Bonjour Niko Tackian, pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous ?
Alors voilà, je suis un quarantenaire habitant en région parisienne. J’ai deux fils dont j’aimerai avoir le dixième de l’énergie. Et j’ai la chance de vivre de l’écriture depuis une vingtaine d’années. J’ai d’abord été journaliste, puis scénariste de BD, dans le jeux vidéo, puis je suis devenu scénariste pour la télévision. J’ai aussi réalisé un film et depuis trois ans j’écris des romans. Toxique est mon troisième opus… En fait, je suis simplement un humble raconteur d’histoires.
Toxique est votre dernier roman, comment a-t-il vu le jour ?
Après la sortie de mes deux premiers romans (Quelque part avant l’enfer, La nuit n’est jamais complète), j’avais envie de quitter un peu le thriller pour créer un personnage récurrent. Et puis j’avais aussi très envie de changer d’éditeur pour trouver une personne qui m’aiderai à me bonifier dans mon travail. C’est le genre de vœux pieux que beaucoup de romanciers peuvent faire mais qui restent à l’état de « souhaits ». Et bien moi j’ai eu la chance de trouver une lampe magique, en l’occurrence plutôt une bouteille de Cognac magique puisque c’est grâce au camarade Bernard Bec que j’ai croisé le chemin de René et Marie Manzor au festival du polar de Cognac. Il y a eu une sorte d’alchimie immédiate entre nous et René m’a présenté les bonnes personnes. Ensuite c’est la rencontre avec Caroline Lépée ! À nouveau il se passe un truc et je comprends instantanément que je suis en face de quelqu’un d’exceptionnel qui va me permettre d’apprendre et de pousser plus loin mon petit talent de raconteur d’histoire. Caroline me présente Philippe Robinet, un mec d’une bienveillance rare, et voilà le roman sur les rails du destin et chez Calmann-Lévy.Tomar Khan, votre personnage principal, a une histoire familiale très riche, comment en avez-vous eu l’idée ?
Ma première impulsion était de faire une transposition moderne du mythe du minotaure. Tomar est le fils de la bête, condamné à errer dans le labyrinthe de ses angoisses. Il est toujours sur le fil entre sa nature violente et son envie de sortir de cet état pour simplement vivre. Après j’ai construit sa famille en m’aidant beaucoup de choses personnelles. Que ce soient ses origines kurdes ou sa relation compliquée avec son père.Le personnage « toxique » du roman est vraiment effrayant dans le sens où on pourrait largement être amené à le côtoyer dans notre quotidien sans nous en rendre compte. Comment vous est venue l’idée de ce personnage et comment l’avez-vous travaillé ?
Ce personnage était pour moi une manière de montrer que la violence n’est pas réservée aux criminels. Elle est partout autour de nous et parfois tellement anodine que notre esprit refuse de la voir. Les rapports entre les êtres humains sont violents au quotidien que ce soit dans le travail, dans les transports, à la maison, avec nos enfants… Mais nous avons des bornes, des limites, des lois morales qui nous empêchent d’aller trop loin et surtout, nous avons tous plus ou moins une capacité à l’empathie. Les sociopathes jouent avec ces limites en maximisant les dégâts qu’ils peuvent faire car, eux, n’ont pas d’empathie. Et le pire c’est que certains mécanismes de notre société dite moderne, valorisent ce manque d’empathie comme si c’était un atout ! Quand on vous demande de « vous protéger », de « ne pas trop vous sentir concerné », et bien je pense qu’il faut se méfier…
De manière plus générale, où trouvez-vous l'inspiration pour créer vos personnages ?
Dans mes tripes. Les personnages sont la partie la plus importante d’une histoire, particulièrement dans les romans car c’est eux qui portent l’histoire, on pourrait même dire qu’ils font l’histoire plus que l’écrivain lui-même. Ça veut dire clairement que vous devez PARFAITEMENT les connaître dans les moindres détails et que leur psychologie doit être juste. Si ce n’est pas le cas c’est comme confier un film à un comédien qui joue faux… Vous êtes sûr d’aller dans le mur. Alors je trouve l’inspiration dans ce que je connais et ce que je maîtrise. Il y a des bouts de beaucoup de gens dans mes romans, aussi bien au niveau psychologique, physique que dans des éléments de caractérisation plus spécifiques comme les vêtements, les manies etc… Et quand je ne connais pas, et bien je me documente.
