour, des courses-poursuites et des courgettes farcies.
J’espère que vous y trouverez du plaisir de lecture, et quelques questions intéressantes. En tout cas j’ai beaucoup travaillé pour que ce soit le cas.

Quels sont vos projets ?
    Je suis en train de travailler, avec Marie-Eugène-ma-merveilleuse-éditrice sur un deuxième texte qui devrait paraître en 2017 au Fleuve (et pour la deuxième fois, je n’arrive pas à réaliser, je me sens tellement chanceuse). Qui devrait être un « vrai » thriller, pour le coup, avec un rythme plus... serré ! Et un univers différent (mais de nouveau des courgettes, maintenant que j’y pense).
Et puis j’ai des projets de BD, j’adore la BD, j’espère que la chance va durer et qu’ils vont se concrétiser !
Egalement, sur ma liste de bonnes résolutions pour la fin 2016 au plus tard : l’omelette (sérieusement : comment on fait ? Je finis toujours avec des œufs brouillés.)

Merci beaucoup Louise Mey, nous vous laissons le mot de la fin.
    Merci pour vos questions ! Merci pour l’intérêt que vous avez porté au livre !
Et si vous avez un tuto pour l’omelette, n’hésitez pas…

 

  Du même auteur : Biographie, chronique, interview



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