Par rapport à vos deux romans précédents, Toxique est plus axé polar, pourquoi ce « virage » ?
D’abord parce que c’est un genre que je pratique en télévision depuis dix ans. J’ai écrit de nombreux polars dont le plus récent est la série Alex Hugo crée avec mon camarade Franck Thilliez. Et puis surtout car le polar est un genre insaisissable qui se décline dans tous les univers. Polar urbain, rurale, fantastique, historique, ésotérique, noir, existentiel, métaphysique… Le polar permet de tout traiter en choisissant l’angle qui vous correspond le mieux. Dans mon cas, j’aime les histoires dont les intrigues et les personnages permettent une ouverture sur des questions profondes et souvent psychologiques.
Vous travaillez actuellement sur un deuxième volet des aventures de Tomar Khan. Envisagiez-vous dès le départ de créer un personnage récurrent ?
Oui c’était vraiment l’objectif que je m’étais fixé. D’abord parce que mon expérience de scénariste de séries m’a démontré à quel point la récurrence permet de « pousser » un personnage dans ses retranchements, de le forcer à évoluer, à se transformer. Aussi parce que Tomar est un être complexe dont les conflits ne pouvaient pas se résoudre à l’échelle d’un seul roman. Mais ce n’est pas le seul du roman. Il y a une galerie d’une dizaine de personnages qui vont aller beaucoup plus loin et vous surprendre. C’est la magie de la récurrence, du feuilleton. Ces personnages finissent par faire partie de votre paysage affectif.
Toxique est totalement ancré dans l’actualité ce qui lui confère beaucoup de réalisme, était-ce évident pour vous de le situer juste après les attentats de novembre 2015 ?
J’ai commencé à écrire Toxique après les attentats et c’était évident pour moi qu’un flic de la crime ne pouvait pas vivre une enquête dans le « monde d’avant ». Car oui, on en a tous pris conscience maintenant, le monde a changé après ces attentats, et on ne peut plus raconter une histoire policière en France de la même manière. Ensuite il s’est avéré que je me suis fixé le défi d’utiliser les événements de l’actualité en live. Vous avez énormément de choses qui font partie du décor du roman qui se sont déroulées pendant mon écriture. Aussi bien au niveau de la météo, des événements culturels, de l’actualité etc… C’est aussi ça qui donne du réalisme à Toxique et à toutes les prochaines aventures de Tomar Khan.
Romans, BD, séries TV, cinéma, vous êtes un touche-à-tout, travaillez-vous de la même manière à chaque fois ?
Pas du tout ! Chaque « support » possède ses propres spécificités. Certains sont plus techniques, d’autres plus instinctifs. Certains sont libres (le roman), d’autres très contraints dans de multiples contingences (le scénario). J’ai la chance d’avoir abordé quasiment tous les champs dans lesquels on raconte des histoires, cela m’a permis de considérablement augmenter ma palette d’outils. À moi d’utiliser les bons en fonction de l’univers dans lequel je me trouve. Bien entendu il y a un fond commun qui est d’avoir des idées et envie de raconter des histoires…
Quels sont vos derniers coups de cœur romans, séries TV, films ?
Gros gros coup de cœur pour The Leftovers (S1 & 2), une série qui m’a d’ailleurs accompagnée pendant l’écriture de Toxique.
Au cinéma, je pense que le dernier film pour lequel j’ai été heureux de payer ma place est Mad Max ! Un spectacle incroyable. Je n’ai jamais compris qu’on aille regarder une comédie potache sur grand écran, la télé est là pour ça.
En roman, j’ai adoré dernièrement Au nord du monde de Marcel Theroux, qui est d’ailleurs le papa de l’acteur principal de la série des Leftovers (y a pas de hasard !).
Quels sont vos projets ?
Et bien je suis en pleine écriture de la suite de Toxique.
Je continue à développer des épisodes de la série Alex Hugo pour France 2.
J’ai plusieurs projets de séries incroyables pour Netflix en cours et aussi un thriller spatial en série digitale. Bref je m’occupe.
Merci beaucoup Niko Tackian, nous vous laissons le mot de la fin.
Pour finir j’aimerai dire un grand merci au chasseur des steppes MANOOK qui a eu la bienveillance de lire mon manuscrit et de poser sa griffe sur ma couverture. Je ne sais pas si c’est parce que mon héros s’appelle Khan mais il s’entendrait certainement très bien avec son Yeruldegger !